Complément d’enquête, l’émission hebdomadaire diffusée sur France 2, est revenue dans son dernier numéro sur le réveil des droites, en France et en Europe. Au programme des militants, électeurs dans leur quotidien, comme pour désacraliser l’extrême droite, une tendance qui se répète de plus en plus à la télévision.

Le dernier Complément d’enquête, émission hebdomadaire diffusée sur France 2, était consacré aux réveils des droites. Un air de déjà-vu me direz-vous? Et c’est le cas. Enquête exclusive, émission d’investigation diffusée sur M6, nous a proposé dimanche dernier un reportage sur les parties d’extrêmes droites. Nous retrouvons les mêmes lieux d’enquêtes et les mêmes protagonistes dans les deux reportages, à tel point que nous pouvons avoir l’impression de visionner un replay de l’émission de M6.

Dans le premier reportage de Complément d’enquête qui se questionne sur des groupuscules tels que le Bloc identitaire, le Gud ou encore Action française, nous retrouvons Alexandre Gabriac fondateur du mouvement Jeunesse Nationaliste dans une des manifestations contre le mariage pour tous. Exactement les mêmes images que celles vues dimanche sur M6. Avec une même référence à ou aux altercation(s) avec les Femen (mouvement féministe). Le dernier reportage de Complément d’enquête porte sur le mouvement fasciste et extrémiste grec : Aube Dorée. Celui-ci est également dépeint quatre jours auparavant sur la sixième chaîne. Néanmoins la parole est peut-être plus donnée aux électeurs moyens du mouvement et permet de comprendre la détresse qui plonge ces mêmes électeurs dans la haine et l’ignorance, qui permet au parti d’avoir une existence légale.

Les mouvements d’extrêmes droites fascinent et les chaînes ont l’air de l’avoir bien compris. Il semblerait, aussi intéressant que cela puisse être, que ce soit le sujet facile quand on est en mal d’inspiration. Les militants des groupuscules sont toujours prêts à répondre aux journalistes et à se faire voir, ils vendent du rêve ou du cauchemar, qui ne manque pas d’éveiller un effroi envoûtant chez les téléspectateurs.

En revanche, il paraît évident que le second reportage de Complément d’enquête est plus original. Pour une fois on tente de nous présenter le Front national sous un jour moins lugubre, on essaie d’être plus neutre en présentant des électeurs lambdas qui vote FN et on nous explique pourquoi, sans hargne et avec simplicité. Est-ce une bonne chose de présenter la vague bleu marine comme un parti « des plus respectables  » ou au contraire, est-ce dangereux ? A multiplier ce type de reportages, certains pourraient finir par y croire.

Ce qui est clair est que malgré cet effort de neutralité de la part des journalistes le vote FN est bien plus complexe. Le reportage le laisse transparaître en toile de fond, par l’intermédiaire des intervenants, mais le vote frontière est un vote de détresse et non d’idéologie profonde. « Voter FN, c’est voter pour cette gauche qui a disparu ». Une gauche idéalisée, réappropriée, voila un peu le message qui transparaissait dans ce reportage.

Myriam Nécib

 

« En fait, le Front National a un programme de gauche » 

A l’image de Frigide Barjot, les mouvements catholiques tels la Manif pour tous ou Civitas dont il est question pour le dernier dans le reportage « Aux frontières de l’extrême » est la France d’en haut tandis que le FN c’est la France d’en bas, les « oubliés » du PS et de l’UMP. Il est bien loin le rêve de Schuman, père de l’Europe, et le Prix Nobel de la Paix 2012, décerné aux dirigeants de l’UE, dans l’esprit de nos peuples depuis longtemps et encore un peu plus récemment à l’instar des brouilles avec l’Allemagne.

