« On ne choisit pas ses enfants, on ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas non plus ses voisins à Bondy (ou ailleurs)… » Désolée pour les fans de Maxime Le Forestier d’avoir saboté un classique du genre, mais je n’ai pu m’en empêcher. Vous pensez peut-être que je vais vous parler de mes voisins embêtants, bruyants, désagréables, impolis ou omniprésents. Rien de tout cela. Les voisins dont je vais vous raconter l’histoire sont ceux qui ne devraient exister que dans la série Desperate Houswives, vous savez ces voisins géniaux qui vous ramènent des cadeaux d’accueil et qui se soucient de votre petite personne. Il ne s’agit pourtant pas de la famille Van de Camp ou encore Solis mais des Dugâteau*.

Ces voisins je les connais depuis ma naissance mais je n’ai eu connaissance de leur incroyable histoire que très récemment. En voici l’essentiel. Louis Dugâteau vivait avec ses 10 frères et sœurs en Italie. Il était le cadet de la fratrie. Deux des garçons ont immigré en France quelques années avant que le reste de la famille ne les rejoignent. Le voyage s’est effectué à pied et les Alpes ne leur ont pas vraiment fait peur. Les trois grands frères reviennent tout juste de guerre. Nous sommes dans les années 1930. Ils atterrissent tout d’abord à Bagnolet pour ensuite déménager à Montreuil.

La vie est dure et chère à cette époque. Ils vivent de petits boulots qui ne rapportent pas beaucoup pour douze heures de travail quotidien. Arrive le jour où une connaissance, italienne également, les invite à un baptême. Ils sont dans l’embarras parce qu’ils n’ont pas les moyens d’offrir un cadeau pour ce type d’évènement. Ils décident donc de s’inspirer des cours improvisés de leur mama italienne et de se lancer dans la création d’un grand gâteau. Ce gâteau fait un tabac, tous les convives le trouvent exceptionnel et chacun fait sa petite commande pour une prochaine cérémonie.

Leur vocation est trouvée, une nouvelle vie commence ! C’est ainsi que de fil en aiguille, ils fabriquent deux, puis trois, puis dix gâteaux, qu’ils livrent aux restaurants. Leurs commandes ne cessent d’augmenter et ils commencent enfin à se faire un petit peu d’argent. Leur nom est devenu une marque de fabrique. Ils sont de plus en plus reconnus dans le milieu et la roue tourne enfin dans le bon sens.

Ainsi, quatre des frères s’associent avec un employé de la Roquette, une grande pâtisserie à l’époque et encore aujourd’hui, pour fonder une nouvelle pâtisserie qui s’appellera « La Romainville », qui comme l’indique son nom se situe dans la commune éponyme, au nord est de Paris. La petite pâtisserie du coin acquiert finalement une notoriété inattendue. Depuis elle a été vendue et s’est développée puisqu’il y a maintenant vingt boutiques en Île-de-France et deux en région Rhône-Alpes avec des centaines d’employés.

Si quelques curieux gourmands veulent goûter au célèbre gâteau qui fit leur succès, il s’appelait à l’époque « la Marguerite » il existe toujours paraît-il mais est aujourd’hui commercialisé sous un autre nom. Leur vie n’aura pas forcément été facile au début mais il aura suffit de travailler dur, d’avoir de bonnes idées avec un bon instinct pour que l’histoire écrite change et se finisse pas « il vécurent heureux ».

Sarah Ichou

*Nom bien entendu modifié

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