JANVIER. L’année commence d’un bon pied. Un tremblement de terre ravage Haïti. Bien sûr, dans un élan de solidarité on voit aux infos des scènes de chaos, des enfants, des familles en train de mourir. C’est la règle, on peut voir des morts tant qu’ils ne sont pas Européens ou Américains. Et pour les achever des stars américaines ont même pondu une reprise de « We are the World » avec Justin Bieber, Miley Cyrus, l’un des Jonas Brothers et d’autres stars indispensables comme Céline Dion.

Il faut dire que la présence des idoles boutonneuses des moins de 8 ans dans ce beau projet humanitaire donne tout de suite envie de l’acheter et de soutenir par ricochet ceux qui ont tout perdu. Mais ce que les initiateurs de cette reprise collégiale n’ont pas compris c’est que si c’est mauvais, solidarité ou pas, personne ne l’achètera. Et puis qui a envie de subir une greffe des tympans de son plein gré ?

Pourtant ça fait des années que l’on participe de près ou de loin au sauvetage des enfants qui meurent de faim, de soif, de la guerre, de maladie (ne pas rayer la mention inutile). J’ai même jadis acheté un paquet de riz à la demande de Bernard Kouchner qui, il faut le dire, vieillit mal. Pour les sauver, il faudrait tous les adopter, en fait. Moi, bien que je ne sois pas fan d’Angelina Jolie, j’ai envie d’adopter toute une tripotée de gamins. Non pas que mon instinct maternel se soit réveillé. Le déclic s’est produit lorsque j’ai lu la notice biographique de Steve Jobs, le patron d’Apple. L’information principale n’est pas la sortie de l’iPad mais qu’il a été adopté après avoir été abandonné par ses parents biologiques. Quand on voit les millions qu’il brasse, le Steve, ces derniers doivent s’en vouloir chaque jour d’avoir perdu la poule aux œufs d’or.

FEVRIER. C’est mon mois préféré, celui de mon anniversaire. J’aime cette journée où je suis la star et encore plus reloue que d’habitude il faut le dire. Enfin non, je me plains moins de la difficulté de la vie. Et je mange quantité de bons gâteaux, sucrés et bien gras, qui donneraient une crise cardiaque au Dr Dukan. Sans compter les merveilleux cadeaux reçus à cette occasion. J’ai l’impression d’être Paris Hilton. La blondeur et la bêtise en moins. Bien entendu que ce soit mon anniversaire n’intéresse personne, même pas ma mère pour qui cet accouchement ne figure pas au panthéon de ses meilleurs souvenirs au prorata de la douleur ressentie. Mais elle était heureuse de ma naissance, m’a-t-elle dit, pour m’éviter douze ans de psychanalyse.

Ce qui va me conduire tout droit à la psychanalyse, c’est la Saint-Valentin. Comme tous les ans, on nous bassine avec la fête des amoureux. Je déteste. Les radins diront que c’est une fête commerciale pour éviter l’achat d’un cadeau dispendieux. Les autres enverront leur bonheur ostensible à la figure de ceux qui sont seuls. Mais je prie pour que les JO de Vancouver sèment la zizanie dans les couples. Ça leur fera les pieds à ces couples soudés à la guimauve.

Génétiquement les mecs sont des journalistes de L’Equipe ratés et programmés, sauf exception, pour pouvoir regarder n’importe quelle compétition à la télé, Tour de France inclus. Les JO d’hiver, c’est vraiment un événement à ne pas rater si on s’ennuie beaucoup dans la vie. Je tolère, allez savoir pourquoi, le patinage artistique. Comme il ne faut pas tirer sur l’ambulance, on n’évoquera pas les tenues qui font mal aux yeux. Le clown Zavatta a porté plainte pour plagiat.

MARS. Mars, c’est le printemps. C’est aussi la Journée de la femme, ce moment béni où on dit le plus de mensonges sur les femmes et l’injustice qui leur sont faite au quotidien alors qu’elles sont les mères de l’humanité. Bon d’accord, c’est la deuxième journée après la Saint-Valentin et sa horde de déclarations d’amour éternel et autres bêtises de ce genre.

