SAMEDI. Depuis des semaines, la bande-annonce du mariage était alléchante. Et promettait du sang et des larmes. Malgré ma famille tordue, rien, ou presque, ne s’est mal passé en ce jour de joie. Même la pluie pourtant annoncée, ne s’est pas montrée pour le grand bonheur de mes cheveux. Evidemment, j’étais en retard comme d’habitude et de mauvaise humeur. Un réveil à l’aube, soit à 8h30 pour moi, a suffi à me transformer en Joey Starr. Et je n’avais même pas l’excuse d’être la mariée.

A ma décharge, j’ai été victime de la conspiration des collants filés et de mes cheveux qui se rebellent et ne se disciplinent pas. Une demi-heure avant le début de la cérémonie, je ne suis toujours pas maquillée. Un mariage c’est la seule occasion où l’on a une excuse pour être maquillée comme un camion volé. En plus, on peut porter des paillettes en journée en toute impunité. Je compte bien en profiter.

A la mairie, tous les invités avaient fait le déplacement. Je ne peux même pas dire qu’ils étaient tous bien habillés, ce serait mentir. Soyons fous, franchissons la règle tacite qui veut qu’on n’attaque ni la famille ni les vêtements. Certains convives ne se sont pas compliqué l’existence, un col roulé en laine, un pantalon et basta. Comme c’était jour de fête, des bijoux ont été rajoutés in extremis. L’autre extrémité, c’était la tenue de mariage avec chapeau, robe beige à gros motifs floraux et tutti quanti. Un peu too much et un poil estival. Nous avons eu aussi la version « je n’ai pas de chaussures alors je mets celles qui sont maculées de tâches de peinture ». Un mariage ou un chantier même combat.

Le summum du non-look reste celui de l’adjointe au maire qui célébrait l’union. Un jean, un pull, pourquoi s’encombrer de fioritures ? Sans oublier le cocktail explosif, mine triste et cheveux gras. On peut compatir, c’est dur de se lever le samedi matin pour travailler. Mais quand même, c’est un mariage. A croire que le bonheur des autres, ça rend aigri. A la fin de la cérémonie, les adjoints ont fait une quête pour les bonnes œuvres du quartier. Première mission humanitaire : rhabiller les invités. Quoi qu’il en soit comme l’a souligné ma mère en toute objectivité, c’était nous, ses enfants les plus beaux.

DIMANCHE. Ce week-end, la thématique, c’est la fête. Je m’incruste chez ma sœur (pas la mariée je vous rassure) pour une soirée improvisée. Ce dimanche, j’ai réalisé que je suis vieille. Du haut de mes 25 ans, je ne suis plus du tout à la page. Ça m’apprendra à avoir voulu faire des études et à avoir appris à parler correctement. Le drame sémantique s’est produit lorsque mon neveu de 11 ans m’a montré son nouveau téléphone. Il a utilisé l’expression « c’est dar » pour qualifier son nouveau joujou technologique. Pour ne pas perdre la face j’ai fait semblant de comprendre ce qualificatif ô combien mélodieux. « Ah oui, il est dar ton portable. » Pour les non-initiés, cela veut dire « c’est bien », mais après enquête cela peut également signifier, selon l’intonation, « c’est pas bien ». Tout est question d’appréciation et de contexte. Ça fait travailler le cerveau d’être un jeune branché.

Au cours de cette soirée je me suis rendue compte que je n’étais pas la seule à ne pas maîtriser ce langage alternatif de djeunes. Pour y remédier l’un des invités s’est fendu d’un cours de linguistique afin de prouver que lui n’est pas has-been. J’ai ainsi appris que les mots se terminant en –ave sont des mots gitans. Maintenant je dois faire des travaux pratiques. Je pourrais par exemple écrire la chronique de la semaine prochaine en verlan-langage de jeune. Ou caser très naturellement, la prochaine fois que je vois mon neveu, la phrase suivante : « Allez viens on va pillave, crillave, et bédave dans la gova parce que c’est dar, faudra pas se faire rodave. » Pas sûre que ma sœur et les services sociaux apprécient ce genre d’activités.

LUNDI. Aujourd’hui, cela fait vingt ans que le Mur de Berlin est tombé. Novembre se prête bien à ce genre de cérémonies. Les chefs d’Etat sont obligés de porter de longs manteaux noirs qui leur donnent un look solennel. La pluie rajoute une touche d’ambiance pesante. Par chance, le vent provoque les larmes aux yeux et rougit le nez. Une manière naturelle et sans effort d’avoir l’air ému. Même si en réalité, les présidents s’en fichent. Silvio Berlusconi, qui a des nuits agitées comme chacun sait, a été pris en flagrant délit de roupillon pendant le discours de Dmitri Medvedev le président russe.

En tant qu’historienne repentie, j’ai essayé de regarder la cérémonie qui se voulait instructive et pleine de sens. La vraie raison, c’est que fatiguée par mon week-end, je me suis accordé une journée glande intégrale. La seule activité physique du jour étant d’aller à la cuisine remplir ma tasse de thé. Le tout avec un look apocalyptique. Cheveux gras retenus par une pince, lunettes sur le nez, pyjama informe et grosses chaussettes pour se réchauffer les pieds. De quoi ruiner une image de marque en un clin d’œil et rester célibataire ad vitam aeternam.

