Samedi dernier, je rentre chez moi par le métro 5. J’arrive à Bobigny où j’attends le bus qui me mènera vers des contrées lointaines, des paysages fantastiques et des plaines merveilleusement fleuries… à Bondy. Dans mes songes je me vois galoper les cheveux au vent, quand soudain, un charmant galantin édenté m’interpelle : « Wesh ! Me regarde pas comme ça, t’inquiète pas, c’est que du jus d’orange que j’ai dans la main, pas une kalachnikov ma sœur. » A coup sûr, son jus n’était pas composé uniquement d’orange.

A moitié bourré, ce jeune homme voulait entamer une conversation – dans ces moments-là, le guide de survie en Seine-Saint-Denis nous conseille de répondre comme si de rien n’était. Je discute donc avec lui comme s’il n’était pas à deux millimètres de moi et qu’une agréable odeur de jasmin s’évadait de son haleine. Un « tu pus de la gueule, rentre chez oite, va te laver », n’aurait pas été de rigueur. Je fais donc semblant de m’intéresser à ce qu’il me raconte quand tout à coup, il me dit : « Faut vraiment que j’arrête de boire. » J’acquiesce et ajoute que ce n’est pas bien de boire. Et là, contre toute attente, il me répond : « Oui, je sais, mais t’inquiète pas, je l’ai pas achetée, c’est haram (péché), alors, je l’ai volée. »

En quelques paroles il m’a fait repenser à ces jeunes que j’avais rencontrés, et qui à l’instar de ce bonhomme, opéraient eux aussi un tri sélectif dans l’islam : quand je veux, comme je veux – l’islam Addeco. Il ne s’agit pas là de dire qu’ils ont raison ou tort, mais chez certains sommeille une hypocrisie vis-à-vis de l’islam qui ne contribue pas à redorer son blason. Je me souviens des heures de débat passées avec des garçons de ma classe qui jamais au grand jamais ne pouvaient déroger au principe suprême de ne manger que de la viande halal – filet ‘o’ fish partenaire officiel m’en soit témoin – en revanche, en ce qui concerne le vol, la fumette et la banquette, on s’oublie vite. Il doit sûrement exister des passe-droits sur ces questions-là.

Dans la top-list « baiser de judas », on trouve également ce qu’on appelle le « ramadan américain ». Bal des apparences pour certains, qui n’hésitent pas à faire une pause cigarette avec les collègues ou à manger des croissants en cachette. Ce qui me dérange n’est pas le fait qu’ils n’observent pas la prescription religieuse, libre à chacun de pratiquer ou non. Non, ce qui me dérange, c’est de montrer une façade musulmane, histoire d’être bien vu par la famille, la cité, l’entourage musulman en somme et de ne pas assumer ses actes. Ça, ça réveille l’Helmut Fritz qui sommeille en moi, « ça m’énerve !! ». Car ensuite, qui paye les pots cassés, qui doit réexpliquer à ceux qui ne sont pas musulmans – qui pensent que le vol, le terrorisme et la guerre font partie intégrante de l’islam – que non, il est interdit de voler, de boire de l’alcool et que pendant le ramadan, on ne boit pas ni eau ni lait du lever au coucher du soleil.

Les garçons n’ont pas l’exclusivité de ces simagrées, les filles sont parfois pires. Le coup de « je fais des folies de mon corps et je vais me faire recoudre après », si ce n’est pas le summum de l’hypocrisie, je ne vois pas ce que c’est. Parce que, lorsqu’on décide d’avoir des relations sexuelles, on assume. On ne fait pas semblant de jouer les Sainte-Marie pour donner l’illusion qu’on pratique une religion dont on s’est foutu éperdument au moment de s’adonner aux plaisirs de la chair avec Gaston.

Mais dans la catégorie grosse arnaque – escroquerie que même Julien Courbet ne pourrait palier –, le vainqueur est : la virginité à sens unique. En effet, il existe des filles qui par respect pour leur corps ,décident de garder leur virginité jusqu’au mariage – ce qui en théorie est tout à leur honneur –, sauf qu’elles ne sont vierges que d’un seul côté (Sodome et Gomorrhe en guide spirituel). Je passe les détails sordides. Le choquant dans cette histoire c’est qu’elles veulent se préserver au nom d’une religion qu’elles ne connaissent apparemment pas puisqu’elles occultent un principe encore plus important que la virginité en islam. En effet, ce genre de pratique est clairement prohibé au sein même d’un couple marié.

Certains veulent faire de l’islam une mode, veulent y adhérer pour se fondre dans la masse ou par effet de mimétisme. Mais le Coran n’est pas une bd. Même si certains arrivent à caser six fois dans la même phrase un « sur le Coran d’la Mecque j’te n***** ta race », il n’en est pas moins un livre sacré qui regorge d’appels à la tolérance et surtout à la maîtrise de soi. Quand je vois le comportement de certains – qui agissent sous couvert de leur remodelage religieux –, je comprends pourquoi les non-musulmans ne comprennent pas l’islam ou pire, pourquoi ils en ont peur…

Widad Kefti

Widad Kefti

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