Comme le communisme ou l’humanitaire, la Journée des femmes est une bonne idée pleine de sentiments nobles qui ne survit pas à la réalité. A cette occasion, j’ai écrit un article dans Le Monde. Le plus beau jour de ma vie. Je me dis que maintenant que j’ai signé dans le grand quotidien du soir comme disent les vieux, je peux mourir. Petite, je voulais écrire dans Le Journal de Mickey. Mon idole c’était Picsou, vous savez ce Bettencourt avant l’heure. Puis j’ai revu mes exigences à la hausse. Les articles sur « Comment empêcher que ton cochon d’Inde ne meure dans d’atroces souffrances en n’oubliant pas de le nourrir » ont un attrait limité après un certain âge.

Mars fut aussi le mois des Etats Généraux de la femme organisés par le magazine Elle. Mais si, vous savez, ce magazine où quand je parcours les pages mode, je prie pour que les prix des supers vêtements présentés soient en roupies, pour justifier le nombre indécent de zéros derrière le premier chiffre… En France, on adore les Etats Généraux. Ça et les Grenelle. A venir, le Grenelle des Etats Généraux pour être sûrs que le message passe.

J’ai participé aux tables-rondes très intéressantes mais là ce fut le drame. On n’a abordé que les problèmes les plus graves: comment gérer sa vie privée et son travail (facile, faites comme moi, je n’en ai pas), comment partager son temps entre son homme et ses enfants (facile, faites comme moi, je n’en ai pas), la burqa, les troubles alimentaires, les régimes (refuser les trois), le partage des tâches (science-fiction). Mais aussi comment appréhender l’allaitement des enfants (vive le lait maternisé), le sexisme au travail (ne travaillez qu’avec des femmes, quoique ça puisse être pire). Bref nous n’avons même pas parlé vernis à ongles, ni du dernier sac Chanel et de son prix en roupies. De quoi dégoûter des enfants, des hommes, de la vie.

Voilà qui ébranle l’une de mes certitudes les plus profondément ancrées, à savoir la devise de Barbie que je me répète : « C’est tellement mieux d’être une fille. » Pas sûre qu’une femme après un accouchement, ce pseudo plus beau jour de la vie, adhère à cette maxime… Pire, ces Etats Généraux de la femme remettent en cause mes velléités d’adoption de petits Haïtiens.

AVRIL. Un peu de fumée, quelques cendres : voilà comment pourrir les vacances de millions d’Européens. C’est le genre d’histoire hautement improbable. N’importe quel devin, plus connecté aux astres que Paco Rabanne, l’aurait annoncé, qu’on lui aurait ri au nez. « Un volcan islandais en éruption va vous empêcher de vous rendre aux Bahamas », aurait prophétisé la Cassandre. Aussi abracadabrantesques qu’un président qui épouserait un ex-mannequin ou qu’un acteur d’origine autrichienne élu gouverneur de Californie.

Mon seul défi dans l’histoire c’est de retenir le nom du volcan trouble-fête, Eyjafjallajokull (mot compte octuple au Scrabble qui semble avoir été inventé juste pour embêter les journalistes qui ne savent ni l’écrire et encore moins le prononcer). Cela aura eu le mérite de faire connaître l’Islande, sous un autre prisme que celui de Björk. Vivement que les volcans du Bhoutan, du Honduras ou du Malawi se manifestent… Ce qui est drôle c’est de voir comment un volcan islandais influe sur la vie d’un Italien, d’Américain ou d’un Français. L’effet papillon, c’est un concept drôle quand on ne le vit pas.

Tout le monde a flippé de ne pas pouvoir partir en vacances. C’étaient les vacances de Pâques et les gens qui ont une vie bien plus sympa que la mienne avait une folle envie d’aller à New York, à Jérusalem ou en Chine. Je n’avais jamais remarqué à quel point mon entourage avait la bougeotte. Je suis entourée d’émules de Dora l’Exploratrice. Moi je n’en ai cure que les avions ne décollent plus, le plus loin que je sois allée pendant ces vacances c’était à Bondy, c’est dire.

