Sept mois après avoir commis, durant ma période probatoire, une infraction au code de la route qui a abouti à un retrait de quatre points sur mon solde, je me vois obligé par une lettre, la 48N, de goûter aux joies d’un stage de récupération de points.

L’inscription se fait assez rapidement. Un coup d’œil sur les différents prix proposés sur Internet, quelques clics, un paiement express et une convocation reçue sur ma boîte mail qui m’invite à me rendre le lendemain dans un hôtel où auront lieu les deux jours de stage. Bien que les organisateurs du stage insistent vigoureusement sur le respect absolu des horaires, certains stagiaires arrivent avec une heure de retard sans pourtant se voir refuser l’entrée du stage.

Durant la brève introduction du stage, interrompue à maintes reprises par des échanges parfois virulents entre les différents stagiaires, les deux “animatrices” , une psychologue et une titulaire du Brevet d’aptitude à la formation de moniteur (une spécialiste de la sécurité routière donc) tentent de nous faire  croire que nous sommes là pour être sensibilisés, ce qui fait sourire tout le monde puisque chacun ne pense qu’à  une seule chose : les quatre points promis.  Pendant ce préambule, chacun constate avec surprise que ces deux “animatrices” ne se connaissent pas du tout. C’est la première fois qu’elles collaborent ensemble.

Là encore, le ton monte de nouveau. De fait, le  je-m’en-foutisme dont font preuve certains habitués, qui disent connaître par coeur le déroulement des deux journées -puisque cela fait la troisième ou la quatrième fois qu’ils suivent le stage- agace plus d’un.  Et ce melting-pot fait l’objet d’une vive altercation verbale entre une jeune femme, ayant subi de forts dommages corporels suite à deux accidents de la route et un autre stagiaire qui a suivi à quatre reprises le stage de récupération de points. Je me dis alors qu’il va falloir prendre son mal en patience durant ces deux jours.

S’installe un silence, tant bien que mal, négocié par tous. Nous sommes conviés à nous présenter en fonction d’un certain nombre de questions. Nom, profession exercée, type de véhicule conduit, rapport que l’on a avec notre véhicule, nature des infractions commises. Certains d’entre-nous sont des vendeurs de voitures de luxe, des mécaniciens, des chefs d’avion, des étudiants ou encore des ingénieurs. Lorsque la psychologue, en face de nous, nous questionne sur notre conduite sur la route, quelques-uns se qualifient de conducteur “fou-fou”, “modèle”, “dynamique”, “normal” ou encore comme des “pilotes”.

Peu à peu, l’atmosphère nerveuse laisse place à une ambiance enfantine et récréative lorsque Philippe, chef d’entreprise, âgé de 60 ans, évoque un accident qu’il a fait au volant de sa voiture. « Un accident, cela peut arriver à nous tous, dit-il, on a toujours un moment d’inattention, moi par exemple, j’ai fait un accident au volant de ma voiture parce que j’admirais ma femme présente au bord de la route, j’étais amoureux.”

Bien évidemment, l’éternel sujet du comportement des femmes au volant est abordé lorsque la psychologue nous demande ce qui nous gêne le plus sur la route. Christophe, étudiant dans une école de commerce, a dû passer son permis à nouveau suite à un retrait de permis. « C’est toujours les femmes qui font n’importe quoi au volant, surtout les blondes. Elles sont encore pires. » Voyant l’approbation des autres stagiaires masculins, les trois femmes tentent de défendre tant bien que mal la cause féminine. « C’est quoi ce machisme là ? » lance l’une d’entre elles. « Regarde, on est trois femmes sur vingt stagiaires, ça prouve que ce n’est pas vrai ces stéréotypes. » Christophe rétorque : « C’est normal, il n’y a pas beaucoup de femmes qui ont le permis. En plus, elles font du charme aux gendarmes, qui ne les sanctionnent pas en retour. » Pendant ce temps là, José, expert dans les installations à énergie renouvelable, fait de  la publicité pour son entreprise en distribuant des cartes de visites.

Durant ces deux jours de stage, nous avons été amenés à faire quelques petits exercices, pas très significatifs, comme associer une série de mots aux mots loi, infraction. Nous avons discuté de l’évolution du nombre de tués sur la route, des relations que l’on peut avoir avec les autres usagers. Il est assez regrettable que le stage n’insiste pas sur les dégâts occasionnés par les véhicules motorisés en nous projetant des images chocs des accidents, qui auront eu, à mon sens, pour effet une prise de conscience réelle sur les dangers de la route. Nous n’avons pas abordé les notions du code de la route ni parlé de la sécurité routière tant il est vrai que la psychologue, qui dit être là “pour le côté humain” du stage, a monopolisé la parole durant les deux journées.

Fin du stage. La délivrance se lit sur le visage de tous, stagiaires et animatrices comprises. Chacun rentre chez lui en se promettant de suivre à la lettre la morale du stage : ne pas revenir.

Mohamed K.

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