Stéphane Pocrain (voir sa biographie) a choisi le Bondy Blog pour se lancer dans la course. Il veut enrichir le paysage à gauche, amener aux urnes ceux qui ne votent jamais et a choisi l’égalité comme grand thème de sa campagne. S’il est élu, sa première mesure sera de créer une « caisse nationale pour l’autonomie de la jeunesse ». Quant aux fonds nécessaires à sa campagne, c’est sur Internet qu’il pense les trouver.

(Mohamed Hamidi) Bonjour et bienvenue à Bondy, nous sommes ici dans une ville du 93 vous êtes originaire du 91. Aujourd’hui, vous habitez sur Paris, quel rapport entretenez vous avec la banlieue ?

Je n’ai pas de rapport particulier avec la banlieue. Pour moi, il ne devrait pas y avoir de séparation entre Paris, où j’habite, et la banlieue. J’habite le 20e arrondissement de Paris, c’est un quartier populaire. Mon fils est scolarisé à Belleville. La banlieue pour moi c’est l’endroit d’abord où j’ai grandi, où mes parents habitent. C’est l’endroit où j’ai mes origines, ma source, un certain nombre de copains. C’est surtout, d’un point de vue plus politique, l’endroit où se joue l’avenir de ce pays. D’abord pour des raisons démographiques. On voit bien qu’il y a du brassage, du multiculturalisme et aussi parce que je considère que dans ce pays la belle devise « liberté égalité fraternité », elle ne fonctionne pas pour un certain nombre de quartiers, et notamment des quartiers qu’on appelle pudiquement des « quartiers périphériques », ou des « quartiers sensibles ». Alors si on veut dire qu’il y a plus de sensibilité et d’amour dans ces quartiers populaires, je peux en témoigner. Mais si c’est une manière de dire qu’on ne s’est pas assez occupé de ces quartiers pendant des années : il est temps de faire quelque chose. Et je crois notamment, et là on va rentrer un peu dans le vif du sujet, que ce qu’on a appelé les émeutes, ce qui s’est passé en banlieue, c’était une révolte. Cette question là, elle ne doit pas sortir du débat politique. On est déjà en train de passer à autre chose. Il faut que cette question là soit posée avec force en 2007.

 

(Sada Fofana) : Est-ce que ça veut dire que vous êtes vous-même candidat à l’élection présidentielle de 2007 ?

Oui, je suis candidat à l’élection présidentielle.

Cela fait longtemps que je milite. J’ai commencé, j’avais 14 ans. J’en ai bientôt 34. C’était en 1986, pendant des manifestations étudiantes pendant lesquelles un jeune homme est mort. Il s’appelait Malik Oussekine. A l’époque on avait au pouvoir une droite qui se caractérisait par un duo Pasqua-Pandraud. Cette droite-là pensait qu’on pouvait interdire aux jeunes de sortir. C’était les années où Jacques Chirac se prenait pour Ronald Reagan et prônait plus de libéralisme. Cette droite là a été battue, heureusement, par François Mitterrand en 1988. Ce sont des évènements qui m’ont marqué. Mais les enfants de cette droit arrogante Villepin et Sarkozy doivent être battus de la même manière. C’est le sens de ma candidature à l’élection présidentielle. Cette bataille là, chacun doit pouvoir y participer. Il n’y a pas de couleur de peau pour être candidat à la présidence la république. Il n’y a pas d’âge. Il n’y a pas de parcours obligé. On n’est pas obligé d’avoir fait l’ENA ou polytechnique.

 

(Kamel El Houari) : C’est quoi, votre programme ?

Je ferai connaître mon programme dans les semaines qui viennent. Ce qui est sûr, c’est que la question centrale pour moi c’est la question de l’égalité. Egalité entre les générations, égalité face à l’environnement et l’égalité des droits civiques. On peut raconter tout ce qu’on veut, mais tant que les gens n’auront pas le sentiment d’être traités de la même manière dans ce pays, selon leur revenu ou selon la couleur de leur peau, et bien on n’y arrivera pas. L’égalité premièrement, c’est la question sociale. C’est d’abord dire qu’effectivement, dans une société comme celle-ci, il y a des classes sociales. Il y a des riches et des pauvres et il faut savoir un peu de quel côté on penche et de quel côté les priorités doivent être données pour les politiques publiques. Donc se battre pour l’égalité, c’est d’abord la lutte contre le chômage et la lutte contre la précarité. C’est ce qui était au cÅ“ur des manifestations sur le CPE et l’emploi des jeunes. La priorité, c’est la formation. Il y a trop de jeunes qui sortent du système éducatif français sans diplôme. Se battre pour l’égalité, c’est concrètement se battre pour la révolution de l’école. Concrètement, si j’étais élu président, une de mes premières mesures, peut-être ma première mesure, ce serait un plan d’urgence pour la réduction des effectifs dans ce qu’on appelle les zones d’éducation prioritaires (ZEP) pour dire par exemple qu’on ne veut pas plus de 20 élèves par classe. C’est une question de citoyenneté. On ne peut pas être formé à la citoyenneté quand il n’y a pas de moyens pédagogiques nécessaires qui sont donnés.

