Eric Raoult est député UMP de la 12ème circonscription de Seine-St-Denis, qui regroupe les villes du Raincy, Clichy-sous-Bois, Livry Gargan, Vaujours, Coubron, et Montfermeil. Comme d’autres élus, il s’est retrouvé au centre de l’embrasement des banlieues. Maire du Raincy, Eric Raoult ne prend pas de détour pour donner son avis sur les suites des violences de novembre 2005. Il pointe du doigt le PS et les avocats des familles de Zyed et Bouna, « qui instrumentalisent cette affaire « . Pour lui, les choses avancent, plusieurs opérations sont en cours de réalisation, le plan de rénovation urbaine se met en place, les politiques en matière de développement économique se matérialisent à travers la mission locale et la zone franche. Interview.

Vous n’étiez pas à Clichy-sous-bois, samedi matin, lors du rassemblement en hommage à Zyed et Bouna, pourquoi ?

Je vais être franc avec vous, j’ai reçu le carton d’invitation, un de mes collaborateurs était présent ce matin, j’ai fait passer un message aux parents, je n’ai pas voulu que ma présence soit perçue comme une provocation. Je suis allé à plusieurs reprises à Clichy-sous-Bois, pour des expositions, des marches. Mais ce matin, je pense que je n’étais pas le bienvenu. Je ne savais pas quelles seraient les réactions, alors par pudeur, je n’y suis pas allé.

C’est tout de même incroyable que la présence du député de la circonscription puisse paraître comme une provocation…

Cette attitude de défiance et de provocation est orchestrée et manipulée. Lorsque les parents de Zyed l’ont enterré, il faut savoir que c’est la députée de Djerba qui a suivi les obsèques en Tunisie. L’épouse du Président CHIRAC est venue à l’hôpital voir Muhetin ALTUN. Vous savez, la compassion, la solidarité, on les met pas toujours en bandoulière. Ce qui s’est passé dans cette ville depuis lors, a été trop politisé. Et si je suis arrivé lors du premier tour des législatives avec 5 voix d’avance devant le candidat socialiste, c’est parce qu’il y a aussi des gens qui disent après tout Raoult pour Clichy, ce n’est pas le diable !

A qui pensez-vous lorsque vous parlez de manipulation ?

A Clichy-sous-Bois, depuis les événements, on a voulu tendre l’atmosphère. Il faudrait sans doute que les avocats acceptent que la mémoire puisse rejoindre le souvenir dans le respect et hors des médias.

Vous voulez dire que l’on cherche des gentils et des méchants dans cette affaire ?

C’est ça. Je connais Clichy-sous-Bois avant même son maire. Claude Dilain est maintenant une personnalité nationale, nous avons eu des démêlés judiciaires ensemble, mais, je pense qu’il y a d’autres façons de montrer qu’on veut oublier sans pour autant tirer un trait sur ce qui s’est passé. Depuis deux ans, on a un peu trop instrumentalisé le drame de ces deux mômes. Aujourd’hui, il faut sûrement tourner la page et trouver les moyens pour que cela ne se renouvelle jamais. Ce qui s’est passé, c’est vrai, n’est pas glorieux pour notre pays. Comment imaginer que dans un pays démocratique, des jeunes aient peur des policiers, et que ces derniers se disent que si des jeunes courent, c’est qu’ils ont des choses à se reprocher ? Cela montre un degré d’incompréhension, et c’est là dessus qu’il faut travailler pour renouer le dialogue entre la police et les jeunes.

Les jeunes souffrent aussi de ne pas être considérés comme des français à part entière.

Jacques Chirac avait dit « vous êtes les filles et les fils de la République ». C’était un message fort. On a pu penser chez les jeunes que si les pompiers n’étaient pas intervenus très vite à l’intérieur de la centrale électrique, c’est parce que c’était un black et un beur, alors qu’il fallait d’abord éteindre l’électricité. Le niveau d’incompréhension est retombé. Les jeunes se sont aperçus que Clichy-sous-Bois, c’est triste, enclavé. Si c’est triste, il faudrait demander au maire de mettre un peu de fleurs, mettre un peu de verdure…

Plutôt un train ? Clichy-sous-Bois n’a toujours pas de train !

