Claire fait partie de ces nombreuses graines qui se sont envolées vers Marseille. Originaire d’un village de la région Centre, elle s’est laissée porter jusque dans le sud. Son truc, c’est la tapisserie et la maroquinerie. Elle est tombée dans la marmite quand elle était petite. En classe de 3e, son père l’emmène faire son stage chez un tapissier. Claire est manuelle, elle adopte cette profession.

Après des études professionnelles en couture et en tapisserie d’ameublement à La Châtre puis à Clermont Ferrand, elle trouve un emploi dans l’atelier, Take a seat, à Epinay sur Seine. Là-bas, elle a notamment travaillé à l’ameublement de l’hôtel Georges V. Un an passe en région parisienne et suite aux restrictions de budgets, la jeune femme se rend en Vendée. Elle travaille alors dans un petit atelier traditionnel de tapisserie. Mais elle est obligée de partir. « L’endroit me plaisait mais je n’avais qu’un mi-temps, ce n’était pas suffisant pour vivre seule. » Elle reprend donc son sac à dos et s’arrête à Châteauroux dans une entreprise de créateurs d’intérieur, Les Convenances. « J’étais très autonome, le patron faisait les croquis de canapés et moi je réalisais. »

Claire se plait bien dans le Berry, mais elle veut reprendre ses études. Elle a dans la tête de créer sa petite entreprise et pour cela elle veut se former en communication. Clairon (c’est son surnom), postule à la rentrée 2011, dans une école à Aix-en-Provence. Elle est acceptée en formation par alternance comme elle le souhaitait. Seul hic, elle ne trouve pas d’employeur.

Un refus, un rebond

Face à cet échec, Claire ne lâche rien. « Je ne pouvais pas financer l’école sans être en alternance. J’ai décidé de trouver un  travail pour pouvoir payer ma rentrée prochaine. » Elle trouve un mi-temps d’ouvreuse dans un cinéma à Martigues faute de mieux. L’idée de créer son entreprise continue de lui trotter dans la tête. Ce projet remonte plusieurs années. « Mon tout premier sac, c’était pour l’anniversaire de ma colocataire parce que je n’avais pas d’argent. » La machine est lancée. « Je me suis rendue compte que mes sacs plaisaient. Mes amis ont commencé à me faire des commandes et le bouche à oreille a commencé à marcher. » Son carnet de commande se remplit rapidement. C’est le déclic et le moment de se lancer.

La petite entreprise est officialisée le 10 décembre 2011. Elle dépose sa marque,  Marceline. Claire partage ses journées entre son mi-temps d’ouvreuse et son entreprise. Très vite, son projet accapare tout son temps. Elle abandonne son travail au cinéma pour faire face à ses commandes.

« C’est beau et c’est moi qui l’ai fait »

Les premières difficultés arrivent très vite : la gestion du site internet, l’achat de matériel et des matières premières… le plus difficile peut-être, se faire connaître. Maintenant qu’elle a son atelier (une petite pièce dans son appartement), elle a besoin d’un lieu où présenter ses créations. C’est chose faite au Magasin alternatif, d’Elisabeth Luc. Cet endroit, la gérante l’a conçu comme un lieu pour favoriser le lancement des créateurs. Le principe : une boutique où les créateurs se partagent les frais difficiles à supporter seul (loyer, personnel, charges…) Cette boutique n’est pas comme les autres, elle a pour vocation d’aider les femmes qui tentent l’aventure de l’entreprise. Dans ce lieu convivial, une sorte de caverne d’Ali Baba, on y trouve toutes sortes de trésors et parmi eux les sacs et pochettes en cuir, Marceline.

Les débuts sont encore timides. Elle vend environ trois sacs par semaine et elle avoue sans honte que c’est la tapisserie qui lui permet de vivre. Mais peu importe puisqu’elle fait ce qu’elle aime : « Ce que je préfère c’est de pouvoir être satisfaite de mon travail, de se dire “C’est beau, c’est moi qui l’ai fait“ » Et puis, la tapisserie, c’est spécial : « C’est vraiment particulier de ramener un fauteuil rénové chez quelqu’un. C’est ramener un bout d’histoire. »

Avec des débuts il y a moins d’un an, elle reste optimiste. « Pour l’instant, je suis satisfaite. J’ai fini de tout rembourser, je commence juste à gagner de l’argent. » Elle ne se fait pas beaucoup de marge, elle préfère vendre des sacs en cuir pas chers pour les petites bourses. Le premier prix est à 55 euros. « Mon but s’est d’arriver à grandir, et d’ici à cinq ans d’avoir ma boutique dans une jolie rue avec au fond mon atelier. » Le rendez-vous est pris.

Charlotte Cosset

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