Il a plu. La pelouse est mouillée grave, comme on dit dans les tribunes. C’est le derby entre Bondy et son adversaire de toujours, le Stade de l’Est des Pavillons-sous-Bois, la commune voisine. Dans les cités, on ne fait pas trop la différence. Il arrive qu’au sein d’une même famille, l’un joue à Bondy et l’autre au Stade de l’Est. Les grands frères qui m’accompagnent, eux, sont plutôt Stade de l’est.

– C’est très différent, dit Radouane. Bondy, c’est tout pour la victoire. Ils sont teigneux, il n’y a pas de philosophie. Stade de l’est, tu vois, c’est tout pour le jeu, ils ont une culture du foot, jamais un joueur du Stade ne provoquera des embrouilles.

Sur la pelouse, les deux équipes commencent à bouger. C’est black et beur, il manque une couleur… Derrière ces 22 joueurs, ce sont deux organisations géantes. Bondy compte plus de 500 licenciés, c’est-à-dire des joueurs de tous âges qui paient en principe une cotisation de 150 euros par an. Il y en a autant au Stade. Deux machines à enrôler les gamins, les faire courir, les tenir tous les week-end.

Les principes de Bondy, tout pour la victoire, portent leur fruits. 1 à 0. Les verts jouent mieux, occupent bien le terrain, construisent des actions. Et aussi, on n’entend que leur entraîneur, un black du nord, (c’est-à-dire de Bondy nord) qui se fait appeler Wilfried et hurle dans les gradins parce qu’il y a deux semaines, il a hurlé si fort qu’il a été privé de pelouse.

– Joue, Amadou, joue! Vas-y Nabil, t’es pas battu, vas-y! Serre-le, serre-le! Dans ton dos, Richard, ça appelle! Demande, Amadou, demande!

Dans la seconde mi-temps, Bondy enfonce le clou: 2 à 0. Un drôle de but, alors que le gardien se baladait loin de ses filets. « Hors jeu grave », jugent les grands frères.

Serge Michel

Serge Michel

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