Pan peu abordé quand il s’agit d’évoquer les difficultés rencontrées dans les banlieues, la santé n’en demeure pas moins un chantier prioritaire. Le document, intitulé « Pour un engagement national auprès des quartiers populaires » part d’un postulat : les médecins désertent les banlieues. Et délaissent des populations déjà mal loties quant à l’accès aux soins, qui doivent composer tant bien que mal dans ce qui s’apparente à des déserts médicaux : peu de médecins généralistes, encore moins de spécialistes disponibles. En 2010, près d’un banlieusard sur 4 avait renoncé aux soins pour des raisons financières et 1 adulte sur 6 n’avait aucune couverture maladie.
Un postulat, qui motive l’association à formuler des propositions clairement coercitives, répondant au credo formulé par son président, Renaud Gauquelin, selon lequel « la liberté de s’installer des médecins ne doit pas mettre en danger celle de se soigner ».
Parmi elles, la mise en place de quotas et l’obligation pour les médecins de pratiquer là où ils ont été formés. Des règles d’installation plus contraignantes, que défend aussi le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM), inquiets des inégalités de plus en plus marquées en matière de santé. L’obligation aussi pour les étudiants en fac de médecine d’effectuer (au moins) un stage dans ces territoires, avec l’intégration progressive dans leur cursus des problématiques sanitaires inhérentes aux quartiers populaires.
Toujours au rayon « contrainte », le volet « portefeuille des patients » : en cela, l’association demande un contrôle plus pointu sur les dépassements d’honoraires – de plus en plus fréquents- et sur les refus de certains praticiens d’accepter la Couverture Médicale Universelle (CMU) dévolue aux revenus les plus faibles.
Évidemment, le volontariat n’est pas occulté. Ni même les sempiternelles aides financières et exonérations pour les plus téméraires qui choisissent de s’installer dans les quartiers populaires. L’association évoque même un projet de financement partiel des études du futur médecin, pourvu qu’il s’engage à travailler dans un désert médical.
Mais l’ambition de Ville et Banlieue va plus loin. En témoigne sa proposition – ambitieuse- d’encourager les vocations à l’intérieur même des quartiers. De favoriser les partenariats avec les universités et « les parcours de réussite », et ce dès le collège, en incitant des jeunes à opter pour des études de médecine et donc d’avoir potentiellement un vivier de futurs praticiens issus du sérail, déjà (partiellement) rompus aux réalités du terrain.
Toute aussi originale, la proposition de multiplier les interactions avec tous les acteurs des quartiers populaires (les associations notamment), ce que les maires de Ville et Banlieue appellent « une médecine de la ville ambitieuse ». Ne plus réduire la médecine à un simple service, mais l’associer aux différentes politiques de la ville et faire des praticiens des acteurs majeurs quant au développement et au décloisonnement des quartiers populaires. D’où un encouragement à des regroupements par spécialité pour plus d’efficacité.
Le document, au-delà des propositions, rappelle aussi les manques qui peuvent exister, notamment en matière de suivi dans les pathologies mentales dans les quartiers, largement sous-estimées par les pouvoirs publics.
Trop peu de psychologues et de psychiatres pour prévenir, mais aussi traiter des patients souvent abandonnés, trop loin des cabinets spécialisés. Dans un contexte de crise, Ville et Banlieue insiste plus que jamais sur l’importance de la sécurité pour les praticiens, l’une des priorités absolues.
Sur celle que revêt le service public dans ces territoires, elle fustige les fermetures de centres d’IVG et d’organismes de santé (CNAV, CNAM…). Le trop peu de médecins scolaires et les carences en matière de dépistages. Aussi, Ville et Avenir dénonce le décalage qu’il existe entre l’offre et la demande dans les quartiers populaires, dans lesquels une action de fond s’avère plus que jamais urgente.
Ramsès Kefi