Avec les pilules de troisième et quatrième génération récemment pointées du doigt, Hadjila et ses amies s’interrogent sur le bon moyen de contraception et dressent une liste, stérile.

« Tu penses que si l’on prend 5 kg, on peut au moins en prendre 2 dans les seins ? »Voilà comment a commencé notre débat sur la pilule. En pleine discussion sur la dangerosité des pilules de troisième ou quatrième générations qui concernent aujourd’hui cinq millions de femmes en France, il y avait nous quatre.

Lovées dans nos plaids, attablées en terrasses du café qui nous sert de QG, mon amie réitère sa question avec une vraie lueur d’espoir qui traverse son regard. Je n’ose pas lui dire que, vu le taux d’hormones que ça t’injecte dans le corps, ça active surtout la repousse du poil de la moustache et des sourcils.

Non, je n’ose pas, nous avons déjà un débat sur le feu et elle deviendrait hystérique à l’écoute du mot « poil ». Elle parle de la pose de l’implant contraceptif, moyen en vogue chez les 20-30 ans, qui suscite des avis mitigés et te fait prendre quelques kilos, pour la plupart du temps. Je lui réponds que : « franchement, je n’en sais rien ». Mais si c’est le cas, je signe tout de suite, de toute façon, il faut trouver une alternative à Diane.

Diane, c’est notre grande copine, celle par qui le scandale est arrivé, une effrontée. Une Zahia quoi ! Pour nous, elle était royale. Et loyale. C’était la pilule parfaite, celle qui nous faisait passer d’un bonnet B à un bonnet C, nous mettait à l’abri d’une future progéniture gâtée avant l’âge et qui nous guérissait de nos problèmes d’acné, bye bye Biactol et les problèmes de peau. Seulement voilà , nous étions là, désespérées parce que l’on nous disait que Diane et sa bande de copines les génériques augmentaient la probabilité d’avoir un accident vasculaire cérébral (entre autres).

Et comme nous tenions toutes à notre vascularisation cérébrale, nous avions donc décidé de faire un G8 pour trouver la meilleure alternative possible. Le paquet de cigarettes à moitié vidé en moins de trente minutes traduisait de l’anxiété générale et de l’état d’esprit qui régnait en ce mardi après-midi. Mon amie tourne et retourne son paquet d’allumettes nerveusement, nos cafés sont froid, le serveur tire la tronche et on a plus de pilules et presque plus de clopes.

« Mais les filles, si les pilules de troisième et quatrième générations sont dangereuses, il reste les premières et les deuxièmes ! Bah ouai, attend », dit-elle, très fière de sa trouvaille. « Parce que t’imagines vraiment que s’il y a des problèmes avec les générations antérieures, il y’ en aura pas avec celles qui suivent ?! Ma fille, hein ! », fait-elle, en accompagnant ses paroles d’un mouvement énergique du doigt et de la tête qui signifie jamais, plus jamais. « Ça ne saute pas de générations ce genre de choses là, c’est héréditaire, alors joue avec ta vie, moi je tiens à mes ovules », lui répond tendrement mon autre copine.

Décidément, il n’y a pas que le manque de nicotine qui angoisse alors nous faisons ce que les filles savent le mieux faire : on dresse une liste. C’est moins bruyant et on commence vraiment à mal se faire voir de ce couple avec cet enfant qui pleure, mais qui préfère nous jeter des regards assassins plutôt que de compatir à notre sort. Dans une certaine mesure, nous pouvons comprendre le manque de compassion, mais outre le fait que bébé est déjà là, au grand bonheur de ses parents, je suis certaine qu’elle aurait aimé inverser les rôles. Juste dix minutes, le temps de boire son café sereinement.

On griffonne sur la nappe en papier tous les moyens de contraception qui nous viennent à l’esprit, et là, le vrai débat commence. Forcément, on commence par le moyen le plus répandu, la capote.

