Lors d’un meeting de campagne, vous avez dit que votre course à la mairie a commencé autour d’un gratin de pâtes entre amis dans votre cuisine. A ce moment-là, pensiez-vous pouvoir gagner? Oui. Très honnêtement, j’y ai toujours cru. J’étais probablement le seul au départ, mais je me suis présenté car je pensais que je pouvais gagner, autrement je pense que je ne l’aurais pas fait.

Passer de chef d’entreprise à maire de Neuilly, n’est-ce pas une reconversion trop brutale ?

Non, c’est l’avantage d’une campagne, surtout d’une longue campagne. Partie en septembre, elle s’est construite petit à petit. Au début les questions sont très générales, puis elles deviennent de plus en plus précises au fur et mesure que votre élection devient probable. Les gens posent des questions de plus en plus concrètes, ce qui oblige à être toujours plus au courant des enjeux et des dossiers. Finalement, quand on arrive à l’élection, on est prêt. Quand on part de zéro, comme moi, on est obligé de progresser, de bâtir un projet solide. On n’est pas comme un candidat investi par un parti, avec un socle d’électeurs acquis, un encadrement et tout un système qui l’accompagne.

Vous avez bousculé les habitudes électorales des Neuilléens, accoutumés à des élections beaucoup moins disputées…

Justement, je me pose la question : est-ce qu’il y a des habitudes ? Est-ce-que le discours politique n’interpelle pas chaque personne dans ce qu’elle a de plus profond ? C’est la question que je me pose à l’issue de cette campagne. On a pris l’habitude à ce qu’un discours politique s’adresse à un individu un peu de la même façon qu’un discours marketing. Quand on fait du marketing pour vendre un produit, on ne s’adresse pas au fond des gens, on s’adresse à leur consommation, à leurs impulsions. Moi, je vois le discours politique différemment, il s’adresse à ce que les gens ont de profond, à leur avenir, à leurs enfants, à leurs difficultés, à leurs espérances, à tout un tas de choses beaucoup plus entières.

A votre avis, qu’est-ce qui a fait la différence entre vous et David Martinon, puis entre vous et Arnaud Teullé ?

Ce que l’on disait à l’instant, c’est-à-dire le sens. Les gens ont une faculté de discernement, ils se posent des questions : que cherche le candidat ? Convoite-t-il un intérêt personnel ? Est-il dans la logique d’une carrière ou vit-il pour la ville ? Je crois que c’est un peu sur les différences de messages que mon élection s’est jouée. Les gens ont été sensibles à un message de citoyen, très sincère.

Pensez-vous qu’en France, le pouvoir politique est fermé aux personnes issues du privé ou à des profils atypiques qu’on retrouve peu dans les partis ?

J’en suis convaincu. Quand je vois le nombre de témoignages que j’ai reçus de toute la France depuis un mois, des témoignages de personnes pour qui cette élection à Neuilly a été un déclencheur. Un signe qui a déverrouillé quelque chose. Je suis persuadé que ça correspond à une véritable attente en France. Objectivement, il y a eu une tendance des politiques à devenir propriétaire du pouvoir et des lieux de pouvoir. Or la démocratie, c’est l’inverse de ça, la responsabilité y est ouverte et chaque citoyen, s’il a quelque chose à dire, s’il arrive à convaincre que son approche est la bonne, s’il a la capacité d’entraîner un mouvement collectif, il doit pouvoir être élu.

Pendant la campagne, vous vous disiez sans étiquette. Est-ce toujours le cas ou vous sentez-vous plus proche de l’UMP ?

Non, je suis toujours sur les mêmes bases, sans étiquette. J’ai été soutenu en deuxième partie de campagne par l’UMP, et j’ai pris ce soutien comme il venait, avec beaucoup de fierté, car c’est un grand parti et je ne suis pas contre l’UMP ou contre les partis en général. Je veux néanmoins rester indépendant dans ma démarche.

Comment se passent vos relations avec Arnaud Teullé, qui siège au conseil municipal ? Les derniers jours de la campagne ont été houleux entre vos deux formations.

Je crois que les choses doivent se reconstruire. Ma priorité, c’est d’essayer de monopoliser les 45 compétences et les 45 talents du conseil municipal, indépendamment de ce qui s’est passé pendant la campagne.

Qu’est-ce qui ne va pas à Neuilly ?

Une ville peut toujours être améliorée. Je crois qu’il y a à Neuilly un tas de petites choses à améliorer. On n’a pas pris en compte l’évolution sociologique de la ville, son rajeunissement, notamment. C’est sur cette idée qu’a porté notre campagne et, partant, sur les améliorations à apporter cadre de vie, aux activités en tout genre. Une meilleure prise en compte de la santé publique est également nécessaire, il est important de s’intéresser aux nouvelles pathologies selon les classes d’âge. La ville, les problèmes, les atouts, le contexte autour de Neuilly ont évolué. A un moment, il faut renouveler, redynamiser, construire des choses différentes, avoir un nouveau rapport avec la population. Ma campagne n’a pas été faite sur une rupture, sur un changement de politique à Neuilly ni sur de l’idéologie, ma campagne a été faite sur l’idée d’accompagner Neuilly dans son évolution.

