Jeudi, 19h30, brasserie Le Murat, à Bondy. Nordine Nabili, directeur de l’ESJ-Bondy, s’empare du micro, salue Claude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois (93), l’invité de ce premier rendez-vous mensuel, le Club de la presse, « coproduit » par l’ESJ Bondy et le Bondy Blog. Pour interviewer l’élu : trois Bondy-blogueurs, Widad Kefti, Badroudine Said Abdallah et Mehdi Meklat ; Luc Bronner, du quotidien Le Monde, et Edouard Zambeaux, reporter à Radio France, tous deux spécialiste de la banlieue ; Rokhaya Diallo et Estelle Youssoufa, respectivement journalistes à Canal+ et d’Al Jazzera English.

Les trois Bondy-blogueurs se lancent : « Quatre ans après la mort de Zyed et Bouna et les émeutes qui ont suivi, où en est l’enquête ? » « On parle toujours autant de la mort des deux jeunes, c’est vraiment un traumatisme inoubliable, répond Claude Dilain. Tous les ans, une cérémonie en hommage à ces jeunes est organisée par leurs parents. Je trouve que c’est une catastrophe qu’on ne sache toujours pas où en est l’enquête. Sera-ce un non lieu ? Un renvoi en correctionnel ? On ne sait pas. Une instruction qui dure si longtemps est une honte. Le procureur dit que cela suit son cours… »

Que pense le maire du port du voile intégral ? « En tant que personne de gauche, j’ai une idée de la femme, de sa liberté, qui est en totale contradiction avec le port de la burqa, affirme l’élu. Le voile intégral, pour moi, ça n’a rien à voir avec la religion. Je parle peu avec quelqu’un dont je ne vois pas le visage. » L’un des blogueurs lui demande comment il réagirait sur une femme membre de son administration municipale portait le voile intégral. « Je lui demanderai de l’enlever, tranche Claude Dilain, par ailleurs médecin pédiatre. C’est impossible pour moi de travailler avec une personne qui incarne à ce point des valeurs contraires à l’idée que je me fais de la place de la femme en société. »

Au tour de Luc Bronner (à droite) de s’assoir à la table des questions : « La Seine Saint-Denis est en pleine explosion économique, mais il peut y avoir deux univers qui cohabitent à quelques centaines de mètres, l’un qui se développe, l’autre qui végète. Une cohabitation propice à des tensions. » Claude Dilain partage le constat du journaliste du Monde. « Le département a pris conscience qu’il devait y avoir un rééquilibrage, il faut une volonté politique et une adaptation des mentalités », répond-il. « Comment faire pour améliorer le niveau de formation des jeunes ? », enchaîne l’intervieweur ? « Le problème principal, estime le maire, c’est l’éducation et la formation, en effet. Il faut innover, réfléchir. Une classe censée comprendre 25 élèves n’en acceptera pas un 26e. Mais à 25, ça ne marche déjà pas ! Il ne peut y avoir un développement économique homogène dans toutes les communes de la France… »

Rokhaya Diallo (au centre), de Canal +, prend place : « Vous parlez de l’image, des réussites scolaires des jeunes de Clichy. Mais de quelle manière vous leurs permettez d’accéder à la politique de la ville ? » Réponse : « On ne force pas les gens à aller dans des espaces démocratiques mais pour qu’ils y aillent, il faut qu’ils y pensent. Ils y entrent à condition que cela leurs servent à quelque chose. La plupart des jeunes pensent que la politique municipale ne sert à rien. La seule question qui mobilise les esprits d’une partie de la population qui ne dit ne plus croire plus à la politique, c’est le rapport à Nicolas Sarkozy. Il n’aurait pas fallu que Nicolas Sarkozy soit élu président de la République. »

Edouard Zambeaux (au centre), journaliste à France Inter, animateur de l’émission « Périphéries » le dimanche à 13h20, se saisit du témoin : « 450 millions d’euros du Plan de rénovation urbaine ont été affectés à votre ville. Y avez-vous gagné ? » Claude Dilain : « Oui, on aura même un tramway, c’est bon pour le désenclavement. » Estelle Youssoufa, journaliste Al Jazzera English : « Une République qui a abandonné la banlieue, est-ce le résultat de l’idéologie sarkozyste ? – Oui c’est le constat des sociologues, répond le maire. Quand je vois que la ville la plus jeune du 93 qu’est Clichy n’a pas d’agence de Caisse d’allocations familiales, que le taux de chômage y est le double de la moyenne nationale, on ne peut que constater l’abandon de ces territoires, la République les a condamnés. »

Estelle Youssoufa (à gauche) provoque un peu son vis-à-vis : « Vous sentez-vous en partie responsable des émeutes de 2005 ? – Oui, bien sûr que j’ai une part de responsabilité. Je me sens même responsable des faits qui ont été commis ce matin (jeudi) où des boîtes aux lettres ont été vandalisées. Je ne suis pas le seul, mais bien sûr que je n’ai pas fait ce qu’il fallait, sinon il n’y aurait pas eu d’émeutes. Si on veut combattre l’insécurité, il faut qu’on se sente tous responsables et qu’on travaille ensemble. Je ne veux pas de police municipale. Le fait que la loi oblige une police de proximité à avoir des uniformes de la même couleur que celle de la police nationale prête à une confusion. Ça me choque énormément, même au niveau des voitures… »

« Et si Nicolas Sarkozy vous proposait de participer à l’élaboration d’une sorte de plan banlieue, le feriez-vous ? – Non, je ne pense pas… »

Inès El Laboudy

Inès El laboudy

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