Khatim a 27 ans. Il occupait avant son voyage un poste d’infirmier à Paris. Jérémie, son ami d’enfance, d’un an son cadet, est batelier à Toulon. Tous deux décident sur un coup de tête de partir à l’aventure en Asie, un continent qu’ils affectionnent particulièrement. « Notre but premier était d’y aller pour défier notre côté aventurier, on voulait kiffer. » Au kiffe pur se sont ajoutés un aspect humanitaire et l’élaboration d’un reportage qu’ils présenteront au Festival du film d’aventure de La Rochelle, en novembre.

Cinq mois ont été nécessaires à la préparation de ce périple, sponsorisé par le Vieux Campeur, qui leur a donné entre autres, sacs de couchage (résistants jusqu’à -16°) double peau et matériels de détresse, et par l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (APHP), qui leur a fourni des médicaments pour eux ainsi que des kits à distribuer sur place. C’est le 13 décembre 2007 que ces deux globe-trotters s’envolent pour Bangkok. Ils y font escale deux jours et prennent un avion pour Katmandou, au Népal. Ils y restent un mois, puis prennent un autre vol pour Bangkok où commencera un circuit magnifique, avec la traversée de la Thaïlande, du Laos, du Vietnam et du Cambodge. Pas facile de résumer un si long voyage. Je leur ai donc demandé de me raconter, pour chaque pays, les faits les plus marquants.

Népal : l’ascension du col de l’Annapurna

Le premier mot qui leur vient en tête pour qualifier leur arrivée à Katmandou : « Le choc des cultures. On est tout de suite surpris par la surpopulation, les différentes odeurs et une sensation d’anarchie. » Vaches et voitures circulent librement sans réelle signalisation. Mais c’est surtout leur ascension de l’Annapurna qui restera gravée dans leur mémoire. Ils souhaitaient accomplir seuls ce trekking mais n’ayant jamais fait de haute montagne, c’est avec Sabin. D, un guide népalais, qu’ils ont commencé leur ascension avec chacun sur le dos un sac de 20 kilos.

Au bout du deuxième jour de marche, les sacs commencent à se faire trop lourds. Khatim et Jérémie ont peur de ne plus pouvoir continuer. C’est avec beaucoup de réticence qu’ils finissent par faire appel à un sherpa pour porter leur barda. « Ce sont des surhommes, ils sont payés au kilo porté par jour. » Le leur les a accompagnés durant toute l’ascension avec leurs deux sacs sur le dos et des tongs aux pieds. « On a dû le forcer à mettre des chaussures pour monter le col de l’Annapurna où il a fait jusqu’à -20 degrés. » En sept jours, ils parcourent les 5416 mètres qui les séparaient du sommet, d’où ils ont pu admirer des paysages magnifiques, avec vue imprenable sur l’Everest.

Autre belles découvertes au Népal : la culture sadou, au Patchu Patinath, temple de la crémation ; la cité magique de Bandipur et un bref passage dans une région du Tibet appelée le Mustang, où ils ont pu rencontrer le quatrième second du Dalaï Lama. Il leur a remis des tantras bouddhistes brodés de fils d’or.

Thaïlande : Lopburi, livré à deux bandes rivales

De retour à la « civilisation », et au pays de tous les excès, Khatim a été marqué par Paï, le royaume des éléphants. Paï, c’est aussi le paradis des fumeurs, où l’on cultivait de l’opium pour en faire de l’héroïne, et où, désormais, on peut dormir dans des huttes perchées dans les arbres. Khatim a pu tisser des liens avec les habitants, en apprendre plus sur la culture thaïlandaise. Le Nord lui a semblé plus hospitalier que le Sud. Khatim et Jérémie ont également découvert une ville assez insolite, Lopburi, où deux bandes rivales qui ont investi les lieux, tentent de coexister sans jamais se croiser. L’une s’est approprié le secteur de la gare et ses alentours, l’autre, celui du temple et ses environs. Bienvenue chez les Montaigu et les Capulet ! Sauf qu’ici, il s’agit de singes. Ils circulent librement dans la ville. Les animaux étant sacrés, personne n’a le droit de les toucher ! Ils arrivent enfin à Huay xai, frontière entre la Thaïlande et le Laos.

