SAMEDI. Chacun d’entre nous a un vice. Certains sont de l’école Sue Ellen Ewing et aiment bien tâter de la bouteille. D’autres sont accros aux talonnettes, au point de croix ou aux « Feux de l’amour » comme deux de mes amies dont je tairai le nom pour ne pas ruiner leur vie sociale. Moi, ma came, c’est les livres. Je sais, ça fait fille intelligente de dire ça. Mais chez moi, c’est du registre de la névrose. Je passe mon temps à dénicher des occasions à prix défiant toute concurrence. Parce que mon budget, c’est « Pékin Express », soit comment survivre avec un euro par jour. Mais je me débrouille bien, j’arrive à alimenter mon stock.

Un trésor que je bichonne. Bien sûr, mes livres, je les classe par région, par maison d’édition et par ordre alphabétique en me basant sur le nom de l’auteur. Comme ce serait trop simple de s’en tenir à ce classement de fille psychorigide, dans cette sous-catégorie, les livres sont classés par date de parution.

Ce samedi après-midi, je me rends dans une braderie avec ma sœur. Je vous épargne les moult péripéties pour arriver au lieu des réjouissances. C’est comme à Noël, lorsqu’on trépigne d’impatience pour ouvrir nos cadeaux, on est toujours déçu une fois ceux-ci déballés. L’expédition du jour ne déroge pas à la règle. La pêche est mauvaise. Il n’y a que des livres de développement personnel qu’on n’a aucune envie de lire. Pourquoi apprendre à cuisiner sain, à réussir sa vie de couple ou l’éducation de son enfant ?

Moi, j’entretiens mon cholestérol et ma cellulite. Ce qui explique peut-être que la seule relation durable que j’entretiens l’est avec mes névroses. Pour ce qui est de l’éducation de l’enfant, je ne commente même pas. Dépitées, nous nous apprêtions à rendre les armes, lorsque notre regard a été attiré par des cartons négligemment entreposés sur les côtés. Le plaisir de l’interdit. Un braquage de cartons plus tard et nous voilà reparties avec des trouvailles en or, le tout pour une poignée d’euros. Dans le lot, un tome tout neuf de la saga « Millénium » acquis pour deux euros. En bons criminels-braqueurs que sommes, nous gens d’honneur, nous avons tout bien rangé comme il faut. Comme si de rien n’était.

DIMANCHE. Je parlais il y a quelques semaines du langage particulier de mon neveu de 11 ans. Son cas s’est empiré, dorénavant il saupoudre son langage djeune des trois mots d’arabe qu’il connaît. Bientôt, pour le comprendre, il faudra le sous-titrer ou kidnapper Nelson Montfort pour une traduction simultanée.

Le crime linguistique s’est aussi étendu à l’anglais. Non content d’être affublé d’un accent pakistanais lorsqu’il fait des tentatives désespérées pour s’exprimer dans la langue de Shakespeare, mon cher neveu semble n’avoir eu aucune leçon fructueuse au collège. Les auxiliaires « être » et « avoir » sont persona non grata dans ses phrases. Nous avons donc décidé de se saisir du problème à bras-le-corps.

Pour le coup, j’ai laissé mon frère s’occuper du jeune non-anglophone. En plus, l’effronté est de mauvaise composition. Il accuse de manière éhontée sa propre mère d’avoir fait l’impasse sur certaines leçons lors de leurs révisions. Alors que tous les chapitres ont été passés au peigne fin. Durant tout le temps du cours, celui qui, dans le civil, est un enfant adorable, ne coopère pas et maudit celui qui fait office de professeur particulier. Moi je veux rester la gentille tante qui est accueillie à bras ouverts lorsqu’elle arrive. Alors je laisse le sale boulot d’acculturation aux autres… Peut-être que si ma sœur avait lu ce fameux ouvrage portant sur l’éducation de l’enfant, il aurait été moins réfractaire aux devoirs, le gamin.

LUNDI. Hier j’ai me suis octroyée une diète de l’information, je n’ai pas lu ni vu le moindre journal. Je débarque donc après la bataille. Je découvre les images de Silvio Berlusconi en sang après qu’un individu lui a lancé une réplique miniature de la cathédrale de Milan en pleine face. Après la chaussure, la statue miniature. Le concept du chamboule-tout présidentiel s’exporte et se décline. Vive la mondialisation. J’ose espérer que le rebelle italien a payé des droits d’auteurs au journaliste irakien. En même temps, l’Italie est bien connue pour pratiquer allègrement la contrefaçon.

Comme les Français ont toujours deux ans de retard, à la place de Nicolas Sarkozy je demanderais à Eric Besson d’expulser manu militari les vendeurs sénégalais de Tour Eiffel du Champs-de-Mars, la mode du lancer d’objets pourrait faire des émules. Je ne voudrais pas donner de mauvaises idées, mais un lancer de nains, au pluriel, sur Sarkozy serait du plus bel effet en guise de cadeau de Noël. Ça lui ferait de nouveaux copains, au président.

