Lila est élève dans mon lycée, en classe de première, en section Littéraire. Elle est assez discrète et timide. Cette blonde -enfin elle préfère qu’on dise châtain clair- est experte en commentaires composés, dissertations, et autres analyses de textes. Aussi, elle maîtrise l’anglais comme si elle avait vécu toute sa vie dans un pays anglo-saxon. Elle parle peut-être mieux mandarin qu’elle ne manie les chiffres : il lui fallait bien un point faible… Elle vient d’avoir 18 ans. Elle a redoublé une classe.

Elle peut donc profiter de tous les avantages que présente la majorité : la carte bleue a enfin sa place entre la carte vitale et la Navigo dans son portefeuille. Même si son compte en banque appuie de toutes ses forces sur le frein à main, les sites de ventes privées sur le net n’ont plus de secret pour elle. Et puis,  18 ans, c’est aussi l’âge légal pour conduire, travailler dans une entreprise ou aller en boîte de nuit.

Mais cette année il y a une nouveauté qui la concerne particulièrement : le vote. En avril prochain, elle insèrera pour la première fois un bulletin dans l’urne pour une élection à portée nationale. Il y a encore un an de ça, lorsqu’on parlait à Lila de politique, c’est à peine si elle ne se bouchait pas les oreilles. Aujourd’hui, mademoiselle est intéressée, sûrement parce qu’elle est directement concernée. Elle admet tout de même : « La gauche, la droite : c’est encore confus pour moi parce que c’est complexe et j’ai remarqué que c’est un monde d’hypocrites. Les politiques sont pires que les people. Chacun parle sur l’autre, mais diplomatiquement, donc ça passe… » A croire que le jugement qui taxe les politiciens de « tous pourris » est un passage obligé pour tout novice de la politique.

Elle ne sait pas encore pour qui elle va voter mais elle se renseigne de plus en plus avec Internet et la télévision. Pour beaucoup, à cet âge là, le choix du candidat se fait selon les convictions des parents. Lila est fille unique. Aucun frangin ou frangine pour l’influencer dans sa décision donc. Quant à ses parents, qui ont la nationalité française, ils ne sont pas vraiment intéressés par la politique, d’après elle. En 2007, seule sa mère a voté à la maison.

Maintenant qu’elle commence à acquérir des notions, elle pourrait tenter de parler de politique à ses parents, Mais elle s’y refuse : « Si pendant 40 ans ils ne s’y sont pas intéressés c’est pas moi qui vais changer les choses ! J’essaie avec ma mère. Mais mon père, c’est perdu d’avance. C’est dommage parce que c’est grâce au vote qu’on revendique ses idées. Mais que veux-tu ? C’est comme ça…»

Sans l’héritage d’une tradition politique familiale, Lila fera donc son choix toute seule. Comme une grande. Une manière de se forger une culture politique. Même sommaire. Ce qui a le mérite de lui donner de l’assurance, plus de confiance en elle : « je suis assez grande pour me faire mes propres idées, mes propres choix. C’est moi qui vais mettre le petit papier dans l’urne, pas ma mère ».

En attendant le premier tour de la présidentielle, Lila continue de se faire une petite culture politique. Histoire de ne pas arriver « la tête vide » le jour J et de ne pas se demander qui sont les candidats qui se cachent derrière les patronymes, et qui lui disent vaguement quelque chose…

Sarah Ichou

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