Ce mauvais plan du volcan ressemble furieusement à un rebondissement tout pourri d’un téléfilm ou d’une série télé qui veut reconquérir une audience qui chute. Rien ne vaut un élément dramatique, comme une éruption qui paralyse tout un continent. Puis vient le sauveteur, deus ex machina, qui règle tout en un coup de cuillère à pot. Il faut dire que les volcans en France sont étroitement associés à deux choses. Les volcans d’Auvergne de la pub pour l’eau Volvic et Valery Giscard d’Estaing, qui entre deux rendez-vous galants avec Lady Di ou deux cours d’accordéon, a trouvé que ce serait un bon usage de l’argent public (Jean-Pierre-Pernaut-de-combien-ça-coûte sort de ce corps) d’ouvrir l’indispensable parc Vulcania, portant sur les mêmes volcans d’Auvergne.

Chez moi les volcans éveillent des souvenirs traumatiques. Ils me rappellent ces longs et interminables après-midis passés à l’insu de mon plein gré à visionner les documentaires de feu Haroun Tazieff, le seul mec qui, à la case profession sur sa déclaration d’impôts, avait « vulcanologue ». D’ailleurs, on l’attend toujours le Haroun Tazieff, pour nous expliquer comment arrêter les crachats de fumée toxique. Il a un gros empêchement, certes, mais ce n’est pas une raison…

MAI. Je crois au karma. La Grèce ne pouvait s’en sortir plus longtemps à si bon compte. Certes cette glorieuse nation nous a offert les tragédies antiques qui ont inspiré tout les soap opéras modernes. Sans Sophocle et consorts, il n’y aurait pas eu « Les Feux de l’amour ». « Kimberly tu es amoureuse de Bradley mais tu ne peux l’épouser car il fait partie de la famille rivale qui nous a maudit pour cinq générations. D’ailleurs, il faut que tu le saches, ta mère a eu un enfant caché avec l’un des leurs. Et cet enfant c’est celui que ta demi-sœur veut épouser. » Le tout s’arrêtant sur le visage hébété par cette révélation pétaradante, nécessaire pour accrocher la ménagère et être sûr qu’elle sera au rendez-vous le lendemain et les prochaine vingt-huit années.

La Grèce c’est aussi le pays qui a enfanté Nikos Aliagas, Nana Mouskouri, George Michael (de son vrai nom Georgios Kyriákos Panayótou, avec un tel patronyme, aucun doute sur son hellénisme) ou Demis Roussos. Et ça, un jour, cela doit se payer. Au sens figuré. De toute façon au sens propre ce n’est pas possible parce que la Grèce est ruinée. Si on les avait punis, qu’on n’ait pas fait une collecte, ils seraient vraiment mal. 90 milliards d’euros, la tontine, quand même. L’Union européenne ça fonctionne mieux que la coopérative scolaire à l’école pour les sorties. Tous les trimestres la maîtresse nous rackettait pour soi-disant financer des sorties fantômes. Je suis sûre qu’elle se payait des vacances en Grèce avec le magot.

Pauvres Grecs, c’est le cas de le dire, s’ils étaient sortis de l’euro ils auraient dû se trimballer avec une brouette pour acheter un peu de pain. En même temps, on flambe mais on n’est pas mieux lotis. Les comptes de l’Etat sont aussi vides que les textes des chansons de Christophe Maé. Cela me rassure, et je me sens très solidaire avec le gouvernement. Le problème c’est que nous, niveau îles, on est mal lotis. Les Grecs pourraient en vendre quelques-unes pour s’en sortir, y’en a beaucoup qui ne servent à rien.

Nous, on pourrait vendre la Corse, le cas échéant. Il faudra en expulser Patrick Fiori, le ressortissant corse le plus célèbre, parce qu’à cause de lui, le prix de vente risquerait de chuter et ne se conclura qu’avec un acheteur qui voudra régler en roupies (je me rends compte que je suis très méchante avec certains chanteurs). On me signale qu’une certaine Liliane Bettencourt, membre éminente des acheteurs d’îles anonymes, pourrait se porter acquéreur. Adjugé vendu.

