Fadela Amara n’aura pas réussi à éteindre le feu dans la rampe de lancement qui l’a propulsée au poste de secrétaire d’Etat à la politique de la ville. Tout a commencé, le 23 juin dernier, lors d’un comité national houleux. Riva Gherchanoc, présidente du comité de Montreuil de Ni putes ni soumises, fait tourner une pétition « NPNS en colère », contre l’entrée de Fadela Amara au gouvernement. Plusieurs comités locaux emboîtent le pas à cette initiative. La violence verbale pollue cette réunion, la gronde s’organise et l’air devient irrespirable. C’est la foire d’empoigne, certaines militantes de la première heure se voient même interdire l’entrée des lieux. En somme, c’est ni dieu, ni maître.

Safia Lebdi, première vice-présidente et co-fondatrice du mouvement, bataille ferme pour prendre la parole et expose dans un climat tendu les termes de son désaccord avec la situation et le positionnement politique du mouvement. Elle souhaite « la démission de Fadela Amara, et que la présidence en intérim proposée à Sihem Habchi soit approuvée majoritairement par le vote des membres présents ». La direction de NPNS botte en touche, et s’engage à organiser un congrès dans les trois mois qui suivent ce comité national pour tout mettre en ordre de marche. L’été passe, la secrétaire d’Etat écume les banlieues, mais ne perd pas de vue son bastion. Mohamed Abdi, son conseiller politique au ministère, et accessoirement, secrétaire général du mouvement, veille au grain, un œil au ministère, l’autre sur le mouvement.

Il y a quelques semaines, Safia Lebdi apprend que de nouveaux statuts ont été déposés en juillet, sans consultation des adhérents, et qu’il n’y aura pas de vote à Dourdan, du 9 au 11 novembre, à l’occasion de l’université d’automne du mouvement : « Le fonctionnement n’est pas démocratique, tout se passe entre Fadela Amara et Mohamed Abdi », confie-t-elle au Bondy BlogEt quid de la nouvelle présidente par intérim et des réactions des adhérents ? « Sihem Habchi est instrumentalisée par le couple Fadela/Mohamed, poursuit Safia Lebdi. Les membres actuels de NPNS ont connu le mouvement à travers sa médiatisation. Ils sont fascinés par Fadela et son statut médiatique. Le travail de sape de la direction a fait fuir les militants de la première heure capables de lui tenir tête. »

Depuis quelques semaines, la riposte est en marche à travers les mails et les SMS. Les « historiques », tous ceux à qui on a demandé d’aller respirer l’air ailleurs, tirent la sonnette d’alarme pour dire « stop à l’instrumentalisation et pour se désolidariser une fois de plus avec le vocabulaire utilisé par la secrétaire d’Etat sur les banlieues ». La semaine dernière, 26 comités locaux ont rendu leur tablier. Ils dénoncent les « tentatives d’intimidations et les coups de pression de la direction nationale exercés à l’intérieur et à l’extérieur du mouvement ». Ces militants préparent le lancement dans les jours à venir d’un autre mouvement sur la base des valeurs prônées par NPNS à la fin des années 90, « pour rompre avec les mondanités du soir, les plafonds dorés et revenir au terrain là où se situe notre mission pour faire des propositions sur la culture, l’éducation, le logement », dixit Safia Lebdi.

Pour Fadela Amara, le temps presse et le terrain est miné. La secrétaire d’Etat doit rendre, d’ici à la fin de l’année, ses propositions au sujet du plan Banlieues, annoncé comme une révolution culturelle. Cette mission doit se faire, désormais, sans le soutien de son conseiller spécial Mohamed Abdi. Ce dernier est définitivement condamné depuis le début du mois de novembre, à 18 mois de prison dont 12 avec sursis, pour escroquerie à la formation professionnelle entre 1994 et 1997. La secrétaire d’Etat traverse une zone de turbulences où les soutiens politiques vont se faire rares. Les parlementaires UMP, choqués par son « dégueulasse » relatif au projet de loi sur l’immigration, doivent se frotter les mains, ses anciens amis du Parti socialiste, véritable pouponnière de NPNS, jubilent parce que les difficultés actuelles de la « p’tite rebelle » sont une peau de banane sur le chemin de Sarkozy.  

Mais le plus lourd est à venir, on parle de la publication d’un rapport de la cour des comptes sur les finances du mouvement NPNS repoussé à maintes reprises, et annoncé cette fois pour début 2008. Comme pour le plan Marshall, tout le monde retient son souffle.

Nordine Nabili

Nordine Nabili

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