Dégât collatéral des événements de Gaza : des Arabes mettent en « stand-by » leur amitié avec des juifs. Les bombardements israéliens, depuis quinze jours, sur les Gazaouis réalimentent, côté franco-arabe, les jugements tout faits sur les Israéliens et les juifs en général, largement en vogue lors de la seconde Intifada, en 2002 : les Israéliens sont vus comme des juifs égoïstes qui profitent de leur richesse sur terre pour écraser les Palestiniens et au-delà, tous les Arabes du Proche-Orient. J’entends autour de moi, « ici ou là-bas, les juifs sont tous les mêmes ! » ; « les pauvres Palestiniens sont privés de leur terre ! » ; « les Américains sont des traîtres ! Ce sont eux qui fournissent Israël ! » ; etc.

Vanessa, juive, une amie. Elle se confie à moi : « Quand la télé a annoncé qu’un missile israélien avait tué 51 Palestiniens à Gaza, mes copines ne m’ont plus appelée, ne m’ont plus envoyé de textos ni de mails. Notamment mes copines de confession musulmane. » Elle dit être triste de leur silence. « Je n’y peux rien », ajoute-t-elle. Vanessa a de la famille en Israël, mais elle vit en France. De plus, affirme-t-elle, elle prend parti pour les Palestiniens dans la présente crise. Elle a manifesté le 3 janvier à Paris avec les pro-Palestiniens. Le défilé a fini en pagaille et Vanessa y a perdu son téléphone portable… Vol ? Elle n’en sait rien.

En 2002 déjà, lors de l’éclatement de la seconde Intifada, elle avait ressenti personnellement cette coupure des amitiés entre Français juifs d’une part et Français arabo-musulmans de l’autre. Puis, les médias parlant moins de ce conflit à mesure qu’il s’apaisait, ses amies musulmanes se mirent à lui reparler. Mais voilà Gaza, et c’est reparti pour un tour ! Joli, le début d’année…

Je croise non loin de chez moi Julie, elle aussi de confession juive. Même vécu que celui de Vanessa lors de la guerre des pierres en 2002 au pays de Canaan. Julie fait simple : si elle est ignorée par ses « amies » musulmanes parce qu’elle est juive, elle les supprime de ses contacts. Pour elle, la rupture des amitiés ici au nom de la guerre là-bas est une attitude impardonnable : confondre les soldats israéliens – qui obéissent à des ordres selon moi immoraux – avec les citoyens français juifs, c’est stupide !

Mais la guerre durcit les cœurs. Soumia, jeune femme franco-marocaine d‘une vingtaine d‘années, dit comprendre ces cassures, passagères ou définitives, des liens amicaux : « Quand la haine s’empare de nous, on met tous les juifs dans le même sac ! Qu’ils vivent en France ou en Israël, ce sont et resterons des juifs ! »

Certaines personnes, en France, se comportent donc assez bêtement face aux massacres en cours dans la bande de Gaza. Certes : « Un peuple meurt, un peuple pleure, un peuple saigne, partout son sang baigne ; des centaines de Palestiniens meurent chaque jour… » Mais face à cela, il n’y a, de notre part, citoyens occidentaux, qu’une riposte possible : manifester, se mobiliser, se faire entendre. Et ne pas s’énerver, ne pas répondre à la violence à Gaza par la violence en France, comme s’y sont laissés aller ces stupides casseurs durant les rassemblements parisiens des 3 et 10 janvier ou ceux qui s’en prennent, et c’est impardonnable, à des lieux de culte juifs. La mobilisation doit être pacifique. Certes, mes mots ne changeront pas les idées de chacun sur la crise au Proche-Orient, mais je tenais à les dire.

Inès El laboudy

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