Le transatlantique. LOOK. 80% hip-hop, 10% skateur, 10% rock, son style, c’est son univers. Emprunté pour beaucoup à  « ce qui se fait de mieux dans le genre aux Etats-Unis ». Mélange de conventionnel et de non conventionnel, le look d’Atef, 21 ans, est singulier. Dans sa penderie, c’est une collection de jeans, gilets, et chemises, en somme, tout ce qu’il y a de plus ordinaire, mais c’est avec les couleurs et les associations qu’il se distingue. La fluorescence ne lui fait pas peur, la bizarrerie non plus. Son accessoire fétiche, la montre flashy, dénichée dans une boutique. Son grand plaisir, les mélanges : une cravate classique nouée sur une chemise à carreaux, voilà ce qui l’amuse. Et pour décider le matin de sa tenue, un seul critère : « Est-ce que ça me plaît à moi ? »

PHILOSOPHIE. Pour Atef, « on est là pour s’enrichir intellectuellement ». Sa petite devise, il la retient de ses années lycées : « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. » « J’ai en horreur ceux qui prétendent tout savoir, dit-il. Le propre d’un débat c’est de discuter pour enrichir sa réflexion, pas forcément et systématiquement de prouver que l’on a raison. »

MUSIQUE. De son armoire à son iPod, il n’y a qu’un pas. Là aussi, il faut aller, au minimum, outre-Manche. Notorious BIG, Jay Z, Oasis, Green Day, Ray Charles, Erykah Badu, Lili Allen, voilà la Playlist d’Atef. Tout en haut, Kanye West. Sa chanson préférée du moment – « ça change tous les mois » – c’est « You can’t tell me nothing ». En France, le seul rappeur qui l’intéresse c’est Disiz la Peste. Et là, Atef a de quoi débattre. « Les rappeurs français, à quelques rares exceptions comme Disiz jsutement, sont subversifs pour rien. Ils en deviennent prétentieux. On le sait, le seul moyen de vivre avec tes défauts c’est de les glorifier. C’est ce qu’ils font. Ils cultivent un clivage. Disiz la Peste je l’apprécie pour son aptitude à dépasser cela. Il fait état de certaines inégalités non négligeables. Mais il critique aussi les travers de ceux qui ont grandi comme lui et ont tendance à se complaire à tenir les murs, à glorifier le fait de ne rien faire pour s’en sortir. »

Joanna Yakin

Le Coran dans l’iPod

LOOK. Trouver l’équilibre entre la foi et la mode ? Gros dilemme pour la jeune voilée. Son look se traduit par des tenues amples et discrètes. Au programme, ce sera : jupe longue, tunique, trench et ballerines. Les magasins ayant fait une croix sur la jupe longue, direction les commerces turcs. A défaut, les magasins par correspondance comme La Redoute ou Quelle proposent de longs jupons, à partir de 30 euros. Pour les petites bourses, ce sera le marché ou priez votre mère de se mettre à la couture !

PHILOSOPHIE. Plutôt positive, ambitieuse et réaliste. Elle n’est ni matérialiste ni carriériste et ne se résout pas à être mère au foyer. Pas de prise de tête, à chaque problème sa solution, et sa foi la porte toujours vers de meilleurs horizons. Elle prend la vie comme elle vient, avec légèreté, et quand le souci l’atteint, elle s’en remet au Divin. Pudique, généreuse, gentille et tolérante, tels sont ses attributs. Loin d’être parfaite, elle travaille sur elle-même afin de corriger ses défauts.

MUSIQUE. Dans l’iPod de la jeune voilée, le Coran et ses 114 sourates occupent la première place. Elle a de quoi méditer et mettre en application ces paroles. Viennent ensuite des anacheeds (chants religieux), faisant l’éloge de la personnalité du Prophète, ou célébrant les attributs de Dieu. Ces chants l’apaisent, lui redonnent le sourire et contribuent à augmenter sa foi. Si ce n’est pas les anacheeds, ce sont les dourous (littéralement des leçons), avec lesquelles son savoir en religion s’accroît. Il arrive que dans la playlist de son MP3, le thème religieux côtoie hip-hop, rap, R&B et autres musiques profanes. C’est le choix de chacune.

Silvia Sélima Angenor

Très bon chic, très bon genre

LOOK. Chic, élégant, propret, le style banlieusard chic se répand à la vitesse grand V. Souvent le signe de l’entrée dans la vie active, il nécessite un budget assez conséquent. Cyrille, 26 ans, maquettiste, porte un trench crème, une chemise et un gilet achetés chez Brice. Un pantalon de marque WE et un chapelet autour du poignet offert par un moine bouddhiste lors de son voyage en Chine.

