Le DAL et Jeudi Noir ont organisé, mercredi 31 octobre, un « city tour » des immeubles à réquisitionner à Paris. Ce « city tour » englobe une vingtaine de bâtiments en tout genre de la capitale et débute au 1 bis place des Vosges dans le 4e arrondissement de Paris, devant l’hôtel de Coulanges. Un lieu hautement symbolique puisque cet hôtel particulier de 1500 mètres carrés avait été occupé par des membres du collectif Jeudi Noir entre 2009 et 2010 : « Le bâtiment est inhabité depuis 1965, il y a eu des travaux jusqu’aux débuts des années 1990 et depuis l’immeuble est complètement à l’abandon. L’immeuble a été occupé à plusieurs reprises. En 2010, la police est intervenue pour expulser les quinze membres du collectif Jeudi Noir. A l’intérieur, il y a une quinzaine de logements qui sont adaptés avec des cuisines et des douches. Ici on pourrait loger sans problème une trentaine de personnes », souligne Christophe Driesbach du collectif Jeudi Noir.

Un logement vacant, c’est quoi ?

Un logement vacant, c’est un bâtiment qui est laissé vide par son propriétaire depuis au moins deux ans car le propriétaire ne souhaite pas le louer. Certains propriétaires laissent leur logement vide pour en faire un produit financier et le revendre plus tard en fonction du marché, c’est de la spéculation. Un bâtiment vide se revendrait 20% plus cher qu’un bâtiment occupé.

Selon l’INSEE, en France il y aurait 2,39 millions de logements vacants en 2011 alors qu’il n’y en avait « que » 1,22 millions en 1968. Ce chiffre est en constante augmentation, c’est pourquoi les deux associations demandent au gouvernement de joindre le geste à la parole et de reloger 150 000 sans-abri et les 50 000 familles prioritaires Dalo qui sont prisonnières des marchants de sommeil. « A la veille de l’hiver, on demande la mobilisation de 100 000 logements parmi lesquels 20 à 40 000 réquisitions », s’exprime Jean-Baptiste Eyraud, le président du DAL.

Julien Bayou, du collectif Jeudi Noir, a insisté sur le fait que la réquisition n’était pas une expropriation : « Il s’agit tout simplement de contraindre un propriétaire qui garde volontaire un logement vacant à percevoir un loyer, c’est-à-dire que la préfecture paye un loyer, l’État paye un loyer pour placer des gens dedans. » Pour les membres de Jeudi Noir et du DAL, la réquisition n’est pas une atteinte au droit de propriété mais au droit de spéculer. Ces collectifs ont créé cette liste de logements vacants grâce à du repérage, des dénonciations de riverains ou d’élus et aussi grâce au site de l’Etat qui affiche tous ses bâtiments à vendre.

La technique du gardiennage

La visite se poursuit et les associations emmènent les journalistes présents au 103 rue de Turenne, devant un immeuble appartenant à une des grandes fortunes de France. « Ici, il y avait des squatteurs qui se sont fait virer. La mairie a demandé à ce que des travaux soient faits car l’immeuble menaçait de s’écrouler. C’est la procédure de « l’abandon manifeste » donc la propriétaire à tout refait à neuf. Pour qu’il ne soit pas réquisitionné, le bâtiment est gardienné depuis un an avec un panneau sur lequel on peut lire « installeront ici prochainement …» mais le bien reste dormant », nous indique Jean-Baptiste Eyraud.

« Ils préfèrent payer un maître-chien à l’année pour surveiller un logement vide alors que si le propriétaire mettait son bien à disposition des foyers admissibles au DALO, il recevrait un loyer de la part de la préfecture », poursuit Jean-Marc Delaunay du collectif Jeudi Noir.

L’expulsion, une condamnation à mort ?

« Il y a une véritable hausse de la vacance dans notre pays, c’est un scandale quand on sait qu’il y a des personnes qui meurent dans la rue. C’est une condamnation à mort que de mettre quelqu’un à la rue », s’indigne Jean-Baptiste Eyraud.

Durant la visite, Linda, une mère de famille de 28 ans nous raconte qu’elle a été expulsée il y a une semaine d’un logement qu’elle occupait avec son mari et leur fils de neuf ans. Linda et son mari sont actuellement sans emploi et ne touchent plus le RSA. Elle nous raconte son histoire : « Nous avons été arnaqué par un marchant de sommeil qui nous a loué un appartement qui n’était pas à lui. On n’était pas sur le bail et le 24 octobre la police nous a jeté à la rue comme des chiens. Ils n’ont rien voulu savoir, ils ont fait exprès, juste une semaine avant la trêve hivernale ». Les mots sont durs mais ils sont sûrement à la mesure de ce que vient de vivre cette jeune femme. Elle continue en pointant les dysfonctionnements du système : « Tout ce qu’ils nous ont proposé c’est d’aller à l’hôpital et d’appeler le 115 qui comme vous le savez sont surchargés. On sait plus quoi faire. On attend une réponse mais la réponse vient normalement par courrier alors  si on n’a pas de logement, comment on fait ? Les assistantes sociales ne nous ont pas aidées. On se demande pourquoi elles sont là. ». La jeune femme, qui tente de garder le sourire, nous explique qu’elle est dans l’attente d’une solution et qu’elle ne sait pas à l’avance où elle ira dormir. « Quand je vois ces bâtiments entiers qui sont vides et ces familles à la rue, je trouve ça inadmissible. Ça me met hors de moi », conclut-elle.

Kozi Pastakia

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