JUIN. En théorie, un mois agréable. Annonciateur des grandes vacances, le soleil pointe son nez et baigne les terrasses des cafés (moyennant un demi-Smic à Paris) qu’on peuple allègrement. On lézarde sur les pelouses des parcs les après-midis. On organise des pique-niques. Les balades sur les quais reprennent de plus belle. La vie imaginée est tellement mieux que la vie réelle et cela se vérifie encore. Juin, pour les étudiants cela équivaut à partiels ou concours. Même les collégiens passent le brevet et maintenant pour les préparer à la vie de concurrence qui les attend, ils ont même des mentions. A les voir mourir de peur avant ce premier examen, on a l’impression que l’avenir de l’humanité réside dans leur capacité à résoudre une équation à deux inconnues ou à écrire une dictée sans le moindre « lol », « mdr » ou mot en langage SMS.

Pour les partiels le problème est assez simple : réussir à ingurgiter un programme dans une matière qu’on découvre et parvenir à faire des impasses intelligentes pour limiter la casse. N’est pas Paul le Poulpe qui veut, c’est souvent une stratégie kamikaze car on tombe toujours sur le chapitre qu’on n’a pas eu le temps de réviser. C’est aussi un mois miné puisque l’étudiant en juin culpabilise tout le temps. Il regrette d’avoir pris une douche, d’avoir déjeuné sans avoir écouté la radio, d’avoir fait une pause de 1 minute 37, le temps de boire un verre d’eau dans la cuisine et de se dégourdir les jambes. De ne pas aller assez vite dans le rattrapage de son retard. De ne pas avoir relu ses cours, ses fiches chaque soir selon les termes du pacte conclu avec lui-même. De ne pas être un hacker et de ne pas avoir piraté l’ordinateur de ceux qui conçoivent les sujets. D’être un procrastinateur professionnel. De passer plus de temps à se dire : « c’est bon je m’y mets » que de s’y mettre effectivement.

Je pourrais continuer à noircir des pages et des pages tellement j’ai usé de tous les stratagèmes pour tenter de survivre dans la jungle universitaire. Après une vague tentative d’incursion dans la vie active (le monde merveilleux des stages, si gratifiants), je me retrouve à passer des concours. Qui dit concours dit compétition. Et avoir envie de faire un remake de « Bowling for Columbine » dans le centre d’examens, histoire d’éliminer quelques personnes qu’on croise à chaque concours.

Les gens font semblant d’avoir su répondre à toutes les questions tordues qui ont germé dans un esprit malade. Franchement qui connaît toutes les devises des pays de l’Union européenne? Sûrement ceux qui ont lu leurs fiches surlignées, parfaitement écrites, classées dans l’ordre alphabétique et chronologique, jusqu’à la dernière seconde avant le début de l’épreuve. Le pire, ce n’est pas d’être confronté à sa propre ignorance, après plusieurs épreuves à se demander de quoi il retourne (je veux être journaliste, moi, pas Prix Nobel d’astrophysique), non, le pire c’est d’entendre les commentaires à la sortie. Des candidats emplis de morgue et un peu têtes à claques, disons-le : « Oh c’était super simple », « Je me suis amusé pendant cette épreuve. » Soit on n’a pas passé la même, soit il s’agit de mythomanes profonds qui réaliseront des reportages bidonnés à l’aide de fixeurs eux-mêmes mythomanes quand ils seront grands. En tout cas, j’ai comme l’impression que ce n’est pas eux qui iront prendre la relève d’Hervé et Stéphane. Moi-même, je ne suis pas certaine que je la prendrais, même pour voir.

