LUNDI. Désespoir avant la reprise d’une activité intellectuelle quelconque. En attendant, je me glisse dans la peau d’une Desperate housewive et je regarde les merveilleux programmes made in M6. Ironie du sort, il y a quelques mois j’arpentais les couloirs de cette même chaîne avec le grade envié de stagiaire pour une émission de reportage. Enfin, envié, j’évoluais plutôt dans un univers façon « Caméra Café » couplé avec « Ugly Betty ». Le happy end en moins. Et le rôle du beau mec qu’on lorgne à la machine à café, c’est Guy Lagache, Monsieur Capital, qui le jouait. Nous avions même développé une relation unilatérale.

J’ai hélas grillé toutes mes chances quand je suis tombée nez à nez avec lui alors que je sortais des toilettes, la chemise (blanche, sinon c’est pas drôle) maculée de tâches de café. Non contente de m’être ébouillantée, me voilà ridiculisée. Guy avec sa gueule de Ken, m’a regardée mi-dépité mi-amusé. J’ai alors compris qu’il ne prendrait jamais le risque de me voir déambuler à ses côtés en robe blanche. De toute façon, je ne ressemble même pas à Barbie.

Enième rediffusion de « Docteur Quinn ». A croire que les programmateurs de M6 pensent que les téléspectateurs sont atteints d’Alzheimer et ne se rendent pas compte que cela fait huit fois que Docteur Quinn se marie avec Sully. SOS, il me faut un travail.

MARDI. La polémique du jour c’est le FN qui l’a dégoupillée. Après la journée éreintante du lundi, je n’ai pu me résoudre à éteindre la télé. Donc lundi soir, j’ai suivi le palpitant débat sur les délinquants sexuels dans « Mots Croisés. » Marine Le Pen en bonne gardienne du temple a hérité du talent de son père pour le lancer de boule puante. Si vous avez aimé le clash Bayrou-Cohn-Bendit sur le mode « vous avez écrit un livre faisant l’apologie de la pédophilie », vous adorerez le deuxième volet Marine Le Pen vs Frédéric Mitterrand. Le scénario tient sur un timbre poste.

Marine Le Pen, qui aime la grande littérature, sort l’artillerie lourde et lit un extrait d’un ouvrage semi-autobiographique, « La mauvaise vie », écrit en 2005 par Frédéric Mitterrand. Et par un lapsus providentiel, elle transforme « garçons » en « petits garçons ». L’illustre neveu de Tonton est tout simplement taxé de pédophile. Un pédophile adepte de tourisme sexuel. Il n’en fallait pas plus pour que le monde médiatico-politique s’enflamme autour de quelques pages d’un livre. Et le Parti socialiste d’emboîter le pas au Front national et d’exiger des explications au ministre de la culture.

MERCREDI. J’ai appris récemment que les centres de téléphone rose sont également délocalisés au Maghreb, occasionnant de terribles dilemmes moraux pour des jeunes filles croyantes, qui doivent répondre aux fantasmes du mâle occidental. Eh bien, j’ose espérer qu’elles sont plus efficaces en téléphone rose qu’en service client. Premier appel surtaxé chez un fournisseur d’accès. Une boîte vocale nous accueille. Il suffit de taper sur les touches selon la requête. Je détermine au hasard mon cas, car évidemment j’ai un problème que le concepteur du répondeur n’a pas pris en compte. Après avoir subi la musique d’attente, un conseiller recueille ma doléance. Vu le prix de la communication, je ne prends même pas la peine de respirer entre mes mots et débite mon laïus sans lui laisser le temps de me couper.

Hélas, on n’apprend pas au vieux singe à faire la grimace, Monsieur Free est rompu aux techniques de Sioux du client crevard qui essaie d’échapper à leur racket téléphonique. Il me coupe avec son charmant accent arabe. Et me demande de décliner mon identité, de donner mon adresse, etc. Manquait plus que mes mensurations.