Le tram-train est un dossier épineux, complexe, parce que depuis des années, nous avons étendu la ligne des Coquetiers, entre Bondy et Sevran, et que ce T4 pourrait voir une extension montée vers Montfermeil et Clichy-sous-Bois. C’est ce que je défends en tant que député avec Claude Dilain, même si ce dernier met en avant beaucoup plus les divergences entre nous et laisse de côté les convergences. Mais, ce n’est pas le maire du Raincy qui bloque, c’est le maire socialiste de Livry Gargan.

Entre vous et Claude Dilain, ce n’est pas le grand amour visiblement, c’est même un vrai « divorce » pour reprendre un mot d’actualité ?

Claude n’aime pas que l’on mette des vérités en avant. Il a eu l’ordre du mérite et la légion d’honneur sur ma proposition. J’ai entendu Claude Dilain dire qu’il avait des critiques à apporter vis-à-vis d’un maire qui ne fait pas les logements sociaux et que je savais, depuis un an et demi, qu’il habitait dans ma commune. J’avoue que j’ai été blessé et qu’il n’y a rien de pire qu’une amitié trahie. Claude Dilain est un adversaire, je le respecte, je souhaiterais qu’il puisse avoir parfois le même respect à mon égard.

Où en êtes-vous sur les dossiers techniques : le programme de réhabilitation ANRU, la construction d’un commissariat, les politiques en faveur de l’emploi ?

Sur le programme de rénovation urbaine, il n’y a pas une façon de droite ou de gauche de traiter le dossier, il faut des crédits et des moyens et c’est Jean-Louis Borloo qui a signé le chèque de 472 millions d’euros dont Clichy et Montfermeil vont bénéficier. Pour les problèmes d’emploi, la mission locale existe. Nous l’avons mis en place et nous la faisons vivre ensemble. La zone franche a été étendue. Sur d’autres sujets comme la sécurité, le grand projet permettra la construction d’un commissariat de police sur Clichy en 2010 pour lequel, on a tous milité. Quand on se met tous ensembles, on peut faire bouger les choses. Clichy n’est pas une ville oubliée !

On arrive à la question du logement social, celle qui vous colle à la peau quoi qu’il arrive. Vous en êtes où avec la loi SRU dans votre ville ?

Ma commune est très petite. On peut intervenir non pas sur des sites de cent logements, mais sur plusieurs sites de cinq, dix ou quinze logements. C’est ce que nous allons mettre en place tant avec les promoteurs qu’avec l’office départemental d’HLM. J’ai fait voter par le conseil municipal ce que nous appliquons partout actuellement : sur sept projets en cours, il y aura 25% de logements aidés. Je le fais à ma manière. Si en 2008-2009, j’ai amélioré les choses de 60 à 80 logements, ma pénalité sera réduite. Je ne pourrai jamais respecter cette loi en seulement quelques années, ou alors il faut que je détruise une zone pavillonnaire pour ériger des barres !

La Seine-St-Denis est un bastion de la gauche, j’imagine que votre ambition politique est de devenir le prochain patron du département ?

En Seine-St-Denis, on n’est pas la droite des beaux quartiers, on gère Le Raincy, mais aussi Aulnay. C’est-à-dire que les élus UMP se sont petit à petit retroussés les manches et se sont mis dans le cambouis urbain, ils ont appris comment ça fonctionne, on n’est pas une droite sociale ou sociologique, on est une droite populaire. La preuve qu’il faut faire bouger les choses ici : même le parti socialiste affirme qu’il faut tourner la page du parti communiste ! Ce qu’ils disent aujourd’hui, c’est ce que nous avons dit depuis des années.

Donc vous allez les coiffer sur le poteau pour les mettre d’accord ?

Je ne sais pas, s’ils vont jusqu’au bout peut-être. On verra en Mars avec les prochaines municipales. La Seine-St-Denis veut se libérer. Aux socialistes de prendre leurs responsabilités… .

Propos recueillis par Nordine Nabili

Nordine Nabili

Lire la dernière interview d’Eric Raoult

Interview d’Eric Raoult, maire du Raincy

Articles liés