Contrairement aux idées reçues, la deuxième ville la plus peuplée de Maliens après Bamako n’est pas Montreuil mais Ségou, au Mali. Et ce n’est pas à Montreuil non plus, où elle est née, qu’habite Bintou Tounkara, Miss Mali France 2010, mais à Belleville, un quartier populaire et désormais branché de la capitale. Agée de 19 ans, cette Titi parisienne porte bien son titre de reine de beauté. Elancée, apprêtée et maquillée avec élégance, Bintou arrive au rendez-vous, rayonnante, escortée par Jimmy, un fringant étudiant en droit, à peine plus âgé qu’elle, bénévole du pôle communication de l’association 2ème Génération, organisatrice de l’événement.

L’élection annuelle, une des manifestations les plus importantes pour la communauté malienne de France, a lieu en novembre. Quatre mois plus tard, Bintou ne semble toujours pas croire à son triomphe. Cette lycéenne scolarisée en terminale STG ressources humaines au lycée Simone Weil, dans le 3e arrondissement, décide un jour, au gré du hasard et du surf sur Facebook, de s’inscrire « sans penser une seconde » qu’elle pourrait gagner.

De parents séparés, elle est élevée avec ses quatre sœurs par sa mère qui est sénégalaise et voit en ce concours une occasion unique de se rapprocher de ses origines maliennes, celles de son père. De castings en castings, elle franchit toutes les étapes de la sélection. Comme pour la Miss France de TF1, un jury de personnalités évalue, scrute et jauge les douze finalistes mais la comparaison s’arrête là. Le thème de l’élection Miss Mali France 2010 est la sensibilisation aux risques liés à la dépigmentation cutanée à visée cosmétique. La soirée se veut en effet et avant tout un rendez-vous « citoyen, culturel, identitaire et solidaire ». Bien loin, dans ses principes, de l’élection TF1-Endemol…

Bintou croit savoir pourquoi elle a remporté le titre et ce qui a fait la différence par rapport à ses onze concurrentes. « Personne ne savait qui allait gagner car tout s’est joué au moment de la présentation du projet à mener en cas de victoire… » Et plutôt que d’axer son projet sur des actions de co-développement au Mali, Bintou préfère proposer une action locale : le soutien actif et régulier de la Miss Mali France 2010 aux travailleurs sans-papiers du chantier du tramway à la Porte des Lilas en grève et en lutte pour leur régularisation.

Avec son discours, Bintou tape dans l’œil du jury et voit son front se sertir du diadème de la princesse franco-malienne de l’année… « Quand j’ai entendu mon nom. Le monde s’est arrêté. C’était trop beau. J’étais très surprise aussi, la plus de toutes je crois. Et puis c’était fort en émotions car ma maman était hospitalisée et mes proches et moi, on a tous pensé à elle à ce moment là… » Depuis cette soirée mémorable, elle note des changements : « Déjà, j’ai plus confiance en moi, je me trouve plus jolie. Ça n’a pas radicalement changé ma vie mais ça m’a changé moi. J’ai évolué… »

La lauréate gagne aussi le privilège de représenter la diaspora malienne à l’élection de Miss Mali à Bamako. Pour des raisons d’agenda, Bintou n’a pas pu s’y rendre pour l’édition 2010. Jimmy explique que les Miss Mali France remportent, certes, souvent le prix de l’éloquence, mais encore jamais le titre de Miss Mali nationale… Pas de regrets à avoir.

Et Bintou, est-elle tentée de continuer l’aventure en s’inscrivant à Miss Afrique ou à Miss France via l’élection de Miss Ile-de-de-France ? « Non, ça ne m’intéresse pas. Pour moi, j’ai déjà tout gagné car j’ai renoué avec ma culture malienne. Je me sentais déjà franco-sénégalaise mais maintenant, je suis aussi franco-malienne. C’était mon but. Même mes sœurs se sont rapprochées de leurs racines maliennes grâce à mon élection. Et puis pour l’occasion, j’ai aussi appris toutes les danses traditionnelles, la géographie, l’histoire du pays… », se rappelle-t-elle encore avec un grand sourire.

En plus de la solidarité, la valorisation de la notion de double culture est le maillon essentiel de l’élection de Miss Mali France. Pour preuve, la soirée débute par une invitation à chanter les deux hymnes nationaux : « Les gens chantent d’ailleurs plus la Marseillaise car ils la connaissent mieux que l’hymne malien… », commente Jimmy. Quant on demande à la jeune fille si elle a entonné les hymnes nationaux, elle rétorque aussitôt : « Non ! J’étais en coulisse super stressée avec toutes ces tenues à enfiler… » Les vêtements portés par les candidates symbolisent aussi cette double culture mise en exergue. Les miss défilent avec des habits de la trentaine d’ethnies du Mali en alternance avec des robes de soirée françaises.

Avec son statut de Miss Mali France 2010, Bintou a un planing désormais bien rempli. Elle participe par exemple à des soirées organisées à l’occasion d’un match Mali-Angola ou de l’élection de Miss Soninké, une ethnie malienne. Elle compte aussi très bientôt retourner soutenir les travailleurs sans-papiers du chantier du tramway de la Porte des Lilas. Juste retour des choses. Ils lui ont porté bonheur et permis de remporter lors de cette élection, un superbe lot offert par un sponsor, elle qui se verrait bien un jour embrasser la carrière d’hôtesse de l’air. Grâce à eux, elle a gagné un voyage dans un pays qu’elle rêve de visiter depuis longtemps mais où elle n’a encore jamais mis les pieds… le Mali.

Sandrine Dionys

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Photos : Copyright : Association 2ème Génération 
Photographe : David F.Perez 
Maquillage : Delphine Guardia
Coiffure : Kayema

Sandrine Dionys

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