Toujours pour les jeunes, il y a aujourd’hui des gens qui vivent chez leurs parents jusqu’à 27, 28 ans. Il faut accepter l’idée que les jeunes devraient pouvoir bénéficier d’un statut d’autonomie pour la jeunesse. Il faut créer une caisse nationale pour l’autonomie de la jeunesse, comme il existe des caisses pour gérer un certain nombre de choses, comme l’UNEDIC ou la caisse nationale d’assurance maladie. Cette caisse serait gérée par des représentants de l’Etat, des représentants des organisations patronales, des représentants des organismes de formation et des organisations de jeunesse. C’est évident aujourd’hui qu’on ne peut pas mener des bonnes études quand on est obligé d’aller bosser chez Mc DO, de faire la double journée…

Ca, c’est le volet social.
Il y a aussi des questions liées à la lutte contre les discriminations.

On a l’impression que la France a découvert magiquement il y a quelques semaines qu’il y avait des noirs et des arabes qui vivaient dans ce pays. Etre bien pensant aujourd’hui, c’est dire «voilà, il faut être gentil avec les noirs et les arabes». Par exemple dire qu’on va faire des CV anonymes. C’est une défaite pour la République. Ca veut dire qu’on ne peut pas être accepté tel que l’on est. Ca ne marche pas comme ça. Le CV anonyme, il faut peut-être le faire là, dans l’urgence, pour débloquer la situation. Grâce à cela on a au moins mis en avant le problème de la discrimination. Pour vous donner un exemple, c’est pas parce qu’on nomme Harry Roselmack pour présenter le 20h de TF1, (ce qui est une bonne nouvelle en soi, car c’est l’un des meilleurs journalistes de sa génération, c’est bien qu’il soit nommé) que tous les problèmes seront réglés. Si c’est pour continuer à parler de la même manière de la banlieue, de nos quartiers, acheter la paix civile avec la discrimination positive, en ne faisant rien pour la jeunesse des quartiers, alors on n’y sera pas arrivé. Mais il y a d’autres discriminations en France, par exemple la disparité salariale entre les hommes et les femmes et il faut aussi s’y attaquer concrètement. En clair l’arbre des discriminations ne doit pas cacher la forêt des inégalités.

 

(Hakim Azzoug) Pourquoi avoir choisi le Bondy Blog pour annoncer votre candidature ?

 

Pour deux raisons. Une raison affective, et une raison  liée à ma vision de l’information. 

La raison affective, qui est symbolique mais aussi politique pour moi, c’est de dire que je trouve ça plutôt bien que ma campagne commence en banlieue, et qu’elle commence en s’adressant à la jeunesse des quartiers. Le Bondy Blog est né suite aux émeutes dont on parlait tout à l’heure, suite à cette révolte des jeunes des quartiers. Je trouve ça plutôt bien que vous vous preniez en main et qu’une parole sur la banlieue soit une parole qui vienne de banlieue. Il n’y a pas de raison que tout le monde puisse avoir un avis sur ce qui se passe dans ces quartiers (les sociologues, les journalistes, les hommes politiques) et que la banlieue elle-même ne prenne pas la parole.

Et deuxième raison qui relève de la communication, c’est qu’on a vu pendant la campagne sur le référendum du 29 mai (moi j’étais pour le Non) c’est que dans les grands médias, il y avait une incapacité à prendre en compte ce qui se passait de nouveau dans la société. Et donc si on avait écouté les grands médias, un mois ou 2 avant le référendum, c’était le Oui qui gagnait, et les gens qui étaient pour le Non étaient soit tous d’affreux gauchistes, soit des racistes, soit des gauchistes racistes. On a argumenté, on a dit un certain nombre de choses, notamment via les sites internet. D’une certaine manière ça a été la victoire de la micro information sur les grands canaux d’information, une victoire des citoyens. Donc en venant discuter avec vous aujourd’hui, j’ai voulu aussi participer à ce mouvement là. Et en fait j’en profite pour lancer un défi aux autres candidats. Moi je suis candidat, je suis sur le Bondy Blog. Je serais curieux que Nicolas Sarkozy vienne s’expliquer devant les journalistes du Bondy Blog sur ce qu’il entendait lorsqu’il parlait de racailles, de Kärcher, ou sur sa politique d’immigration choisie. J’attends impatiemment que Ségolène Royal, qui a un site très bien fait, accepte de venir discuter avec les gens du Bondy Blog. Ce n’est même pas un défi, c’est une invitation.

 


La suite de l’entretien dans notre prochain post (article). Stéphane Pocrain y livrera son analyse du 21 avril 2002, du paysage politique, des institutions, entre autres choses…

Mohamed Hamidi

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