11:13 PM. Adam Clayton Avenue – Corinthian Church – Crise de joie à l’église : Barack Obama est élu 44ème président des États-Unis d’Amérique!

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10:44 PM. Lenox Avenue – Une odeur de pop-corn. Et des chips qui craquent. Et des jus, et des bières. Et cette lumière, comme si le film allait commencer. Et cet écran. Et ces sièges, dans lesquels on s’enfonce sans mal. Le cinéma Maysles Films diffuse, en direct, la soirée electorale de NBC. Et bientôt, dans l’obscurité, le film dévoilera sa fin.

9:46 AM. 125 Street – Le sénateur Perkins organise une soirée électorale  au quatrième étage de la tour State Building de Harlem. L’association des femmes africains pour Obama est là. Soudain, Obama prend l’avantage en Floride.

8:30 PM. La nuit, tant attendue. La nuit, d’habitude si furtive, va durer. A Harlem, les feux se brouillent au loin. Les voitures se précipitent. La nuit sera rouge, la nuit sera bleue. Harlem se prépare à veiller. Ses bars, ses églises, son cinéma seront suspendus à la télé. La nuit réserve son lot de larmes. Nuit blanche, nuit noire.

7:23 PMLenox Avenue / 122 Street – Un gymnase. Elle boit un thé. Elle attend pour voter. Beatrice dit : « J’ai grandit en Jamaïque  Là-bas, la participation oscille autour de 80 %. J’ai été surprise de voir, en arrivant ici, que les Américains participent beaucoup moins. Mais c’est vrai que le système électoral est à moderniser. Vous voyez toute cette pagaille, tous ces papiers. Tout ça décourage les gens d’aller voter. En plus, à cause de notre système électoral, l’élection ne se passe pas vraiment à New York. Les gens ont l’impression que leur vote ne compte pas. C’est un autre état, l’Ohio, qui va faire pencher la balance »

« Il y a 4 ans, je me suis mobilisé pour la campagne de Barack Obama. J’ai ouvert ma maison, mon salon était rempli de volontaires. A Harlem, dans les rues, les maisons, les églises, tout le monde s’investissait pour son élection, celle du premier Noir à la Maison Blanche. Mais cette année, s’il est élu, il n’y aura pas vraiment de moment historique. Il y a 4 ans, c’était historique. Cette année, ce sera normal »

« L’année dernière, j’ai eu la chance de visiter la Maison Blanche. En la visitant, j’ai vu la photo de la famille Obama, au milieu de ces autres familles présidentielles. Une famille noire à la Maison Blanche. Et de voir ça, ça m’a fait quelque chose. Surtout pour nos enfants. Plus tard, ils sauront qu’on peut être noir et président »

« En France, vous avez peut être un meilleur système électoral, mais vous n’êtes pas capables d’élire un président Noir »

5:10 PM. 230 West 131 Street – Voilà, à l’intérieur. L’antre. Comme le cœur du cœur de l’élection. Un bureau de vote. Et ce bordel magistral. Les feuilles s’envolent, d’un bureau à un autre. Les isoloirs sont en pagaille, mal ordonnés. La confidentialité est à deux doigts de s’effleurer. Tout le monde patiente, tout le monde s’énerve. Et les huissiers du bureau de vote se noient. « C’est un jour très chargé, il y a beaucoup de monde ». Avant de piquer : « Heureusement, on est payé. On fait pas ça bénévolement, on n’est pas en France, ici ». Le bureau est ouvert jusqu’à 9:00 PM.

 

4:16 PM. 2496 Frederik Douglass Boulevard – Denny est au fond du salon. Derrière un paravent, les doigts de pieds en éventail. Une employée astique. Il ne bronche pas. Il dit : « Je suis le leader du groupe les barbiers pour Obama. Mais j’ai peur. Avec Sandy, beaucoup s’en foutent du vote. Les gens pensent plus à trouver à manger qu’aux élections. En tout cas, il faut qu’Obama gagne. Obama, c’est pour les petites personnes, comme nous tous. Romney, c’est pour les puissants, les grands. Même si Obama n’a pas tenu toutes ses promesses. Personne, pas même Jésus, aurait pu tout régler en quatre ans ».

