« Bonjour. Une paire de chaussettes s’il vous plait. – Tenez. – Merci au revoir. » C’est comme ça qu’un Hocini fait les soldes ! Pas de papouilles, pas de chatouilles et pas de queues interminables dans les grands magasins. Moi, c’est trois secondes chez le fripier du marché de Bondy. Emballé c’est pesé, merci mon cul, à l’année prochaine. La société de consommation est une garce en période de soldes, elle vous bouffe votre temps, vos sous et vos nerfs. Je la fuis telle Sarah Connors devant le Terminator. L’excellent papier de Widad (que j’aime en secret) a su l’expliquer avec brio.

Attention, faites pas tous comme moi ! Bibi, c’est Joe le clodo de l’habillement. Un choix assumé. Exemple parfait de crasse vestimentaire, qui plongerait l’économie du textile dans le chaos s’il était répété par tout un chacun. La technique du slip double face, qu’on retourne un jour sur deux, c’est moi qui l’ai brevetée (ou un de mes cousins du bled, je sais plus).

Niveau chiffons, je suis une loque mitée. J’inspire même le dégoût à ces clochards qui me servent de compatriotes, les inénarrables rats de Bondy. Eux, ils sont comme tout le monde, ils aiment s’habiller, se laver, changer de chaussettes, faire le bourgeois sapé en Coq sportif et autres joggings du président. Pourtant, Dieu sait à quel point ils n’ont pas de sous, ces mangeurs de yaourt leader Price. Pour le coton, à Bondy, les poches vides, ce n’est pas trop grave. Ici, c’est le Mexique. Comprenez : la contrebande de vêtements bat son plein à des prix cassés.

Pour vous les gars, j’ai rencontré « la cuvette ». Il se fait appelez comme ça parce que son père a fait Dien Bien Phu… coté Viêt-Cong. Pour pouvoir l’approcher, je lui ai acheté une paire de chaussettes Hugo Boss à 4 euros. Négociée, je ne l’ai payée que… 4 euros (ça peut vivre huit ans dans un trou pendant que ça pleut du napalm. Allez leur arracher un rabais d’un euros !). C’est le prix d’un grec. La paire sera donc toujours à mes pieds au moment où vous lirez cet article, voire à la prochaine éclipse.

Tous les mois, il file vers la ligne bleue des Vosges, direction l’Allemagne et son usine Hugo Boss, fréquence des voyages doublée en période de soldes. Il revient le coffre chargé de vêtements griffés pour les Bondynois qui veulent se la jouer « je suis bien propre sur moi et ça se voit ». Sa came part comme des petits pains tunisiens un soir de ramadan. C’est habituellement deux à trois fois moins cher qu’en magasin après soldes. Il dit faire ça pour rendre service. Quel cochon, cet escroc ! Grâce à son petit commerce, il doit avoir des sous jusqu’au nez. Au début, il était le seul dans le business, mais depuis, c’est la route de la soie, un défilé haute couture dans les coffres des Lada et berlines bondynoises de même tonneau. Du coup, beaucoup snobent les soldes, les voyant comme une punition divine quand ils doivent accompagner leurs copines.

Est-ce que tout ça est bien le légal ? Tout est question de quantité.

Idir Hocini

Idir Hocini

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