Laos : Sam Neua, royaume des tigres et des panthères noires

Après un passage de la frontière un peu compliqué, c’est par une descente du Mékong (quatrième fleuve d’Asie) que Khatim et Jérémie vont découvrir le Laos. Ils font de nombreuses rencontres, dont celle de touristes français accomplissant un tour du monde en deux ans. Le Laos « est un pays particulièrement riche en histoire », confie Khatim. En histoire récente. Khatim y a vu une ville ravagée par la guerre du Vietnam, Phonsavan. Bien que n’étant pas concernée par celle-ci, celle-ci servait d’exutoire à l’armée vietnamienne, qui larguait ses bombes sur ces plaines du Laos, d’où ces stigmates en forme de cratères. Nos deus aventuriers ont également découvert d’anciens vestiges, comme par exemple d’immenses jarres plantées dans le sol, datant de plus de 2000 ans, dont nul ne sait l’usage exact.

Leur meilleur souvenir du Laos restera leur visite de la réserve naturelle de Sam Neua, au Nord-Ouest, où vivent tigres, panthères noires et longibandes, serpents ou encore des volatiles très rares, mais surtout très dangereux. C’est là une zone dans laquelle il est interdit de s’aventurer sans guide. Mais quand on vient du 93, on est accoutumé à la vie dans la jungle, alors, pas besoin de guide, évidemment… C’est équipés « d’une machette achetée à un marchand d’armes » qu’ils décident de visiter la réserve. Ils la traversent paisiblement jusqu’à ce qu’ils tombent nez à nez avec un bébé panthère, qui après un léger moment de panique, leur fait vite faire demi-tour. Direction le Vietnam.

Vietnam : le temple du Caodaïsme

« Le Vietnam se visite toujours du Nord au Sud », leur indique un ancien soldat vietnamien, sens de la conquête vietnamienne communiste sur les Américains. C’est du Nord au Sud que Khatim et Jeremie ont visité ce pays, qu’ils ont un peu moins apprécié que les autres. Ils en gardent tout de même de nombreux souvenirs, tels la découverte de magnifiques paysages au Nord de Sapa, avec ses rizières en cascades, en encore la baie d’Ha-Long et son archipel de 12 000 îles, qu’ils ont admirés en trois jours de bateau. Le plus marquant pour eux, au Vietnam, est très certainement la visite du temple du Caodaïsme, mélange de religions polythéistes et monothéistes.

Cambodge : sueurs froides dans Phnom Pen

De loin le pays où leurs émotions auront été le plus mises à l’épreuve. Emerveillement face au temple d’Angkor, d’abord. Peur à Phnom Penh, ensuite. Lors de leur passage dans la capitale, les recommandations étaient très claires : interdiction aux touristes de sortir de leur hôtel à partir du moment où le soleil se couche. Mais un soir, Khatim s’est aventuré dans les rues une fois la nuit tombée, il voulait « s’aérer l’esprit ». Après quelques minutes de marche, il s’est fait courser et attraper par un Cambodgien. Armé, celui-ci lui a volé ses papiers ainsi que le peu d’argent qu’il avait sur lui. « Cela fait partie de l’aventure, et avec le recul, aujourd’hui j’en rigole. »

Khatim et Jérémie ont reposé le pied sur le sol de France le 14 mai dernier. Khatim est rentré avec plus de 13 000 photos, près de 32 heures de vidéos mais surtout, avec dans sa tête un coffre riche d’histoires à partager. Ce qui m’a marquée en écoutant Khatim, c’est la précision avec laquelle il m’a dessiné une carte de tous les pays qu’il a visités avec son ami et la facilité avec laquelle il m’en a situé les étapes. Par ce voyage, Khatim et Jérémie ont acquis une somme inoubliable de connaissances. Khatim m’a parlé avec beaucoup d’humilité de chaque peuple qu’il avait rencontré tout au long de cette aventure.

Widad Kefti

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