PHILOSOPHIE. Calme, serein, Cyrille est de nature à tout relativiser. Pas stressé pour un sou, il prend la vie comme elle vient. Ouvert aux cultures et au monde qui l’entourent, il est adepte de voyages, Inde, Chine, Afrique du Sud, Etats-Unis, des pays qui l’ont nourri. Sa philosophie de vie, en deux mots : carpe diem.

MUSIQUE. « Let’s get it on », de Marvin Gaye. Ce fils de pasteur, régulièrement battu lorsqu’il était enfant, a réussi à faire de la musique qu’il écoute une échappatoire et un exutoire. Marvin Gaye, l’une des plus grandes stars de la soul, les artistes de la Motown, les grands classiques des années 60, forment l’univers de Cyrille.

Widad Kefti

La collégienne : jamais sans son Berschka

LOOK. Au printemps, la tendance pour une fille c’est : jean slim, baskets ou ballerines, petit haut fin (sous pull), petit gilet en laine. Le tout bien entendu dans les mêmes tons. Honte à celles qui portent un « cartable » (sac à dos), à moins qu’il soit bien porté c’est-à-dire sur une épaule. En général, le sac à main vaut sac de classe, du Longchamp pour les filles gâtées, du H&M pour les filles « normales », un sac bon marché (celui qui craque à longueur d’année).

Les jours de sport, la collégienne a un look plus détendu : bas de jogging Adidas original (le droit avec 3 bandes sur les côtés), de couleurs différentes, avec un sweat ou bien un sous-pull passe partout, assorti avec le bas et les baskets. Kristina, qui représente à elle seule le look type d’une collégienne, me lance en rigolant : « Chez H&M et Bershcka, les prix restent corrects, pendant les soldes, tu peux trouver des trucs pas chers. Mais si tu vas chez ZARA, tu pètes un câble ! Même pendant les soldes, tu veux t’acheter un leggin, c’est minimum 20 euros ! »

PHILOSOPHIE. La collégienne a une maxime : « Ce n’est pas le confort qui compte mais l’apparence. » Le but de la collégienne de 15 ans sérieuse : avoir son brevet en fin d’année ; celui de la collégienne moins sérieuse : être la plus fashion de la classe.

MUSIQUE. Les collégiennes écoutent un peu tout ce qui sort : R&B, soul, pop… Parfois même le rap de nos camarades garçons de classe. Ça dépend de l’humeur du jour et du style du chanteur ou de la chanteuse, parce que ça compte aussi, le style. En ce moment, par exemple, Sexion d’assaut et sa casquette à l’envers cartonnent, Diam’s ne perd pas sa place de numéro 1. Plus classique : la reprise de « We are the word » pour Haïti. Chez les garçons de ma classe, pas de surprise : c’est rap, rap et rap !

Sarah Ichou

Rose Congo

LOOK. Bibiche a 28 ans et trois enfants. Elle habite la Plaine-Saint-Denis (93). Cette Congolaise aime les couleurs vives et flashy. Elle porte ici un vert acidulé avec des petites tongs bleu turquoise. Ce qui fait son style, c’est sa coupe de cheveux et son maquillage ! Bibiche fait partie de cette génération de femmes, le plus souvent congolaises ou zaïroises, qui osent les coiffures colorées. Elle met du bleu, du rose, du blanc et du violet dans ses cheveux ; le blush rose bonbon et son fard à paupières bleu pastel ainsi que son piercing ne passent pas inaperçus. Elle ajoute des mèches orange, jaune et rouge. Son sarouel noir et son sac beige sont des pièces de marque qu’elle a dénichées dans l’un de ses nombreux quartiers fétiches.

PHILOSOPHIE. Elle est sans-gêne, sans complexes et assume ses formes. Pour ses coiffures et manucures, elle va à Château d’Eau, à Paris. Son passe-temps favori c’est le shopping avec ses amies toutes aussi fashion qu’elle. Ses adresses ? Les Galeries Lafayette, les magasins Camaïeu et Etam ainsi que Val d’Europe. Elle s’équipe dans des magasins de dégriffes pour chopper des vêtements de qualité et de marque. Les Congolaises sont réputées pour aimer les couleurs et les vêtements chics ! Cette jeune femme épanouie et pleine de gaîté ne compte pas arrêter sa folie colorée, mais comme elle le dit : « Peut-être qu’avec l’âge, je me calmerai. Pour le moment, je profite de la vie ! »

MUSIQUE. Un look pareil ne serait rien sans la musique qui va avec. Bibiche adore la musique et ne peut s’en passer ! Le hip-hop, c’est son dada. Rnb, rap, coupé-décalé, musiques congolaises, pratiquement tous les styles musicaux passent par ses oreilles. Elle esquisse même un petit déhanché pendant qu’elle m’énumère ses goûts musicaux.