Ces retransmissions, c’est toujours la même chose. Les traducteurs galèrent, il y a toujours un problème de faisceau qui empêche la retransmission du moment-clé, les commentateurs peinent à meubler les longues heures d’antenne. Ils en sont réduits à parler de la voiture du président ou de la tenue de sa femme. Sans intérêt.

En tout cas, l’œuvre de la Stasi n’est pas morte. Mon père a repris le flambeau. Lors de cette désormais célèbre noce, il a posé des questions bizarres aux invités qu’il ne connaissait pas. Là, la cible c’était un ami de ma sœur. Celui-ci disait qu’il était d’origine marocaine. Jusqu’ici rien de répréhensible. Et là mon père lui demande tout de go s’il a un ranch au Maroc.

Stupéfaction de l’assemblée. Non, mon père n’est pas alcoolique et je ne peux même pas justifier cette question déroutante par une quelconque toxicomanie. Pas rassuré, mon paternel à peine me voyait-il adresser la parole à ce non-JR Ewing, rappliquait illico. Auparavant il m’avait posé des questions intrusives sur lui et sa famille. Profession des parents en remontant à quatre générations et compagnie. Ils ont vraiment fait du bon boulot la Stasi.

MARDI. Après la réunion hebdomadaire à Bondy, j’ai envie de marcher un peu et de descendre une station de métro avant la mienne. Mal m’en a pris. Sur les berges du canal il fait encore plus froid qu’ailleurs. Pas de quoi décourager deux jeunes hommes qui jouent à la pétanque. S’ils ont envie d’attraper la mort, grand bien leur fasse.

En tout cas, ceux qui veulent ma mort, ce sont les cyclistes. De vrais fléaux. Ils se prennent pour Lance Armstrong et squattent toute la piste cyclable. Ils ont des sonnettes stridentes et effrayent l’honnête piétonne que je suis. Ils arrivent à toute vitesse et se permettent de faire la mauvaise tête quand ils rencontrent d’autres êtres humains. Les écolos ont beau manger des carottes bio, ça les rend pas vraiment aimables. Encore un peu et je monte une coalition avec les taxis pour éradiquer les cyclistes et autres adeptes du Vélib’. J’espère juste qu’y en a un qui va mal gérer son engin et atterrir dans l’eau putride du canal et se désintégrer. Y’a quand même plus glamour comme mort qu’être écrasée par un vélo.

MERCREDI. Encore une cérémonie officielle. C’est le match retour. Cette fois c’est Angela Merkel qui rend visite à Nicolas Sarkozy. Ils ne se quittent plus, ces deux-là. Au début, comme dans un mauvais téléfilm de M6, ça avait mal commencé entre eux. Moi, si j’étais Carla, je me poserais quelques questions. Angela sous ses airs de ne pas y toucher c’est le feu sous la glace en réalité. Elle est belle la « coopération » franco-allemande.

La semaine prochaine Nicolas arrivera-t-il à trouver un prétexte pour voir Angela ? Angela supportera-t-elle plus longtemps de vivre cette liaison cachée ? Carla a-t-elle des soupçons ? Va-t-elle se consoler dans les bras de Jean S. qui fait tout comme son papa ?

Faut vraiment que j’arrête de regarder les soaps comme Grey’s anatomy, ça provoque des effets secondaires indésirables. Je viens d’enchaîner trois épisodes et comme toujours je me dis que j’aurais dû faire médecine. On dirait que dans cet hôpital, c’est un directeur de casting qui recrute les médecins. Là, pour le coup, je veux bien me faire renverser par un vélo si c’est le Docteur Sheperd qui me soigne…

JEUDI. Deux sénateurs militent pour le droit à l’oubli numérique. Si des photos de vous déguisé en Schtroumpf, en paysan kabyle ou dans un état éthylique avancé circulent sur Facebook, elles devront disparaître en même temps que la gueule de bois. Ils auraient pu y penser plus tôt, les sénateurs, un certain Nicolas S. aurait bien aimé en bénéficier de ce droit à l’oubli. Ca aurait évité le cafouillage autour d’une photo prise on ne sait pas quand devant le Mur de Berlin.

VENDREDI. Aujourd’hui c’est la journée mondiale de la gentillesse. Ce n’est pas une blague ! Imaginons une journée où la France serait derrière Raymond Domenech comme un seul homme. Une journée où ces sournois d’Egyptiens respecteraient la légendaire hospitalité arabe en accueillant l’équipe nationale algérienne sans la lapider. Une journée où Marie NDiaye, Eric Raoult et son gang de monstrueux se feraient des câlins. En fait, ça ne sert à rien cette journée. Nicolas et Angela n’ont pas eu besoin de journée de la gentillesse pour si bien s’entendre…

Faïza Zerouala

Faïza Zerouala

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