Quelles seront les principaux axes de votre politique ?

D’abord, un premier point sera fait sur la qualité de la vie et les problèmes de santé publique. J’ai assisté la semaine dernière à une conférence sur la drogue, avec des témoignages très émouvants de familles touchées par ce fléau, et je pense que ce sont des domaines qui n’épargnent aucune ville. Nous pouvons progresser en matière de prévention. La deuxième orientation consiste à dynamiser les activités, dans les domaines culturel, sportif et économique. Nous allons ainsi lancer un centre d’accueil des entreprises. La troisième orientation de ma politique, c’est la solidarité : un domaine qu’on va très vite mettre en exergue à travers une fondation que nous allons créer dans les jours à venir et qui portera le nom de « Neuilly pour l’espoir ». La quatrième orientation, c’est la communication. La ville est en attente de liens. A Neuilly, mais c’est vrai partout ailleurs, il y a une tendance naturelle à s’enfermer sur soi, à devenir de plus en plus individualiste, et ça, je crois que c’est très dangereux.

Neuilly à l’image en France d’une ville riche, un peu « bling bling », refermée sur elle-même. Voulez-vous changer cette image ?

Je crois que Neuilly n’a pas de raison d’être perçue comme une ville riche. Certaines villes voisines ont plus de moyens. Courbevoie par exemple, qui n’a pas l’aspect d’une ville riche, dispose d’un plus gros budget. Neuilly est évidemment une ville où il y a des gens riches, ça, on ne peut pas le nier. Enormément de gens y sont assujettis à l’ISF, mais en même temps, appréhender une ville par la fiscalité de ses habitants, n’est ni un critère de valeur, ni un critère de jugement, ce qui m’intéresse c’est qu’on regarde la ville par rapport à sa richesse humaine.

Quel sera le but de la fondation « Neuilly pour l’espoir » ?

Quand vous montez un projet ambitieux, ce qui manque, ce sont les contacts. Et il en faut des centaines. L’idée de la fondation, c’est, pendant un an, de mettre l’auteur ou les auteurs d’un projet en relation avec un réseau de compétences construit à partir de Neuilly et qui organisent pour tous les rendez-vous nécessaires à la réalisation dudit projet. La fondation prendra en charge les billets de train ou d’avion pour vous amener partout dans le monde.

Jean Sarkozy, aujourd’hui à la tête de la section locale de l’UMP de Neuilly, peut-il éventuellement constituer un adversaire dangereux à une possible réélection ?

Vous savez, si je vois Jean Sarkozy comme un adversaire aujourd’hui, je devrais gérer ça de manière tactique et ce n’est pas du tout ce qui m’intéresse, je ne me pose même pas la question. J’ai été élu pour faire des choses sans penser à d’hypothétiques concurrents. Si ces choses réussissent tant mieux, et si ça suscite de l’adversité, peu importe. Neuilly va toujours susciter des ambitions. Mais je ne veux pas que les ambitions des uns et des autres aient un impact sur ma manière de gérer la ville.

Vous êtes quand même un homme de défis, on vous dit grand marathonien. Après la mairie de Neuilly, n’êtes-vous pas tenté pas une députation, un ministère, la présidence de la République ?

Le mot « défi » n’est peut être pas le bon. J’aime que les choses aient du sens, donc je fais les choses quand elles ont du sens. Etre député pour être député, ça ne m’intéresse pas. Mais si j’estime qu’à un moment donné, ça peut être un vecteur pour passer des idées, là, oui, ça a du sens. Je crois qu’il ne faut rien exclure, il ne faut pas non plus s’enfermer dans une trajectoire. Ma philosophie, c’est de dire : s’il y a du sens et si je peux amener quelque chose, j’y vais ; s’il n’y a pas de sens et s’il y a des gens meilleurs que moi, qu’ils y aillent.

Votre entreprise, qu’est ce qu’elle devient ? Vous pouvez mener deux activités de front ?

Oui, j’arrive à organiser mon temps. Justement, ça fait quinze jours que je mène les deux de front. J’ai une amplitude de journée assez large, puisque je me réveille à 5h30 le matin et que je me couche assez tard le soir. J’ai donc deux ou trois séquences dans la journée : professionnelles, politiques, familiales, sportive.

Vous courez toujours le dimanche ?

Tous les matins, à 5h30, c’est mon entrée en matière. Et le dimanche, à 9 heures bien sûr.

Propos recueillis par Idir Hocini

Idir Hocini

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