La question de Ndembo Boueya, du Bondy Blog, sur la participation des jeunes des banlieues populaires dans la construction européenne, lors de la conférence de presse de clôture de « Paroles d’Européens », doit encore résonner dans les oreilles de Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, Felipe Gonzales, ancien premier ministre du gouvernement espagnol, Vaira Vike-Freiberga, ancienne présidente de la Lettonie.

Ce point presse était à l’image des débats français sur l’Europe : un verbiage technique, une ambiance académique et beaucoup de questions sans réponses.

Peut-être que ce qui était sous-entendu dans cette question voulait dire qu’il y a une catégorie de citoyens exclus du débat, ou en tout les cas, pas très impliqués dans ce projet de rêve européen. A la fin de cette conférence, j’ai croisé Jean-Marc Ayrault, député-maire PS de Nantes et hôte de cette journée à la cité internationale des Congrès, pour lui demander si le fameux plan B des adversaires du Traité constitutionnel européen rejeté par les Français en 2005 n’était pas un programme en direction des banlieues françaises. Le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale n’en voudra pas au Bondy Blog si nous l’incluons dans les partisans d’un train qui relierait Paris à Clichy-sous-Bois ! Entretien.

« Les banlieues françaises sont le 28e Etat candidat à l’adhésion européenne ». Que pensez-vous de cette formule ?

C’est un appel, un message. Je crois que tous les citoyens, quel que soit l’endroit où ils habitent, quelle que soit leur situation sociale, doivent se sentir européens, d’une manière concrète. Il faut que ce soit un espoir pour eux, pour sortir du chômage, accéder à la formation, à la culture. Nous devons être capables de créer les conditions pour que leur talent, leur créativité soient d’abord connus et reconnus.

Pendant les ateliers nantais, les questions sur les banlieues étaient complètement absentes. Comment expliquez-vous cette situation ?

Il y a des politiques publiques à l’échelle européenne qui peuvent aider à la formation, le fonds social européen peut jouer un rôle très important. Nous pouvons mettre en place des législations pour lutter contre toutes les formes de discrimination, pour reconstruire les quartiers, pour faire en sorte que les cités soient reliées au reste de la ville. Je souhaite que l’Europe aide les maires des villes, je ne dis pas que l’Europe doit faire à la place des villes, mais elle doit déléguer aux élus pour faire ce travail.

L’Europe semble lointaine, les habitants des quartiers ont d’autres urgences…

Justement, c’est pour cela que le rôle du maire est important pour relayer les politiques européennes. Pour que les habitants ne se disent pas qu’il y a deux types de citoyens. On appartient tous à la même communauté de citoyens. Il faut démontrer tout cela dans notre pratique parce qu’il y a trop de différences, un fossé trop grand et énormément d’injustices via-à-vis de ces populations. C’est la clef de la confiance.

Les maires des villes où se situent les quartiers les plus en difficultés se sentent mal aimés par la classe politique. Certains maires PS se sentent « abandonnés » par le parti !

Je ne ressens pas cela comme ça en ce qui me concerne. Je suis maire d’une grande ville qui a des cités avec des problèmes similaires à ce que l’on peut connaître dans d’autres villes de banlieues. Ce n’est pas facile tous les jours, nous ne sommes pas aidés. C’est vrai qu’il y a des villes, comme Clichy-sous-Bois, qui ont l’impression d’être abandonnées. Lors des émeutes de 2005, des promesses avaient été faites et rien n’a été tenu. Contrairement au Raincy (93), qui a tout, la ville proche de Clichy-sous-Bois n’a rien ! Lorsque l’on trouve du boulot à Paris et que l’on ne peut pas se déplacer pour y aller parce qu’il n’y a pas de transports en commun, c’est une injustice profonde et cela finit par démoraliser les meilleures volontés. Je comprends les cris de colère de Claude Dilain (le maire de Clichy-sous-Bois, ndlr).

Pensez-vous que l’Europe peut faire pression sur les Etat membres pour mettre en œuvre des politiques publiques ambitieuses en direction des banlieues à l’image de ce qui a été fait avec la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) ?

L’Europe n’est pas quelque chose d’artificiel, c‘est les Etats qui la font. Elle se construit sur des valeurs. Pour nous Français, ce sont des valeurs républicaines, nul pays ne peut être membre s’il ne respecte pas ces valeurs. Il y a des progrès à faire pour les nouveaux pays, et nous avons des choses à apprendre d’eux. C’est interactif. N’oublions jamais qu’au départ de cette construction, c’est le refus de la guerre, du nazisme. Ce sont bien des valeurs qui nous guide pour atteindre nos objectif de construction européenne. Elles doivent toujours être au dessus et il faut surtout les concrétiser, soit par des législations nationales, soit par des directives. Nous avons encore beaucoup de progrès à faire sur cette question des quartiers.

Propos recueillis par Nordine Nabili (Bondy Blog-touteleurope.fr)

Nordine Nabili

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