JUILLET. La Coupe du monde touche à sa fin. Hourra, les gens vont enfin parler d’autre chose que de foot. Pas de suspense inutile, on a perdu. Et l’Algérie était qualifiée. Les Algériens n’ont pas été aussi fiers depuis que le Selecto, leur Coca national qui a réussi son implantation dans tout les grecs de France. Il faut admettre que nos joueurs de l’EDF n’ont pas fait d’étincelles. Résultat : on a plus glosé sur les ballons de foot de Zahia que ceux qui ont été mis au fond des filets. Ils ont régalé les fabricants de casques auditifs puisque les Schtroumpfs (Zahia est la Schtroumpfette, la seule fille pour un groupe de mecs) ont fait de la publicité clandestine pour ces accessoires qu’ils ont arborés à peu près tout le temps. Des vrais gamins mal élevés qu’on a eu tous envie, avouons-le, de frapper à coup de vuvuzelas.

Notre joyeuse équipée a aussi démontré que l’esprit de Robespierre, Danton, Marat et consorts n’était pas mort. Ils ont fait leur révolution contre Domenech. Manquait plus que sa tête exhibée sur une pique… Mieux, nos joueurs ont fait un clin d’œil appuyé à Bernard Thibaut en important la grève sur le territoire sud-africain. Français=grève. Ne leur jetons pas la pierre, ils n’ont pas chômé, ils ont fait la promotion de la langue française et de la poésie à l’étranger. Nicolas Anelka étant le meilleur ambassadeur de la francophonie a su mettre en mots ce que son cher entraîneur lui inspire, je cite : « Va te faire ****** sale fils de **** ». Gilles de La Tourette serait fier de son disciple. Et après on ose dire que la France n’est plus à la hauteur de sa réputation de pays de la littérature et des Lumières.

AOÛT. L’été, le casse-tête, quand on est journaliste, c’est de traiter les fameux marronniers. Cela ne me concerne pas encore mais le bon vieux Brice Hortefeux a offert à la profession une manière de parler des vacances sous un nouvel angle. L’ami Jean-Pierre Pernaut exulte. Il va pouvoir parler de long, en large et en travers des camping-cars qui voguent à travers nos belles campagnes françaises. En l’occurrence, ça va être plutôt comment protéger son camping-car quand on est Rom puisque la mode, cet été-là, c’est la chasse aux Roms, moins réglementée que la chasse au trésor ou la chasse à courre. Mais que ceux-ci se consolent, ils vont pouvoir participer aux chassés-croisés des vacanciers ou attendre leurs avions en priant pour qu’un volcan islandais se mette à cracher des nuages de cendres et empêchent ainsi leur voyage de retour vers la Roumanie ou la Bulgarie, payés par Tonton Brice et Tonton Eric. Pour les Roms, c’est Noël en août.

Mais comme rien dans ce monde n’est gratuit, pas même la gratuité, une contrepartie s’impose. Mineure, certes mais quand même : il faut « avoir commis des atteintes aux biens ou des fraudes » pour bénéficier de l’offre providentielle. Ne blâmons pas Brice et Eric : nos charters opérateurs ont dû mal lire les notices Wikipédia sur les Roms et les ont confondus avec les « gens du voyage », qui eux possèdent la nationalité française. L’appellation les aura induits en erreur…

Je dois confesser que cette affaire de Roms me met mal à l’aise. J’ai l’impression qu’un vœu malencontreux formulé sous le coup de l’exaspération s’est réalisé. On a tous, en empruntant le métro (à Paris, bien sûr, where else ?) – la tête à l’envers par nos nuits trop courtes et trop froides, dégoutés d’aller en cours, au travail, au Pôle Emploi –, subi l’agression auditive d’un gentil Rom. Quand je tombe dans le wagon avec les chanteurs qui mettent soit O-Zone, ce groupe d’ados moldaves qui psalmodiaient juchés sur les ailes d’un avion dans leur clip, soit du rap roumain sur un son de Dr Dre, je pense que je suis maudite et me dit qu’on ferait mieux de les expulser, les Roms. Paroles très vite regrettées. Allez, je vais souhaiter que George Clooney me demande en mariage…

