Dans certaines prisons,  l’emploi du temps d’un détenu peut contenir la case « cours ». Comme Camille, des bénévoles prennent de leur temps pour transmettre des savoirs à quelques prisonniers intéressés. Rencontre.

Se rendre utile et comprendre le monde qui l’entoure, ce sont ces raisons qui ont poussé Camille, 21 ans, à emprunter la voie du bénévolat. Une voie qui l’a conduite en 2009 tout droit entre les murs de la prison de Fleury-Mérogis, lorsqu’elle décide de rejoindre le Groupement Étudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées. Communément appelée Génépi, cette association  sans affiliation politique ni religieuse, créée en 1976, regroupe 1 300 étudiants bénévoles qui interviennent chaque semaine dans plus de 80 établissements pénitentiaires.

Ainsi avec le Génepi, Camille a donné des cours de théâtre à une dizaine de détenus et a chapoté des ateliers d’écriture pour les détenus mineurs au sein de la prison de Fleury-Mérogis. Puis, elle a rejoint le centre de semi-liberté de Villejuif pour enseigner l’anglais. Durant ces trois dernières années, cette étudiante en droit à Sciences-Po, qui aimerait, « par amour pour une justice juste  »,  embrasser une carrière de juge au lieu de celle d’avocat, découvre un visage « plus humain » de la prison et de ses pensionnaires « attentionnés,  qui ne lui feront jamais de mal car ils respectent assez bien les femmes ». La prison, qui était un lieu intrigant et mystérieux pour elle, devient alors un lieu familier. « Avant mon adhésion au Génépi,  la prison était un mystère pour moi. Puis j’y ai mis les pieds et je me suis rendu compte que ces gens à qui on a pris la liberté un jour, sont des personnes comme vous et moi, c’est-à-dire normales. D’ailleurs, il y a des détenus qui me font penser à  mes potes. »

De nature méfiante, elle a appris au fil des années passées à enseigner derrière les barreaux, à faire confiance aux détenus, à les comprendre,  à aimer  leur compagnie, à s’accommoder à leur technique de drague parfois « bateau » et à apprécier les petites attentions qu’ils ont parfois envers elle. « Un jour, un détenu m’a demandé si j’avais mangé avant de venir les voir, j’ai répondu non.  Indigné, il m’a offert des bonbons qu’il avait cachés sur lui. Ce n’est pas grand chose mais c’est touchant.»

Dans ce milieu carcéral, qu’elle juge oppressant, elle apprend à gérer des relations, parfois compliquées, avec l’administration pénitentiaire et à accepter l’absentéisme des prisonniers, parmi lesquels, certains viennent à ses cours uniquement pour prendre le large, mentalement. « Mes rapports avec l’administration sont parfois compliqués parce qu’il arrive que des surveillants punissent sans aucune raison apparente  des détenus. Du coup, ils doivent rester enfermés dans leur cellule. Cela est assez agaçant car faire un  trajet de plus d’une heure pour un ou deux détenus, c’est assez décevant ».

Bien qu’étant jeune, Camille accorde au  bénévolat une place importante dans sa vie. Enfant, elle donne l’argent qu’elle reçoit durant les fêtes de fin d’année à la fondation Raoul Follereau. Puis poussée par son goût pour le voyage, elle part au Togo donner des cours de français aux jeunes écoliers, après une année d’étude d’anthropologie au Pérou. Aujourd’hui, la jeune femme compte, avec amertume, prendre sa liberté. En effet, elle veut s’éloigner du monde du bénévolat pour se consacrer pleinement à ses études, avec cette envie quand même de  côtoyer à nouveau des détenus, mais en tant que juge cette fois-ci.

Mohamed K.

 

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