Inès El Laboudy

Mister « A »

LOOK. Alors que de nos jours le jean délavé et le tee-shirt rose floqué d’un slogan festif ont trouvé leur place dans les gardes robes des quartiers, je suis un vestige des temps anciens. Je suis celui qui a dit non ! Non à la crête, non au gel, non au jean taille basse qui laisse apparaître le caleçon. Mon style en fait glousser certains à la rédaction, chaque fois que je franchis la porte d’entrée, tous s’interrogent : « Mais que va-t-il nous sortir aujourd’hui ? » Quand j’ai débarqué en survêt beige peau de pêche, ils m’ont vanné, les rigolos.

Je suis la synthèse entre le Prince de Bel Air et Salif Keyta. Des jeans ou survêtements amples permettant une parfaite mobilité à tout instant, des baskets bien sûr, et accessoirement des références à ces terres africaines où je suis né : une sacoche en peau de chèvre qui pend au cou en guise de bling bling, des tuniques marocaines avec de magnifiques motifs brodés, ou alors un tee-shirt « United States of Africa ». Tout ceci haut en couleur, et pour parachever l’ensemble, une casquette rouge New Era (que m’a ramenée mon frère des States) vissée sur la tête avec un « A » identitaire renvoyant à mon prénom.

PHILOSOPHIE. Mon style vestimentaire trouve son origine dans ma spiritualité. Il n’est donc pas anodin que je porte des vêtements larges. Souvent, on croit que seule la femme dans dans l’islam se doit de cacher ses formes, or c’est également un devoir pour monsieur. Ainsi se rejoignent plaisir matériel et aspirations ascétiques. Je vis avec mon temps, un œil vers l’avenir, un autre dans le rétro des fondements et des bases de vie datant de plus de 1400 ans, faisant de moi une créature intemporelle et libre.

MUSIQUE. Booba, Rohff, La Fouine, Snoop Dogg, The Game… Sûrement allez-vous me rapprocher de ces artistes en raison de mon style. Vous avez tout faux ! Prenez un sac poubelle et mettez-y tous ces chanteurs rappeurs ! Il y a un moment déjà que j’ai banni l’influence du rap dans ma vie. Quand on est jeune, c’est frais, simple, et funky. Mais en grandissant, on se rend compte de la carotte que représente cette illusion nommée « rap », qui reprend l’essence humaine de nos quartiers populaires pour la transformer en billets violets. Aujourd’hui, la musique hip-hop ne me sert qu’à monter mes reportages vidéos et rien d’autre…

Aladine Zaiane

Le rebellista

LOOK. « Non, je veux pas m’habiller comme les autres qui sont tous habillés de la même façon », lâche Rabah, 19 ans, en terminale littéraire. Alors, il jette dans la corbeille comme dans une oubliette : les pantalons en peau-de-pêche (« comme Diam’s »), le pantalon blanc (« comme les faux crooners ») et les pulls estampillés 9.3 (« comme… moi »). Sa sacoche en cuir, il l’a dénichée « dans une friperie pour 10 euros ». « Avec, il faut un jeans clair ZARA très basic et des chaussures marins qu’on trouve en friperie aussi. » En fin de compte, il est peut-être comme d’autres. Sauf que lui, pour marquer sa différence, nouera un nœud en soie noire autour du cou. « La mode, c’est tellement personnel à chacun. Pas le droit de recopier ! »

PHILOSOPHIE. Quand on lui demande de poser, un instant, sous le flash explosif de l’appareil, il dit : « Prenons-la ici, dans le rayon jambon du Monoprix. » On lui dit qu’il est fou, qu’on n’y voit rien. Lui réplique que c’est drôle. Et puis, il renonce. Ce rebelle se raisonne. Sinon, à part la fraîcheur des rayons, il aime la chaleur de la nuit. Et se passionne pour la mode. « C’est un truc magnifique et qui a comme grand intérêt de ne servir à rien. » Plus tard, il veut être styliste. Comme peu…

MUSIQUE. Il exile Booba à la casbah et envoie Soprano dans les profondeurs marines avec un boulet à la cheville. Si les musiques se commandaient sur un plateau d’argent, il dirait « un Beyonce, cru 2010 ». Parce qu’il l’« adore ». C’est son « idole ». « Pour un style comme le mien de citadin branché, dit-il en toute modestie (sa spécialité), il faut éviter le classique. Ecouter ce qui se fait, un peu partout. Pour être accordé au look : branché. » Alors il écoute Beyonce, l’assume et dit à ses amis que « les rappeurs, ça compte pour du beurre ».

Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah

Sarah Ichou

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