Ceci fait, il semble ravi de me connaître, car il répète sans cesse : « Oui, Mademoiselle Zerouala. » Trois fois par phrase, ça fait beaucoup quand même. Il ne comprend rien à mon problème de prise téléphonique et me recommande de m’adresser à France Télécom. J’ai un peu peur de les appeler et de les pousser au suicide, alors je vais attendre.

Rebelote avec Imagin’r. Madame Imagin’r, pas plus compétente que Monsieur Free, n’a rien compris à ma demande de facture. Mais elle aussi était contente de me connaître, elle n’arrêtait pas de répéter mon nom. J’aurais dû faire comme une de mes amies qui, lassée, a expliqué son cas en arabe pour couper court.

Continuant sur ma lancée « j’explose mon forfait avec des numéros surtaxés », j’ai tenté de joindre le service client de SFR (d’ailleurs, si quelqu’un sait comment faire je suis preneuse). Eh bien, depuis un mois, je n’arrive pas à avoir une personne en chair et en os au bout du fil. Le comble pour un opérateur téléphonique. A croire que les centres d’appels de téléphone rose sont plus rentables et qu’on ne se donne même plus la peine de mettre des vrais gens dans les services clients.

JEUDI. Comme tous les ans, j’attends fébrilement l’annonce du Prix Nobel de littérature. Je sais, ça n’a aucune incidence sur ma vie, je ne partage jamais le choix du jury mais c’est un rituel immuable. Et encore une fois, l’heureuse élue ne me dit strictement rien, une certaine Herta Müller. Personnellement, j’aurais voté pour Assia Djebar, une écrivaine très talentueuse. Algérienne, et membre de l’Académie française. Les journaux français insistent évidemment sur ce dernier point. On ne sait jamais, si elle gagnait, la France pourrait se gargariser de ce succès et ressortir son blabla sur la francophonie.

C’est un peu l’identité à géométrie variable. Zidane est français tout court. Mais Mohammed quand il est au cœur d’un fait divers type braquage ou violences, est d’origine algérienne. Idée à creuser : que tous les Mohammed, Mamadou et Fatima deviennent académiciens, ça réglera quelques problèmes.

On continue dans la grande littérature. J’ai lu les pages incriminées du livre de Frédéric Mitterrand sur le site du Monde.fr. J’ai trouvé ça bien écrit, lucide, cru et honnête. Il mentionne son excitation alors qu’il participe à un cérémonial glauque en Thaïlande, dans les bas-fonds de Bangkok. Il ne tait pas la culpabilité et les scrupules qui l’étreignent alors. Parler de foire aux éphèbes, de marché aux esclaves n’est sans doute pas du meilleur goût. Mais le voir se justifier de sa vie privée sur le plateau du journal de 20 heures est indécent.

Cette curée est déplacée. En revanche, sa ligne de défense n’est pas très crédible. Le ministre de la culture jure n’avoir eu de relations qu’avec des hommes de son âge, ou cinq ans de moins que lui tout au plus. Mouais… C’est bien connu que les hommes qui fréquentent des prostitué(e)s les choisissent un pied dans la tombe et que la gérontophilie a la côte. Or dans le livre, il parle d’étudiants sur le point de se marier. En tout cas, cette affaire aura le mérite de relancer le marché de l’édition puisque l’ouvrage est en réimpression et numéro 2 des ventes sur le site Amazon…

VENDREDI. Remise des prix, épisode II. Barack Obama obtient le Prix Nobel de la paix « pour ses efforts extraordinaires en vue de renforcer la diplomatie internationale et la coopération entre les peuples ». Tout est dit. A ce rythme, il va avoir un NRJ Music Award. D’ailleurs, si Barack pouvait renforcer ma coopération avec SFR et ses centres d’appels marocains, ça m’arrangerait.

Faïza Zerouala

Faïza Zerouala

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