Il y a deux semaines de cela, aux alentours de 22h30, d’assourdissants coups de feu ont été tirés sur la dalle de la cité Karl Marx à Bobigny. La scène ? Une bande de jeunes est en train de discuter, de se chamailler, de rigoler. Rien de méchant. Soudain, deux types encagoulés débarquent munis de fusils à pompe et tirent dans le tas. Un jeune reçoit deux balles dans la jambe.

La bande se dissout en courant dans tous les sens pour fuir les balles mais les agresseurs n’hésitent pas à tirer à l’aveugle. Par chance, personne d’autre n’est touché. La victime, un jeune homme de 20 ans, a failli perdre sa jambe. Les agresseurs, en position de force grâce à leurs armes, ont pu prendre la fuite en moto sans que personne ne les intercepte. Ils sont toujours en cavale.

J’ai tenté, sans succès, de parler à la victime. Un de ses amis m’a raconté les faits décrits ci-dessus et ajoute que, selon les « on dit », les deux types encagoulés seraient d’une autre cité de Bobigny, le quartier de l’Etoile. Mais il n’y a aucune certitude à ce propos. Cet ami du jeune homme blessé à la jambe, dit avoir envie de le venger, et puis il semble changer d’avis : « Tant qu’aucune personne de ma famille n’est touchée, je ne courrai pas les quartiers pour trouver les agresseurs, en vrai, je m’en fous. »

Le fait est qu’aujourd’hui, chacun reste dans son quartier et s’abstient de s’aventurer dans les cités d’autrui pour ne pas prendre le risque d’en ressortir en titubant… Ha ! ces stupides guerres de cités ! Elles existent depuis des lustres. L’Etoile, auparavant Etoile-Emmaüs, fut l’une des premières cités de logements sociaux de l’après-Seconde Guerre mondiale, édifiée par la confrérie de l’Abbé Pierre. Des morts à cause de stupides affronts, il y en a eu, à l’Etoile. Jai le souvenir de guerres de cités depuis que j’ai 6 ans.

Il y a une dizaine d’années, mon quartier et celui d’en face (une rue les sépare) étaient en conflit total. Pourquoi ? Parce qu’un type de mon quartier avait « mal regardé » un type d’en face. Résultat : le premier s’était fait tabasser gravement. De violents affrontement s’étaient ensuivis, à toutes heures du jour et de la nuit !

Je me rappelle notamment d’une « descente » – c’est comme ça qu’on nomme le mouvement d’une troupe d’hommes enragés d’un quartier vers un autre – de la cité Normandie dans mon quartier. De ma fenêtre, j’ai pu observer le carnage, les enfants et les mamans alentour étaient terrifiés. Il était environ 17 heures, heure à laquelle les enfants quittent l’école située dans le quartier. Il y avait des battes de baseball, des couteaux, des pieds de biche, et même une hache ! Une hache qui a servie à démolir la cabine téléphonique de la dalle. Un geste gratuit bien sûr, dont le seul but était de nous pourrir la vie.

Ça criait dans tous les sens, ça courrait, hurlait, insultait, ça se battait. Un combat de 40 gladiateurs sur la dalle. Au final, peu de blessés graves mais une atmosphère de peur régnait dans le quartier. Ma mère ne me laissait plus sortir pour acheter le pain à la boulangerie juste en bas. Et elle attendait que la maîtresse vienne me chercher avec mes camarades dans la cour de l’école avant de rentrer à la maison. Ce qu’elle ne savait pas, c’est que cette guerre continuait lors des récréations, au sein même de mon école.

Il y avait en effet, deux écoles avec une cour commune partagée par une grille. Le fait d’assister aux batailles des grands dans le quartier donnait envie aux plus petits de faire pareil. Chaque récréation se transformait en jets de cailloux. Seule la sonnerie de reprise des cours ramenait un calme apparent. C’était à qui toucherait un de l’école adverse. Une fois, j’ai reçu une pierre sur la lèvre, mes dents en ont claqué, j’ai eu hyper mal et n’ai eu qu’une envie : bombarder de cailloux également le type qui m’en avait envoyé un. Mais il avait prit la fuite, le salaud ! Je ne supporte plus cette violence.

Inès El laboudy

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