SEPTEMBRE. Burqa, burqa pas. Burqa pas. En France, on sait se focaliser sur les choses qui comptent. Après des mois de débats aussi passionnants que l’histoire de la pêche à la mouche dans le Périgord au Moyen-âge, c’est fait. Le Parlement a définitivement adopté le projet de loi sur l’interdiction du port du voile intégral dans l’ensemble de l’espace public. C’est officiel donc le port du voile intégral est proscrit de l’espace public. Les dissimulations du visage pour cause de carnaval, festival ou soirées échangistes reste permis. Voilà qui va contrarier les plans de quelques mamans qui avaient prévu d’acheter un voile intégral à leurs enfants comme vêtements de rentrée. Pouvoir d’achat en berne oblige, en coma végétatif même, un mètre de tissu ça coûtait toujours moins cher qu’un tee-shirt Dora l’exploratrice. Encore un peu et les Grecs vont s’y mettre, à la burqa…

La seule alternative pour les ayatollahs de la burqa c’est de se promener avec un masque chirurgical façon Japonais obsédé par les microbes de l’air. Ou de se la jouer super héros et d’arborer la cagoule de Spiderman. Au quotidien, je ne suis pas sûre que ce soit esthétiquement acceptable, parce qu’il faut en convenir, le bleu et le rouge c’est difficile à assortir. La burqa aide surtout à cacher un physique ingrat, le genre de têtes non homologuée par le syndicat des gens beaux. Et surtout ça permet de passer incognito un peu partout. Zahia et Eric Woerth en auraient commandé une.

OCTOBRE. En France, si ça continue, la grève dans les transports sera bientôt déposée au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Bon, on le sait depuis 1789 et le dernier mondial, la grève est un passe-temps partagé par les Français de tous horizons. Pour renforcer mon identité nationale, je vais me mettre en grève de chronique (j’ai parfois fait faux bond, grève, jamais). Son corollaire, la manifestation, a la cote. Et en ce mois d’octobre, la mode, c’est de manifester contre la réforme des retraites. Dans les cortèges, tout le monde connaît Eric Woerth, l’architecte maudit de la réforme, qui sera passé à la postérité grâce à une petite chose annexe connu sous le nom d’« affaire Bettencourt ». Il est le vilain Monsieur à cause de qui on va travailler deux ans de plus. Point positif, c’est toujours deux ans de moins passés devant « Les chiffres et les lettres ».

En Chine (transition brutale), il faut en avoir, de la bravoure, pour manifester. Etre dissident là-bas, c’est courir le risque d’être enfermé, sans manger ou à peine. Et comme on n’est pas dans Koh-Lanta, tu ne gagnes même pas 100 000 euros à la sortie pour avoir subi ce calvaire. D’ailleurs, y’en a un qui va recevoir une récompense vachement recherchée, mais ne va pas pouvoir venir la récupérer. Lui, c’est le Prix Nobel de la Paix, qui a donc été attribué à l’intellectuel Lu Xiaobo pour l’ensemble de son œuvre et ses « efforts durables et non violents en faveur des droits de l’homme en Chine ». Pour une fois, la Chine ne fait pas de contrefaçon de mauvaise qualité.

NOVEMBRE. Le grand événement du mois c’est le sommet pour le climat de Cancun ou la réunion des puissants qui veulent sauver l’ours blanc et accessoirement le monde depuis que ce fainéant de Superman a pris sa retraite. J’adore les ours blancs depuis Knut, celui du zoo de Berlin qui a développé quelques troubles de la personnalité, après avoir été sous les feux des projecteurs dès sa naissance. C’était couru d’avance, on a vu les dégâts de la célébrité précoce chez Jean Sarkozy ou Britney Spears…

Je ne suis toujours pas convertie aux bienfaits de l’écologie. Je suis même la personne énervante qui vide le ballon d’eau chaude au mépris des leçons des Nicolas Hulot et Cécile Duflot. Ils pourraient me traîner devant le Cour pénale environnementale si elle existait. Le réchauffement climatique, le tri sélectif, rouler à vélo, ça me passe au-dessus de la tête. L’écologie c’est juste du pain béni pour les radins ou les gens sales qui n’achètent plus de vêtements, cultivent leur propre potager et prennent des micros-douches les jours pairs des années bissextiles.