Je n’ai qu’un conseil à donner à Silvio Berlusconi, s’il veut guérir, je lui déconseille de s’adresser au Docteur Delajoux pour réparer les dégâts. Finalement, si on veut considérer cette mésaventure du bon côté, ça va lui permettre, à Silvio, de se refaire faire un lifting ni vu ni connu. Je suis sûre que bientôt pour justifier la tête d’androïde de Carla Bruni, on va nous dire qu’elle, c’est une guitare qu’on lui a lancée en pleine poire.

MARDI. Maintenant, on le sait, la burqa, le niqab et autre voile intégral sont vus d’un mauvais œil en France. Dommage, parce que la vie quotidienne de celles qui les portent est facilitée. Ça doit être bien pratique de ne plus se préoccuper de ses cheveux. Gras ou pas, ça passe en société. Les intempéries ne tuent pas le brushing qu’on a mis une heure à faire – officiellement, on déclare que ça nous a pris à peine un quart d’heure, car on nie toutes avoir des cheveux revêches.

Ce qu’on ignorait, c’est que le port de la casquette pose aussi problème. Hélas, celui qui la met à l’envers, n’aura pas les honneurs d’une chanson comme le Roi Dagobert, mais sera purement et simplement décapité. Riposte graduée oblige, le contrevenant recevra un avertissement préalable, sous la forme d’une statue miniature envoyée en pleine figure pour le remettre dans le droit chemin.

Franchement, elle débarque la Nadine, parce que le modèle du jeune à casquette, c’est périmé. Il n’est plus fabriqué depuis deux ans au moins. La filière s’est éteinte de sa belle mort, supplantée par le style crête fashion très en vogue chez nos éphèbes des quartiers. Mais c’est possible qu’à Nancy, chez Nadine, la Lorraine du gouvernement qui voit des casquettes partout comme Jeanne entendait des voix, la mode ait pris deux ans de retard. La crête, donc : n’est-ce pas là une manière ostensible pour ces jeunes d’exalter leur identité nationale puisque, si mes souvenirs animaliers sont exacts, la crête se trouve sur la tête du coq. Et quoi de plus gaulois que le coq ?

MERCREDI. Demain, c’est concours blanc à l’ESJ-Bondy. Je dois donc réviser près de trois mois de cours en une journée. Finger in the nose. J’ai eu mon bac avec cette méthode de travail très au point. A la fac, j’ai continué sur cette lancée. Oh que c’est merveilleux de présenter un exposé à l’oral quand on a dormi deux heures et qu’on n’a même plus une valise, mais une malle bleue sous les yeux tellement on a la tête fracassée. A côté, même Jean-Louis Borloo arbore un air plus présentable. Ma journée, je ne l’ai pas vu passer. J’ai lu un peu, navigué sur la Toile, histoire de m’aérer un peu la tête. Ma tête elle était, après ces pérégrinations, si bien aérée que j’ai eu l’impression qu’un courant d’air avait pris la place de mon cerveau. Et d’avoir tout oublié.

JEUDI. Ce matin, ça n’a échappé à personne, il a neigé. J’ai failli me briser le coccyx un nombre incalculable de fois, vu qu’il ne reste sur la chaussée, une fois la jolie neige (celle des films) fondue, qu’une espèce de boue maronnasse verglaçante agglomérée au sol. Après une courte nuit, je suis arrivée par miracle à l’heure aux épreuves. La pression est moins intense, ce n’est pas le vrai concours. Tant et si bien que mes camarades de galère se sont amusés à faire des batailles de neige. Pas calculateurs pour un sou, ils auraient pu profiter de la chaussée glissante pour se débarrasser à peu de frais des concurrents gênants.

Nous planchons sur les questions d’actualité. Quelques questions portent sur le sujet hautement passionnant des conseillers régionaux et territoriaux. Je dois avouer que je ne me suis guère penchée sur le sujet. Je fais presque chou blanc à cette partie du questionnaire qui met en lumière mes lacunes sur la réforme territoriale.

Après cette longue journée, alors que j’ai laissé mon cerveau sur ma copie, je croise l’un de nos talentueux éditorialistes, Yacine, en bonne compagnie. A la faveur d’un rendez-vous professionnel top secret, mon collègue se promène avec la députée Elisabeth Guigou. Nous prenons le RER tous ensemble. On a beau faire nos blasés, c’est quand même la classe de partager un trajet de RER avec une ancienne ministre.

Je me réjouis de cette rencontre impromptue. Pourtant, ma mauvaise conscience, pour avoir fait des impasses, me rattrape. Alors que nous évoquons des sujets passionnants, Yacine fait son cuistre et ramène la discussion sur… la réforme territoriale ! J’écoute, fais semblant de tout comprendre. A défaut d’avoir les bonnes réponses, j’ai ma fierté.

C’est décidé, j’arrête de faire comme mon neveu et de boycotter les matières qui ne m’intéressent pas. Evidemment, si Elisabeth pouvait se libérer et me donner quelques cours, ce ne serait pas du luxe. En revanche pour les institutions européennes je pense arriver à me passer de l’aide de Rachida.

VENDREDI. Alors que la neige se déploie dans l’atmosphère et investit le moindre des recoins de la ville, on aurait vu un tennisman français fort talentueux (au moins 365e mondial au classement ATP) se jeter sur la poudreuse et s’en mettre plein le nez. La poudre blanche, ça lui rappelle de bons souvenirs, à Richard Gasquet.

Faïza Zerouala

Faïza Zerouala

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