En janvier, on avait commencé par Yassine Qnia et son film Fais Croquer, tourné avec une bande de potes et trois fois rien dans le quartier Gaston Carré d’Aubervilliers (93). Chance du débutant à qui tout sourit ou vraie prise de conscience de son talent, les festivals ne sont pas restés de marbre face à son court-métrage : Prix du Jury ou du Public dans les plus grands festivals de France (Angers, Alès, Lille, Pantin, Aix, Amiens, Angoulême, Vendôme) et diffusé sur Canal +, Fais Croquer est en passe de devenir long et pré-sélectionné pour les Césars 2013. Balèze.

En février, on parlait d’Uda Benyamina, femme de tête de Viry-Châtillon (91) qui avec son moyen-métrage Sur la route du paradis commençait à briller de Dubaï à Tanger. Titre prémonitoire, la longue route du film s’est avérée glorieuse et parsemée de prix en Pologne, Belgique, Espagne, Irak, Sénégal, Maroc sans oublier Nice, Paris et Villeurbanne… Ce qui lui vaut, à elle aussi, une présélection pour les Césars 2013.

Nicolas Mesdom avait filmé des hommes en plein cours de foot, bien lui en a pris. Après avoir été primé au Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand en février 2012, son acteur principal Sébastien Houbani a été auréolé au festival de Cabourg 2012 tandis que La tête froide a continué sa carrière en France comme à l’étranger, tout en étant diffusé sur TV5 Monde et ARTE.

De la banlieue de Bordeaux nous était parvenue la voix de Zangro, réalisateur-producteur multi-casquettes qui aime parler d’islam avec humour et pincettes. Résultat des courses : le grand prix de l’Urban Film Festival 2012 parrainé par Jamel Debbouzze pour son court-métrage Como a la television et le développement de son premier long-métrage de fiction.

Autre découverte cette année, Guillaume Tordjman, réalisateur du court-métrage Le commencement, a commencé en puissance avec une projection sur la Croisette en compagnie de la « plus jeune équipe de tournage » du festival de Cannes dans le cadre du festival Banlieuz’arts soutenu entres autres par le réalisateur Djamel Bensalah et le rappeur Rim-K du 113. Présenté par deux fois à la Cité du Cinéma de Saint-Denis (93), lors du festival Cinébanlieue où il a remporté le deuxième prix et lors du festival Génération Court où il a raflé le Prix du Jury et le Prix du Public, Le commencement a effectivement marqué les débuts d’un jeune réalisateur qui a tourné cet été, avec la même Association 1000 visages, son premier long-métrage, co-réalisé avec Uda Benyamina dont nous parlions précédemment.

A Cannes aussi, c’était au tour de Rachid Djaïdani de nous transporter sur le bitume de Paris. Tourné à l’arrachée avec une bande d’amis, caméra au poing, malgré les kilomètres de rush et le manque de moyens, Rengaine – atterri en compétition à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival 2012 – décroche le Prix Fipresci de la Critique Internationale, de multiples sélections en festivals mais surtout un distributeur (Haut et Court) et une belle sortie nationale avec 100 000 entrées. « Reng’aime plus fort que la haine » nous disait Djaïdani ce mois-ci. Et pour cause. Dans Rengaine, l’acteur principal Stéphane Soo Mongo ne trouvait pas de rôle et ses amis reprochaient à la France de ne pas vouloir de « sa tronche de steak » ou d’être un « pays de suiveurs » en matière de castings. Bien vu : grâce à sa répartie, Rengaine a permis à Stéphane Soo Mongo – repéré dans Le ciel, les oiseaux et ta mère de Djamel Bensalah quelques années plus tôt – d’être nominé révélation masculine aux Trophées des Lumières 2013 et Meilleur espoir masculin aux Césars 2013…

Alors, faut-il encore croire qu’il n’y a pas d’espoir ? Qu’après Omar Sy, Leïla Bekhti ou Tahar Rahim, les portes se soient fermées ? Que les directeurs de casting, les agents, les producteurs et les médias s’endorment sur leur lauriers ? Non. Mais pour ceux qui doutent, qui triment, qui morflent, qui serrent la ceinture, qui pointent au chômage, qui mangent des pâtes, qui empruntent à leurs potes et qui pensent être au pied du mur, ne perdez pas de vue que si eux l’ont fait, vous pouvez le faire. Et si vous doutez encore, soyez punis. Sortez vos stylos et vos cahiers et copiez jusqu’à la fin de l’heure ces vers de René Char  : « Impose ta chance, serre ton risque. A te regarder, ils s’habitueront ». Ils s’ha-bi-tue-ront.

Claire Diao

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