Un SMS claironne son double signal : « Tu es libre le week-end du 6 mai ?». Réponse : « Non et c’est la Présidentielle en plus». Bip bip : « Ah bon ? Parce que c’est le pont du 8 mai ! ». Une machine à café plus loin. Deux femmes se réchauffent et s’évadent de leur quotidien glacé en évoquant les futurs plans vacances pour le printemps. La plus férue de politique casse l’ambiance : « Oui mais le 22 avril, c’est le premier tour des élections ». « Quoi!? Mais moi je serai pas là! » répond l’autre qui vient de réaliser. Abstention ou procuration : il lui faudra trancher…

Car le calendrier électoral de la présidentielle 2012 ne pouvait pas tomber plus à l’épicentre des vacances scolaires. Les habitants des académies de la Zone B décrochent le gros lot. Leurs vacances débutent le 21 avril et s’achèvent le 6 mai, pile pendant les deux semaines cruciales de l’entre deux tours. Ceux de la Zone C (Paris et Bordeaux) verront le premier scrutin tomber en plein milieu de leurs congés. Seule la Zone A semble quelque peu épargnée par cette promesse d’école buissonnière électorale. La rentrée s’effectuant le 23, les retardataires des grandes villes pourront faire un petit crochet par leur bureau de vote sur la route du retour pour présider au destin de la France.

Que dire également de ce pont de tous les dangers ? Qui pose son lundi 7, s’offre 4 jours de repos d’affilés et des possibilités infinies d’escapades pour le prix d’une seule RTT. Et le spectre du 21 avril 2002 de s’inviter dans la campagne pour hanter l’année de son dixième anniversaire. Dans les multiples facteurs qui avaient expliqué l’élimination de Lionel Jospin de la présidentielle, un peu trop confiant face à un Jacques Chirac distancé dans les sondages du second tour, le calendrier en faisait partie. Beaucoup d’électeurs qui s’étaient juré de voter Jospin au second tour n’avaient pas cru utile de prévoir une procuration pour le premier. Ces voix promises mais cruellement absentes avaient contribué à qualifier Jean-Marie Le Pen provoquant ce choc, ce coup de tonnerre pour la France, ce fameux 21 avril 2002.

Le vote libre et démocratique est un droit qui fait rêver les peuples qui en sont privés ou les citoyens étrangers qui ne peuvent pas s’exprimer. Pour ceux qui ne veulent pas taire leur voix, il existe même la possibilité d’une procuration pour une durée d’un an ou de trois pour les résidents à l’étranger. La procuration peut être établie jusqu’à la veille du scrutin, mais vu les délais impartis, mieux vaut y penser dés aujourd’hui. Car si ces démarches sont gratuites et finalement assez simples, elles demandent une mobilisation et une organisation qui en décourageront plus d’un…

Et avec une Marine Le Pen qui frise les 20% d’intention de vote dans les sondages ou une multitude de candidats – une des spécificités de l’élection présidentielle à la Française – à qui profiterait une abstention massive amplifiée par le calendrier des vacances scolaires ? Dix ans après le 21 avril 2002, le suspense et la menace d’une nouvelle malédiction du calendrier restent entiers.

Sandrine Dionys

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