On se regarde tout d’un air, comment dire nostalgique. Ça nous rappelle le « Cybercrips » [espace d’accueil, d’écoute, d’information et d’orientation destiné aux 13-25 ans], cet endroit a Montparnasse où nous allions plus jeunes, pour tuer une heure le mercredi après-midi. On nous y apprenait à mettre des capotes dans le noir via la boite magique, (en fait c’était une boîte à chaussure avec un pénis en plastique à l’intérieur, et tu devais mettre la capote dans le noir, c’était la boîte, c’était magique, c’était la boîte magique. Tatataaaaaa!!!). On nous donnait aussi des préservatifs gratuits, mais ne sachant qu’en faire à l’époque on s’amusait à les enfiler sur des bananes une fois rentrées à la maison. Séquence émotion, sortez les mouchoirs. Mais ça nous rappelle surtout les premières fois.

Aucune d’entre nous ne se voit les utiliser sur du long terme. On aurait l’impression d’un éternel recommencement et… « imagine si ça craque ? On serait obligé de prendre la pilule du lendemain, et ça pas question! Je te rappelle que les problèmes cardio-vasculaires ne sautent pas de générations ! Peu importe la pilule ! ». Elle repart dans son délire , le serveur nous regarde toujours aussi mal, l’enfant hurle de plus belle, on raye l’option capote.

Logiquement, le préservatif féminin arrive en seconde position dans notre liste. C’est comme Ni putes, Ni soumises. Dans l’idée, c’est cool. Mais dans l’idée seulement. C’est le seul terrain où ils ont voulu respecter la parité homme femme et forcément, cela n’a pas fonctionné. On s’accorde toutes là-dessus, c’est sans équivoque. Donc au suivant. Les deux premières options rayées, faisons place au stérilet et au diaphragme qui suscite le silence.

Grand silence. Aucune d’entre nous n’ose le dire, mais le truc, c’est que nous ne sommes pas trop en mesure de faire la différence entre les deux. Alors on commande quatre autres espresso « dont trois allongés, monsieur s’il vous plait. On pourrait avoir des petits chocolats avec ? ». Et je dis aux filles : « mais quelle est la différence entre les deux? ». Elles répondent à l’unisson : « mais c’est çaaaa le truc, j’sais pas ! ». Bon. Nous tapons donc frénétiquement sur nos iPhone « différence entre stérilet et diaphragme » et nous cliquons sur le premier lien du site au féminin.com. D’abord il y a la photo qui accompagne l’article, celle d’une femme à la coupe façon Mireille Mathieu et son air qui se veut mystérieux. Hummm. Elle non plus ne doit pas connaître la différence entre les deux.

D’après le site : « le diaphragme est un capuchon qui se place sur le col pour le rendre imperméable aux spermatozoïdes, tandis que le stérilet est un dispositif placé à l’intérieur de l’utérus, qui rend les spermatozoïdes non fécondants. » Hmmm. Ok. On se regarde dubitatives. Surtout quand, suite de la lecture, on apprend que « le risque du stérilet est infectieux, il faut donc avoir un partenaire unique et fidèle ». « C’est de la discrimination ! Non, mais, attends, ils veulent peut être qu’on nous mette la bague au doigt pour avoir le droit de poser ce truc la ? Avoir un partenaire unique et fidèle ? C’est utopique ça, ils savent très bien que ça n’existe plus ! En plus il y a le mot « infectieux », ça fait flipper. On rentre pas dans les critères, les filles. Laissez tomber, on est pas assez bien pour eux ».

Oulala, cette conversation met tout le monde sur les nerfs et le manque de clope commence à se faire sentir. Il reste l’option spermicide, qui est une sorte de gel qui tue les spermatozoïdes et que tu appliques avant chaque rapport. Mais pour le coup « spermicide », nous inspire « fongicide » et nous n’avons pas la fibre écologique assez développée. Le côté botanique du truc nous refroidit. «Mais depuis quand c’est devenu compliqué de juste prendre une pilule ? En fait c’est comme un mec, c’est compliqué de trouver le bon. Je ne me vois pas prendre autre chose, et quand je m’y attache vraiment et que tout va bien, bim faut qu’il y ai quelque chose! »

Elle n’a pas tort, et nous en sommes d’autant plus désabusées. La nuit commence à tomber, plus de clopes, plus de café, et le serveur est au bord de la crise de nerfs. De toute façon la pilule, c’est comme le reste, c’était mieux avant.

Hadjila Moualek

Crédit photo : spot de l’Inpes sur la contraception

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