Dans la salle, une bonne centaine de démocrates ont répondu présents. Un verre à la main, les plaisanteries fusent : « ce n’est pas les républicains qui auraient pu organiser ça » s’exclame Austin. D’après ce jeune analyste, « la plupart des Américains à Londres, au Royaume-Uni et plus globalement à l’étranger sont des démocrates ». La raison serait assez évidente d’après son collègue de travail Evan : « Vivre à l’étranger est une démarche très particulière pour nous autres Américains. Tu ne peux pas choisir de t’expatrier, de découvrir le monde et voter républicain, ils sont très fermés d’esprit sur bien des questions ».

Le système électoral américain fait qu’il n’existe pas de données disponibles concernant la couleur politique des Américains à l’étranger. Robert Carolina, responsable au sein du DAUK, m’explique que chaque électeur américain vote pour de grands électeurs qui à leur tour vote pour déterminer les candidats. J’entends une femme ironiser : « Je suis de l’Etat d’Idaho et mon vote présidentiel n’a jamais compté ». En effet, une fois élu, un grand électeur a autant de poids s’il a été élu avec 50,01% ou 80% des suffrages. Ce système archaïque a conduit à l’élection en 2000 de George W. Bush avec seulement 47,9 % des suffrages (contre 48,4% pour son adversaire démocrate Al Gore). Les citoyens étasuniens vivant overseas (outre-mer) devront voter par procuration. L’activité des bénévoles démocrates se résume donc à s’assurer que chaque électeur potentiel remplisse un absenty ballot et le renvoie aux autorités compétentes. Inlassablement ils montent des bureaux d’inscription dans des universités et entreprises, où les expatriés sont nombreux.

Dans la salle la communauté démocrate est très diverse. Etudiants, jeunes cadres en costume, intellectuels dignes du quartier latin, tous sont venus écouter leur candidat. Dès que les lumières s’éteignent et que Barack Obama s’avance d’un air décontracté, l’ambiance se réchauffe. Ce soir les candidats répondent aux questions d’un panel, questions qui ne leur ont pas été communiquées auparavant. Les premières interventions du président sont crispées. Le professeur de droit nous déballe l’intégralité de son programme en deux minutes. Puis, le style Obama opère son charme.

Alors que le candidat républicain ne fait pas preuve d’une grande éloquence, on voit un Barack Obama secouer la tête avec un sourire moqueur en arrière fond. A plusieurs reprises, la présentatrice interrompt les candidats afin de faire avancer le débat. Mitt Romney insiste pour finir ses phrases, semble à deux doigt de taper du pied et repart penaud à son tabouret. De son côté, Barack Obama tente de passer au travers, puis se voyant vaincu, affiche son sourire et bat en retraite avec un « Great » flegmatique.

Austin et Evan, comme bien d’autres présents dans la salle, regrettent que les débats télévisés soit si pauvres sur le fond. Ces deux businessmen de la City se rejoignent pour souligner l’efficacité du candidat démocrate lors de l’échange concernant la fiscalité. « Il a bien montré que Romney reste le candidat des riches. Nous sommes pour l’augmentation des taxes sur les plus riches qui est quand même une des plus faibles des pays développés ». Romney compte pour sa part diminuer de 8 milliards les taxes sur les plus aisés et augmenter les dépenses militaires, restant discret concernant la manière dont il le financera.

Barack Obama de son côté a essayé de relativiser l’opposition Big Government contre entreprise individuelle, laquelle semblait se complaire son adversaire. Lorsque Romney insiste : « J’ai passé ma vie dans le secteur privé, pas au gouvernement ». Obama lui réplique au détour d’une question sur la Chine : « Vous devez garder à l’esprit que M. Romney a investi dans des entreprises qui étaient les pionnières de la délocalisation en Chine ».

Concernant l’énergie, les deux candidats ont semblé faire armes égales à coup de « l’environnement c’est bien, l’indépendance énergétique c’est mieux », se disputant quant au nombre de forages que chacun décidera d’ouvrir. Sur la question des femmes, le mormon Romney a déclenché des hués d’indignation dans l’assemblée. Alors qu’il répondait à une question concernant l’insécurité et les armes à feu, le candidat républicain a souligné la responsabilité des parents et notamment des familles monoparentales. « Mon Dieu, dire à nos enfants qu’avant d’avoir des enfants, il faut penser à se marier, c’est une superbe idée ».

Mis à part cette saillie passionnée, le républicain a tenté d’assagir son image. Il a cependant déclenché de nombreux fous rires lorsqu’au détour d’une explication concernant sa recherche d’une plus grande mixité dans son équipe du Massachusetts, il a déclaré : « J’ai été voir des groupes de femmes et je leur ai dit, “vous pouvez nous aider à trouver des gens ?” Et elles nous ont apportés des classeurs plein de femmes ! ». Moins d’un mois après s’être demandé pourquoi il était impossible d’ouvrir les fenêtres d’un avion, la sanction fut immédiate sur le web.

Rémi Hattinguais

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