Moins d’une semaine après le lancement de la feuille de route Espoir Banlieues, la secrétaire d’Etat à la politique de la ville montre qu’elle ne chôme pas. Après la présentation, en compagnie de Xavier Darcos, des mesures « pour faire péter les ghettos scolaires » dès la rentrée prochaine, le lendemain même, vendredi, rendez-vous était donné chez Christine Lagarde, à Bercy. Là, Fadela Amara modère son langage, lit son discours, calmement et posément. Car pour elle, « cette journée est très importante ». Pas question d’être reprise dans la presse pour son vocabulaire « ouech-ouech ».

Au programme, la signature d’un contrat d’engagement entre l’Etat et 37 entreprises du CAC 40. Objectif pour 2008 : 10 900 emplois et 8900 stages, pour un budget de 160 millions d’euros pour trois ans, dont 24 millions cette année alloués au contrat d’autonomie. Les chefs d’entreprise qui ont répondu à l’appel signent symboliquement, en présence de la présidente du Medef, Laurence Parisot, un contrat d’engagement pour l’emploi des jeunes des quartiers. L’idée du jour consiste à permettre aux jeunes étudiants présents de nouer le dialogue avec les pontes, ou leurs envoyés, de l’économie française. (Photo: Fadela Amara)

Le représentant de France Telecom, lui, part aussitôt après la signature du contrat devant les caméras et photographes, pas le temps de serrer des mains… Dommage pour Christopher, Mehdi et Mohamed (photo du haut) qui se sont déplacés d’Argenteuil. Ils envisagent de terminer leurs études par alternance, il leur manque donc un stage pour finaliser leur cursus et intégrer le monde du travail. Ils parleront finalement avec le patron de la SNCF.

La priorité donnée à la lutte contre le fort chômage des jeunes de quartiers sonne comme un défi personnel pour Fadela Amara, qui répète, poutinienne, mais dans le bon sens : « Nous irons chercher les jeunes là où ils sont, même dans les cages d’escaliers. » Mais les jeunes des quartiers ce vendredi au ministère de l’économie n’ont pas été trouvés en bas des immeubles, il s’agit de lycéens brillants et d’étudiants en fin de cursus.

Invités à s’approcher au-devant de la salle et à se placer de part et d’autre des ministres, il y a parmi eux des élèves de terminale du lycée Jean Zay d’Aulnay-sous-Bois. Ils préparent l’entrée à Sciences-Po. Quel rapport avec les entreprises ? L’un d’eux, Youcef Ilifi reconnaît qu’il est « un peu là comme figurant ». Sur la réunion elle-même, celui qui veut poursuivre des études de sciences politiques a un avis bien forgé : « Ça me fait penser à l’Etat-Providence, je trouve ça très bien que l’Etat soit à l’origine de cette initiative, il faudrait multiplier ce genre d’opérations. » (Photo: Laurence Parisot)

Les dirigeants d’entreprises, eux, s’attachent à montrer leur détermination à s’associer à l’Etat. Sylviane Balustre-d’Erneville est de ceux-là. Jeune femme noire à l’allure dynamique, elle est en charge de la diversité chez le géant l’Oréal. Pas de chance, c’est sur elle que s’abattent nos questions. Ces grandes entreprises aujourd’hui représentées, les plus compétitives du marché, n’ont-elles pas leur part de responsabilité dans l’échec de l’emploi en banlieue ? Pourquoi le recrutement des jeunes de quartiers ne s’est-il pas fait plus tôt ? Pourquoi avoir attendu Sarkozy et son plan ?

La représentante de l’Oréal répond : « Pour notre part, nous ne faisons que formaliser des actions que nous menons sur le terrain depuis de nombreuses années en faveur de l’emploi des jeunes de quartiers. Nous avons un panel de métiers pour lesquels nous avons de réels besoins et dans lesquels nous recrutons justement ces jeunes en fonction de leur expérience. » Même discours chez François Davy, d’Adecco, ou encore chez Bernard Chambon, directeur général adjoint de Rhodia. Ils n’ont pas attendu l’Etat pour aller chercher les talents des quartiers. Mais alors, pourquoi sont-ils là aujourd’hui ?

Hanane Kaddour

Hanane Kaddour

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