Même si le 1er ministre sur Twitter et le président dans sa 2ème conférence de presse ont oeuvré pour désamorcer les tensions en rappelant que l’Allemagne et la France sont plus fortes et plus grandes ensemble. Pendant ce grand oral, François Hollande a par ailleurs évoqué, non sans humour, sa popularité en la plaçant au  » zénith « . Les sondeurs, ces faiseurs de rois, permettent à Marine Le Pen d’avoir le vent en poupe pour espérer de bons résultats aux municipales de 2014. Rappelons que les sondages ne font pas une élection. Son fidèle lieutenant, Florian Philippot trouve le reportage, fait sur son parti, professionnel et partage la vision qui en est faite. Par contre, il s’insurge contre le reportage sur Aube dorée, le parti d’extrême droite grec, qualifié de néonazi.

Toutefois, nous ne pouvons pas nier qu’il se passe quelque chose du côté du FN qui voit arriver de nouveaux membres fiers d’appartenir à l’extrême droite. Il suffit pour cela de voir le dernier défilé parisien frontiste du 1er mai pour s’en convaincre. Le portrait de ces nouveaux membres du FN, c’est cette France d’en bas, cette classe moyenne qui souffre, comme le souligne Dominique, vice-secrétaire départemental FN du Puy-de-Dôme. Ces « oubliés » comme les nomme la présidente du FN sont pour l’essentiel des ouvriers, venus en masse depuis l’arrivée à la tête du parti de Marine Le Pen, ainsi que les femmes, plus durement touchées par la précarité, les jeunes fortement impactés par le chômage et les paysans subissant avec violence la mondialisation et les conséquences de l’économique de marché.

Le reportage nous fait découvrir trois  » visages du Fn  » présents à la manifestation du 1er mai et un autre n’ayant pas fait le déplacement, dans leur quotidien. Dominique, après 30 ans de vote PS est une des nombreuses candidates que compte le FN aux municipales. Elle suit une formation. Nous la voyons avec son classeur de campagne obtenu à Nanterre, siège du parti frontiste, au campus Bleu Marine. Julie, une lycéenne de 17 ans militante depuis un mois, assume son appartenance au FN et se dit prête à changer d’ami(e)s s’ils n’acceptent pas son choix. Parce qu’elle ne leur reproche pas le leur pour le PS, en majorité. Etienne, étudiant en BTS Action commerciale, militant depuis 6 ans et candidat du FN dans le fief de Cahuzac, Villeneuve-sur-Lot, aux législatives partielles, il est bien décidé à profiter de la panne de confiance des électeurs depuis l’affaire de fraude fiscale. Ce jeune candidat expérimenté, ancien responsable des jeunes du parti dans la région Aquitaine et candidat en 2012 à Marmande, dans la circonscription électorale voisine de Villeneuve-sur-Lot, est pris pour une menace sérieuse pour ses adversaires.

Dernier portrait dressé, mais pas le moindre, Pascal, 33 ans, et récemment encarté, dit faire partie de cette « génération sacrifiée », car il est sans emploi depuis 4 ans, hébergé par ses grands-parents et au RSA. Le département Lot-et-Garonne a perdu son tissu industriel en 2000, l’usine de tabac Seita. Y ont travaillé de nombreux membres de sa famille sur plusieurs générations de son arrière-grand-mère à son père et son oncle. Mais pas lui. Voici les propos de cet « oublié » de la République : « En fait, le Front National a un programme de gauche. Ils se préoccupent des ouvriers. La gauche, elle s’en fout du monde ouvrier et du monde des artisans. Voilà ! Des petits. Les petites gens ne se sentent plus représentés par la gauche. Par contre, ils se sentent représentés par le Front National. Pour moi, le FN, c’est la gauche d’autrefois. » Ce territoire a perdu 320 emplois directs, mais combien d’emplois indirects ? A commencer par les commerçants qui ont fui cette nouvelle forme de désert. Le taux de chômage dans cette circonscription atteint 20%. Mais bien plus en comptant ceux à temps partiel. Les plus touchés sont les plus fragiles.

 

Fabrice Deroche

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