La diversité française n’en finit pas d’intéresser les responsables américains. Et la réciproque est vraie : les Noirs et Arabes de France sont curieux de la façon dont les Etats-Unis intègrent les Afro-Américains ou les hispaniques à tous les échelons de la société. Avec l’élection de Barack Obama à la Maison Blanche, les States ont marqué un sacré point ! Le point, justement, faisons-le. Professeur à l’université catholique Georgetown de Washington, docteur en management et ressources humaines, Christopher Metzler était en visite la semaine dernière à Paris afin d’y rencontrer des « acteurs » de la diversité française. Le Bondy Blog faisant partie du lot, nous y étions. Rencontre à l’ambassade américaine.

Le professeur se présente avec humilité. Il répondra aux questions « in English, please ». Premier sujet, l’incontournable Barack Obama : « Son élection a été un choc, elle est le fruit d’un réel changement, mais à quoi ce changement va-t-il ressembler ? Comment le nouveau président va-t-il être perçu ? Est-il assez noir ? La Maison Blanche va-t-elle changer de nom ? demande avec humour Christopher Metzler, noir-lui-même. Toutes ces questions montrent que l’Amérique bouge, mais qu’elle est toujours en train de gérer les questions de diversité. Mais ce que nous avons là, c’est un symbole, un homme va présider l’une des plus grandes Nations, et cet homme est noir. »

Professeur, qu’est-ce au juste que l’affirmative action, que nous traduisons en France par discrimination positive ? « La plupart des gens qui parlent d’affirmative action ne savent pas réellement ce que c’est. Et cela crée des réticences. Certains croient que cela veut dire donner un travail à quelqu’un parce qu’il est noir. Or, c’est totalement faux. De plus, ce n’est pas uniquement destiné aux Noirs. D’ailleurs, il n’y a plus une seule communauté noire, il y a des Noirs riches, des Noirs de classe moyenne, des Noirs pauvres, des Noirs éduqués, non-éduqués… »

L’affirmative action (en gros : à compétences égales, le « minoritaire » aura le poste) concerne toutes les personnes susceptible d’être touchées par la discrimination (sexe, religion, ethnies…). Mais ce modèle-là est-il importable en France et en Europe ? « Si je suis là aujourd’hui, répond Christopher Metzler, c’est pour conseiller les politiciens qui voudraient créer un équivalent d’affirmative action en France. Je suis là pour en discuter avec eux, voir ce qui, dans ce modèle, est bon et ce qui ne l’est pas, en prenant compte de l’expérience américaine. »

« Le problème en France, poursuit le professeur Metzler, c’est qu’il est impossible de mesurer la réalité comptable des différentes ethnies à cause d’une certaine philosophie de l’égalité des hommes et des couleurs. Mais dans les faits, on voit bien que ces principes ne tiennent pas. Des gens sont traités différemment, sont moins égaux que d’autres. Il faut pouvoir se doter d’instruments qui permettent d’identifier les groupes discriminés, en économie, en politique, dans les grandes écoles. C’est seulement de cette manière qu’on pourra mettre un terme à ces discriminations. »

Pour produire un Obama français, voici donc la recette : un zest de modèle américain, quelques cuillérées d’affirmative action, une bonne dose de discrimination positive, bien beurrer le moule « politique de diversité ». Le tour est joué, un vrai produit du terroir en fin de cuisson. Un beurre président ailleurs que dans notre frigidaire? À coup sûr, il s’appellera Mohamed, notre Barack 100% made in France…

Widad Kefti

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