France Télé passe un cap. Montre les « minorités » en prime-time. Après les gays de « Clara Sheller » et « Le Choix de Meriem », samedi dernier, c’est « Aicha » qui débarque dans vos lucarnes, ce soir. Aicha, « l’Amélie Poulain des cités » comme la surnomme l’actrice principale, Sofia Essaidi (photo). La Cléopâtre de Kamel Ouali a passé le casting de Yamina Benguigui. « Je ne connaissais pas Sofia avant cela, je ne savais pas qu’elle avait fait la Star Ac’ », avoue la réalisatrice. L’éternelle cinéaste engagée la caste pour le troisième rôle, dans sa deuxième fiction. Mais une mimique, un simple soupir lui font décrocher le rôle titre. « Quand elle a soufflé, à un moment donné, c’était exactement mon personnage, Aicha », confie Yamina Benguigui.

Il y a quelques années, elle avait logé des longues semaines dans le Château des Star Académiciens, avait chanté avec Sting et perdu la partie. Une autre l’avait emportée. Cela n’empêchera pas Kamel Ouali, le flamboyant chorégraphe du télé-crochet de TF1, de lui proposer d’incarner Cléopâtre, sur scène. Sofia relève le défi de la comédie musicale ! « Quand elle est venue passer le casting, elle n’avait pas encore signé pour Cléopâtre », rappelle Yamina Benguigui. Dans la foulée, elle remporte « les deux rôles de sa vie, Aicha pour la télé et Cléopâtre pour la scène ». Entre répétitions et tournage, elle court de plateau de ciné en salle de danse, en passant par les cours de chant. Une vie bien remplie.

La belle Sofia a eu bien raison de s’accrocher. Désormais, elle est actrice et « Aicha », le téléfilm, est une réussite. Issue d’une famille plutôt aisée du Maroc, Sofia, dans le film, campe une Algérienne, Aicha Bouamaza. Elle habite dans le 93. Sa famille respecte les traditions ancestrales. Ma fille, tu vas te marier…

Sonia*, lycénne, a vu le téléfilm lors d’une avant-première. Elle est lycéenne. Un style plutôt délirant, des cheveux ébouriffés et des rires dans la voix. Mais quand il est question de sa sœur, elle prend un air sérieux. Les larmes montent rapidement. « Ma sœur s’est marié, parce qu’elle voulait partir de la maison. Mais elle était trop jeune et son mari n’était vraiment pas sympa. Elle a dû divorcer. » Un mariage-ratage qui arrive beaucoup trop jeune, un rêve qui vire au drame intime. Sonia s’échappe, une clope au bec. Sa façon de se révolter, pour l’instant, face à cette famille encombrante, la sienne.

Aicha est une sorte de porte-parole de toutes les demoiselles qui se sentent oppressées et désarmées, comme Sonia. Un exemple de combat. Face au poids de la famille, elle va vouloir fuir, enjamber le périph et aimer sans avoir à se marier. Une envie de liberté que partage aussi Lyna. « Je ne veux pas me marier. » Elle a 17 ans et veut pouvoir aimer, sans avoir à « officialiser ».

Yamina Benguigui balaye le paysage avec sa caméra. Les barres d’immeubles plutôt délabrées qu’elle a filmées dans des cités d’Aulnay-Sous-Bois ou de La Courneuve. Des barbus qui prêchent. Et des femmes. Ce téléfilm est un hymne aux femmes. Avec humour, la cinéaste leur offre une place plus importante que celle qu’elles occupent habituellement dans leur vie de tous les jours. Il y a la « Parisienne », qui en fera fantasmer plus d’un, « la meilleure amie française », etc. Des personnages auxquels on pourra s’identifier aisément.

France 2 diffuse donc « Aicha », ce soir, à 20h35. La réalisatrice attend de signer une courte série, « d’environ six épisodes », précise-t-elle, qui montrera l’évolution de son héroïne, Aicha. Avec, croit-on savoir, un happy-end. Bien le moins après la noirceur du début. Un épilogue à l’écran qu’on espère voir se réaliser aussi dans la vie, la vraie. Pour que nos copines, celles que nous fréquentons chaque jour, puissent elles aussi devenir les porte-parole d’une génération libre.

Mehdi Meklat et Badroudine Said Abdallah

*Prénom modifié

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