Jeudi soir, je me fais embarquer par mon ami Saïd dans une soirée particulière. Said, de passage à Paris pour le boulot, est éducateur sportif à la mairie de Salon de Provence. Un passionné de boxe, sillonnant toute l’année l’Hexagone avec ses poulains. Il me tend une invitation pour un gala de boxe au Cirque d’Hiver. Qui n’a pas rêvé de franchir la porte du grand chapiteau couvert parisien ? Je m’y rends avec une certaine excitation et pendant le trajet en métro, quelques souvenirs me reviennent. Je me rappelle certains combats que l’on avait eus l’occasion de regarder à la maison: Brahim Asloum aux Jeux Olympiques de Sydney en 2000, et les images d’archives nostalgiques des Mike Tyson, Mohamed Ali et Marcel Cerdan.

Je me souviens aussi des combats retransmis sur Canal +, mais le plaisir était de courte durée : l’écran avait la fâcheuse habitude de se crypter d’un bzzzzzzzzzzzzzzzz puissamment énervant. L’originaire de Sologne que je suis se rappelle que là-bas, deux enfants du pays faisaient rêver des centaines de gamins : les frères Girard, Christophe et Bruno. Le second deviendra même champion du monde en catégories super-moyen et mi-lourds.

Je me presse d’arriver à l’heure. Je rentre par la grande grille verte principale, toute fière avec mon invitation à la main. L’ouvreuse me place rapidement. Les gradins sont à 90 % occupés par des mecs. Normal. J’arrête là ma psalmodie féministe ! J’assiste à THE tournoi de boxe. A ne pas manquer. Je me dis que le concept est plutôt drôle : un cirque qui remplace des fauves par d’autres fauves, les gros gants en plus. Et j’imagine déjà les sportifs s’entraîner dans les box à chevaux en coulisses!

Les stars du ring rejoignent l’arène comme des chanteurs de rap montent sur scène. L’entrée des sportifs est à l’image de ce qu’on voit à la télé. Normal, le show est retransmis sur Canal + sport. La musique, alternant morceaux RN’B et tektonik, déchaîne les spectateurs. Et le numéro des boxeurs est savamment orchestré : jolies filles derrière eux, les sportifs fusent vers le ring, peignoir précieusement attaché, chaussures dorées et accessoires en tout genre, comme le chapeau délicatement posé sur la tête du Gardannais Nadjib Mohammedi, champion de France en titre des mi-lourds.

Les combats s’enchaînent, les supporters scandent tour à tour le nom des boxeurs. Encouragements des uns, déception des autres. L’ambiance est survoltée. Mon voisin de gauche vit le moment à 10 000 % : deux, trois gouttes de sueur coulent sur le côté droit de son visage. Derrière moi, un groupe de jeunes Rebeus connaît les noms des boxeurs par cœur. Chacun d’eux a droit à ses cris de soutien. Et quand le combat déçoit, pas de pitié non plus: « Fais pas semblant ! », « T’as pas de frappe ! ». Les odeurs de bière, de friture de poulet façon KFC et de sandwichs jambon-beurre se mêlent aux fumées et aux relents de transpirations.

Les flashs des photographes crépitent et les vedettes des premiers rangs une fois les caméras de Canal parties, se sauvent elles aussi : Enrico Macias, le boxeur Dida. Seul Brahim Asloum restera jusqu’à la fin. Le dernier combat achevé, fini les cris, les applaudissements, les montées d’adrénaline et les coups de sang. Chacun se dirige vers la sortie échangeant sur le succès de la soirée. Les lumières s’éteignent peu à peu, on s’empresse de nettoyer les gradins et les couloirs, le matériel est démonté. Dès demain, les fauves du cirque Bouglione reprendront leur territoire mais les boxeurs auront définitivement laissé leurs empreintes.

Nassira El Moaddem

Photo Nassira El Moaddem

Nassira El Moaddem

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