C’est un bien triste anniversaire que Bondy commémore en ce début novembre 2008. Le 30 octobre, une explosion due à une fuite de gaz détruisait le café L’Etoile du Centre, faisant un mort, 47 blessés et provoquant de graves dégâts psychologiques. Pendant près d’un an, la rue Roger Salengro resta fermée à la circulation et le café l’Etoile du Centre garde, lui, l’aspect d’une ruine. « Nous avons depuis peu obtenu le droit de rénover la rue Roger Salengro mais avec obligation d’installer une coque métallique autour de l’ancien café », indique Gilbert Roger, le maire de Bondy.

Propriétaire de L’Etoile du Centre, Monsieur Bakir se dit « découragé » : « Depuis un an, rien n’a bougé, tout le monde se rejette la responsabilité de l’accident, personne ne veut l’assumer. Bourgeois, qui s’occupe de la voirie, renvoie à GDF, qui fait de même en renvoyant vers la municipalité. La situation stagne depuis l’explosion et rien n’a encore été fait. » Pire, le rapport d‘expertise n‘a toujours pas été rendu : « La société AXA a nommé un expert qui ne s’est toujours pas déplacé, poursuit M. Bakir. Ce rendez-vous d’expertise a été reporté à trois reprises, la raison invoquée est que l’endroit n’est pas aux normes de sécurité et qu’il y a risque d’effondrement, et selon eux, c’est la préfecture qui refuse de donner cette autorisation. Donc on attend toujours, et tant que l’endroit n’aura pas été expertisé, on ne pourra pas être indemnisé. »

En un an, les lieux, soumis aux intempéries, se sont dégradés. Cette verrue au milieu de la ville ravive le drame : « Ça nous fait mal, ajoute M. Bakir, chaque fois qu’on repasse devant on se rappelle la tragédie, on voudrait que ça se termine pour pouvoir passer à autre chose. Psychologiquement, ça ne passe pas, il faut que ça se débloque ! »

La préfecture donne sa version : « Il n’est fait écho d’aucun blocage préfectoral concernant cette affaire, nous n’avons jamais interdit aucun accès pour des motifs de manque de sécurité, ou pour tout autre motif. L’accès peut, en revanche, être condamné pour motif judiciaire, auquel cas c’est du ressort du procureur. » De son côté, Gilbert Roger affirme avoir cherché à accélérer les choses. En vain. En effet, même si le café détruit en plein centre-ville ternit considérablement l’image de la ville, il ne peut intervenir : « Tant que la juge d’instruction n’a pas clôturé l’enquête, on ne peut définitivement rien faire, nous ne pouvons qu’attendre les conclusions de celle-ci. »

En attendant, la famille Bakir tente de subsister financièrement. M. Bakir explique sa situation : « Depuis l’explosion, je suis suivi par un psychologue, je suis en accident de travail et perçois l‘assurance maladie. Mais c‘est trop dur moralement de ne rien faire, heureusement que mon entourage m‘aide, beaucoup d‘amis m‘ont aidé financièrement et mon personnel reste solidaire et m‘attend pour reprendre le travail. Ça fait du bien, on se dit qu‘on n‘est pas tout seul. Mais c‘est quand même très dur de gérer cette situation financièrement, quand on a plusieurs crédits à rembourser et très peu de rentrées d‘argent. » La garantie risque d’entreprise aurait dû permettre, pourtant, une indemnisation mensuelle égale au chiffre d’affaires mensuel. Mais à une condition : que le lieu sinistré soit en cours de rénovation. Or tant que l’endroit demeure inaccessible l’assurance ne peut rien faire. Terrible cercle vicieux administratif.

« Si c’était un beau quartier de Paris, ça aurait pris beaucoup moins de temps, tout aurait été déblayé, mais comme ici, c’est la banlieue, on nous délaisse, les avocats nous ont dit que ce genre d’affaires pouvait durer 8 à 10 ans, c’est pas possible, on ne peut plus supporter ça », avoue avec peine M. Bakir.

Pour les autres victimes de l’explosion, la procédure « suit son cours »… « Mon beau frère qui était dans le coma, va beaucoup mieux niveau santé, en revanche je n’ai pas vraiment de nouvelles de la famille de la personne qui est décédée. Mais toutes les victimes semblent être dans le même cas que nous, elles ont perçues un petit acompte de la part de l’assureur AON, mais leur indemnisation est en attente », affirme M. Bakir.

Alors, oui, certes, la machine judiciaire est lourde et longue à se mettre en marche. Reste que quelques jours suffisent pour injecter des milliards d’euros dans les caisses de banques boursicoteuses, alors que les formalités d’indemnisation de personnes victimes d’une explosion au gaz peuvent prendre une dizaine d’années.

Widad Kefti et Khadija Ichou

Widad Kefti

Articles liés