On m’avait pourtant prévenu. La claque était attendue. S’y préparer ne change rien a la violence du choc. Avant de m’envoler pour l’Inde, je caressais ce rêve : vous permettre derrière votre écran de voyager et partager mes découvertes. Mais à peine arrivé a l’aéroport, cette douce utopie journalistique s’envolait. Le fossé est trop grand. Tous les sens sont chamboulés. Sur la route qui relie l’aéroport a Delhi, ma vue et mon ouïe se sont retrouvées face a des situations qu’elles n’avaient jamais rencontrées. L’aube révélait les premières couleurs de la capitale indienne et offrait à mes yeux un aperçu de la forme que peut revêtir la pauvreté.

Ici des enfants, qui longent l’autoroute et aux pieds desquels s’amoncellent détritus et immondices en tout genre. Là, des hommes, gisant à même le sol, les vêtements en lambeaux, tellement déshumanisés qu’il est difficile de déterminer si la mort est déjà passée les prendre. Mais paradoxalement, ici, la misère est terriblement vivante. Bruyante même. Il suffit de traverser Chandi Chowk, « lieu du clair de lune » et l’une des artères les plus animées de la ville pour en prendre conscience. Incessamment, les klaxons répondent aux cris des colporteurs. On manque de s’y faire écraser a chaque seconde, le tout formant un espace ou le mot « vivre » prend tout son sens.

A ce bouillonnement continuel vient s’ajouter une odeur caractéristique. Là encore, aucune prouesse de mon stylo ne pourrait me la faire partager avec vous. Elle est de celle qui vous prend aux tripes. Pour ne plus vous lâcher. Où que vous alliez, elle est là. Pas désagréable d’ailleurs. Mais atrocement étouffante et bestiale, combinée à la chaleur ambiante, elle est  aussi accablante. Alors, d’une certaine manière, arriver à Delhi, c’est comme franchir les portes d’un nouveau monde. Un monde où il est nécessaire d’écouter ses sens. Et même de les préparer à aller de surprise en surprise. Voir, puis comprendre qu’une vie totalement différente de la nôtre se déroule sous nos yeux. Alors, seulement une fois ce chemin parcouru, j’ai appris a apprécier Delhi. Trop tard peut-être. Je dois déjà repartir vers d’autres horizons.

Hugo Nazarenko Sas, New Delhi

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