« On fera une fête au salon, ce soir. Venez »

 

 

 

2:50 PM. Adam Clayton Avenue / 121 street – Au sous-sol d’une église, une salle, quelques néons diluent une lumière froide. Deux dames ont les yeux rivés sur un iPad. « On est un syndicat qui réunit tous les employés de la ville de New York. Hôpitaux, écoles, espaces publics… ». Au fond de la salle, deux autres téléphonent. D’un portable à un autre, sans s’arrêter. « On répond aux appels des gens qui ont des problèmes pour voter. Les gens ne comprennent pas vraiment : comment voter ? Où voter ? Quels papiers ? C’est vrai que tout ça est compliqué ». Pour l’instant, aucune anormalité à déclarer.

1:59 PM. 125 street – Un mardi particulier, mais un mardi comme un autre. Où la vie suit son fil. Où le marché est installé, « comme tous les mardis, au même endroit ». Un bureau de vote s’est posé juste là. Les deux se font concurrence. Un vendeur de fruits : « Je cultive mes produits moi-même. Je travaille avec mes mains, mais je vote pas. La politique, c’est un showcase. Ils sont là avec leurs beaux habits, pour sortir de belles paroles. Mais ça reste vide ». Le soleil fait briller les tomates. Les carottes se battent dans les choux. Et une cliente fait le plein de vert : « On manque de bons produits à Harlem. Et même si c’est un peu plus cher, c’est important de bien se nourrir ». Elle promet : « Mais entre le marché et mon travail cet après-midi, j’irai voter ». Pendant ce temps, devant le bureau de vote, la file s’étend.

12:36 PM. Adam Clayton / 130 Street – Il y a les badges, et il y a le sien. Accroché à son manteau. Un rond bleu « Les femmes pour Obama ». Elle dit : « Avec Romney, on va souffrir. Nous, les femmes, il est clairement contre nous. Il est contre l’avortement. Il ne veut pas laisser les femmes décider, mais le gouvernement. Ce n’est pas au gouvernement de décider si l’on doit avorter ou pas. Mais c’est à nous

11:11 AM. Adam Clayton Avenue / 123 Street – Il n’y a presque aucun bruit. Même les  voitures semblent se glisser silencieusement. Et, au loin, des voix d’enfants. Leurs voix, si fortes, pour montrer la voie. Ils portent des tee-shirts jaunes, ils distribuent des flyers « On ne peut pas voter, mais vous si ». Ils croisent des indécis. Ils crient : « Votez pour Obama ou pour Romney, mais votez pour quelqu’un ». La maîtresse explique : « Notre mission, c’est d’encourager les gens à voter ». Et puis, ils retournent à l’école, silencieux. Comme si de rien n’était.

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9h32 AM. 430 West 130 Street – Nizingha : « Je suis arrivée au bureau de vote à 7h20. J’ai attendu deux heures à l’intérieur. C’était vraiment long et lent. Il n’y avait que deux machines électroniques pour voter. Beaucoup de personnes n’iront pas voter aujourd’hui, parce qu’ils vont à l’école ou qu’ ils travaillent. En tout cas, c’est bon, j’ai voté. C’est la première fois, j’ai 18 ans. Je me sens accomplie. Il y avait huit votes à faire en même temps. J’ai voté pour tous les Démocrates, que ce soit pour la présidence, le Sénat, le Congrès, la Cour Suprême… »

« Maintenant, j’ai cours à 11h30, ça va me prendre deux heures pour rejoindre mon école à Brooklyn. Et après  en fin de journée, je vais travailler. C’est une longue journée qui m’attend ».

 

 

 

7:32 AM. 435 West 141 Street – Une porte d’église, en bois, grinçante. Et un panneau « vote here ». La porte s’entrouvre. Une dame prévient, dès l’entrée : « Vous ne prenez aucune photo et vous ne parlez à personne ». Il est presque l’aube, et déjà tout le monde a les nerfs noués. Une agent de police monte sur une table : « Faites deux rangées, par ordre alphabétique. Une de A à R et de M à Z ». Enfin, elle supplie : « S’il vous plait, soyez patients, soyez patients ». Beaucoup de gens se sont déplacés, avant d’aller au travail, pour voter. A peine le temps d’admirer l’agitation, la même, à l’entrée, nous demande de « sortir ». Sur le trottoir, l’agent de police nous demande de « changer de trottoir, et ne pas rester sur le trottoir du bureau de vote, ni de parler à ceux qui en sortent ». Bonjour.

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