Quand elle veut, la toile peut. Prenez Arte, par exemple. Certes, je viens de faire la sieste devant un de leurs reportages sur la fabrication des violons, mais le site Gaza Sderot qu’il patronne, ça, c’est du grand art ! L’idée est simple : un documentaire en forme de petits films, tournés au jour le jour à Gaza et dans la ville israélienne la plus proche, Sderot, distante d’un kilomètre.

Les tirs de quassams du Hamas, les missiles balancés par les drones israéliens, la guerre en somme, est toujours là. Mais elle laisse la « vedette » aux habitants, dans deux petits instantanés de deux minutes, réalisés au même moment de part et d’autre de la frontière. Ils nous font découvrir un quotidien qu’on voit peu à la télé, leur quotidien. Simple. Sans voix off. Deux minutes de brut. C’est intense par ce que c’est court. C’est bon parce que c’est terriblement vivant. C’est précieux, parce qu’on comprend ce qui se passe.

Un Palestinien fête l’anniversaire de ses enfants dans le seul endroit de la ville qui a encore l’électricité, un parc d’attraction où deux toboggans et un tourniquet se battent en duel. Au même moment, à Sderot, on manifeste contre la rupture de trêve du Hamas en faisant un beau feu de joie. Une coiffeuse qui loue ses locaux aux medias commente : « On s’intéresse à Sderot que quand ça brûle, mais personne ne s’intéresse à comment on vit ici. » Une famille palestinienne fait la cuisine avec une cagette en bois qu’un des marmots a trouvée dans la rue. Le père allume sa clope avec une branche. Pénurie générale de gaz à Gaza. Plusieurs petits films où l’on voit des jeunes de Sderot expulser leur vécu de guerre, par la musique ou le théâtre.

Sur place, les films sont tournés par des réalisateurs professionnels. Le tout est envoyé en France, via Internet, à Serge Gordey, un des coproducteurs, et à Alexandre Brachet pour la partie technique, le patron d’Upian, société de web-designer mondialement connue pour avoir réalisé la maquette du Bondy Blog. Rencontre dans un petit bureau, à Belleville. Serge Godrey se confie sur le projet : « Il fallait rendre compte du conflit entre Israéliens et Palestiniens alors qu’il y a une réelle difficulté à la télé à parler de ça. Dès qu’on touche au sujet, cela soulève immédiatement des tempêtes médiatiques. Puis il y a une certaine lassitude du public sur la couverture de cette question. Pour lui, ça fait 60 ans que c’est la même chose. »

Pour Alexandre Brachet, « le seul point commun des deux films mis en ligne presque tous les jours, c’est qu’ils sont tournées au même moment de chaque coté. J’aime l’expression de chroniques documentaires, des petites histoires qui se suffissent à elles-mêmes, mais qui forment le puzzle d’une grande fresque. » Une grande fresque, consultable sur le site, en hébreux, en arabe, en allemand ou en français. Ces vidéos ne vous donneront pas toutes les clefs de compréhension du conflit proche-oriental. Tant mieux, parce que ce n’est pas le but. « La vie malgré tout », étranglée sous l’embargo, la peur des quassams ou des chars Merkava, c’est tout ce que vous verrez. Et le résultat n’est pas mal du tout.

Idir Hocini

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