Mais il est de bon ton de se préoccuper du phénomène climatique pour éviter qu’on ne meure comme les dauphins qui avalent des sacs plastique et s’étouffent avec. Je sais, c’est cruel comme image, surtout que depuis Flipper et le chocolat Galak, on les aime bien, les dauphins. Même si on les soupçonne d’être un peu plus méchants qu’il n’y paraît. Ils ont quand même de sacrés dents. Un dauphin ne restera jamais qu’un requin qui a raté sa vie.

Donc le sommet de Cancun. D’une, il faut savoir que Cancun, c’est au Mexique. Niveau empreinte écologique, c’est pas joli joli. Le trajet en avion fait grimper la pollution atmosphérique aussi vite que le taux de sucre d’un diabétique après avoir ingéré une cuillère de Nutella. Cancun, c’est aussi la ville du Spring Break. Non ce n’est pas une nouvelle série américaine. Pendant les vacances de printemps, les étudiants des Etats-Unis se déversent en masse à Cancun pour boire, faire la fête, draguer sur la plage. Les filles portent des maillots de bains venus d’un magasin où visiblement il y avait pénurie de tissu. Cancun, en gros, c’est une délocalisation temporaire de leurs compétences d’étudiants.

Tout ça pour dire que le choix du lieu me semble suspect. Si ça se trouve, la prochaine conférence aura lieu à Bora-Bora ou aux Maldives. J’imagine un Ministre de l’environnement dire à son épouse : « Chérie, je vais à une conférence sur le changement climatique, à Cancun. » Bien plus engageant que Copenhague. Dans la capitale danoise, la seule femme à forte poitrine et dénudée c’est la petite sirène !

DECEMBRE. L’affaire qui fait trembler la planète (à lire avec un ton voix off de M6) c’est Wikileaks. Wikileaks c’est le rêve absolu pour les fouines dans mon genre. Des dizaines de centaines de télégrammes diplomatiques classés secret défense rendus publics. J’aurais dû devancer Julian Assange, l’homme de l’année. Moi aussi j’ai un passé de Don Quichotte qui œuvre pour la transparence. Certes les documents confidentiels étaient des journaux intimes et de la correspondance privée rendue publique aux yeux de l’autorité parentale. Et appartenaient à ma sœur qui m’en veut encore. J’ai compris la leçon, depuis je ne divulgue plus rien. Et entre-temps on m’a dispensé quelques cours de droit durant lesquels j’ai appris que la révélation de la correspondance privée était un délit pénal. Mais bon, moi j’avais l’excuse de l’âge, certains paranos continuent le flicage en piratant des comptes Facebook ou des boîtes mails.

Wikileaks c’est le téléphone arabe remastérisé. Les plus farouches poussent des cris d’orfraie devant la révélation publique d’échanges privés. Dans un sens, je partage ces réticences, je n’aimerais pas qu’on révèle au grand jour mes mails. Non pas qu’ils recèlent des secrets exceptionnels comme le nom de l’assassin de Kennedy ou le nom du styliste de Lady Gaga, mais quand même. Je suis assez parano là-dessus. Quand j’écris à quelqu’un je vérifie toujours qu’on ne regarde pas par-dessus mon épaule. C’est viscéral, ça m’insupporte. C’est comme les squatteurs de journaux dans le métro, c’est limite si tu n’as pas envie de leur demander la permission avant de tourner la page.

Pourtant, la curiosité, ça a du bon. Des écoutes téléphoniques ont donné naissance à l’histoire la plus rocambolesque de l’année avec mamie Tirelire alias Liliane Bettencourt. Mais comme nous sommes en décembre pour quelques heures encore et que l’esprit de Noël pénètre les esprits les plus rétifs au bonheur, moi exceptée, la mère et la fille se sont tombées dans les bras et se sont réconciliées. L’honneur est sauf, elles pourront passer les fêtes de fin d’année ensemble. L’histoire ne dit pas si, dans un élan de bonté, elles convieront Eric Woerth à leur table.

Faïza Zerouala

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