Dimanche 23 juin 2013. 20h. Devant la salle de cinéma André Malraux de Bondy, les spectateurs s’alignent. Dans trente minutes démarrera la projection du premier long-métrage d’un enfant du pays : Né quelque part de Mohamed Hamidi.

La mousson est passée. Derrière les nuages gris, quelques rayons de soleil pointent le bout de leur nez. Devant le cinéma André Malraux de Bondy, le public attend impatiemment l’ouverture des portes. La séance est complète. « Pendant quinze jours, le téléphone n’a pas arrêté de sonner, confirme Didier Baussan, directeur du cinéma, qui n’a pas connu pareille mobilisation depuis treize ans. Je crois que l’engouement s’est cristallisé autour de Mohamed Hamidi ».

Et pour cause, né et ayant grandi à Bondy, Mohamed Hamidi a été tour à tour animateur, enseignant, musicien et l’un des membres fondateurs du Bondy Blog. Autant d’activités qui font de lui un « enfant du pays » qui a fréquenté nombre de spectateurs présents ce soir-là. « Je suis son voisin de pallier en France et en Algérie, affiche fièrement Rédouane, confortablement installé dans son fauteuil. Je suis venu voir le film parce que ça me concerne, parce que je suis Bondynois et parce que je viens souvent dans ce cinéma-là ».

Projo Bondy 2013Les habitués de la salle, justement, sont plus nombreux qu’on ne le croit même s’ils n’avaient pas prévu pareille affluence. A l’instar de Monique, qui habite à côté. Elle a vu l’affiche de Né Quelque Part par hasard, et vient assister à la projection par curiosité : « Les habitués de la salle n’ont pas eu de places parce qu’ils ne savaient pas qu’il fallait réserver ».

Sur la scène, Didier Baussan rappelle à l’assemblée de ne pas oublier les autres projections de la salle : « J’espère que vous garderez ce rythme, on en a besoin ! » À ses côtés, le directeur du Bondy Blog Nordine Nabili chauffe la salle comme jamais, nous rappelant ainsi son passé d’animateur radio et de mariages. Le public, hommes, femmes, ados et enfants, Maghrébins ou non, est un mélange de Bondynois et d’autres horizons. « Je suis algérien, je suis architecte et je suis venu avec mes patrons, nous informe Ryad, habitant de Saint-Ouen qui travaille à Pantin (93). Mon patron m’a dit qu’il y avait un film sur un franco-algérien qui retournait au pays, donc ça m’a intéressé ».

Dans la salle, on rit, on crie, on fait des youyous, on applaudit. Les lumières s’éteignent. Le générique s’affiche et déjà toute la salle applaudit. Il l’a fait. Lui, l’enfant de Bondy. Il a réalisé un film et est revenu chez lui le présenter.

Passées les 1h27 de fous rires collectifs et silences attentifs, vient le générique de fin. Lorsque apparaît le nom du réalisateur, un tonnerre d’applaudissements retentit. À son entrée dans la salle, c’est la standing ovation. Derrière Mohamed Hamidi arrivent un à un, l’humoriste « brésilien » Malik Benthala (« Je viens d’apprendre il y a dix jours que mon père s’appelait Mohamed… »), le comédien albertivillarien Fatsah Bouyahmed, adepte d’« un mélange entre le ju-jitsu et la boxe kabyle » pour plaquer les moutons et le co-scénariste, Alain-Michel Blanc, très ému par l’accueil, qui a vu dans ce projet « bien écrit, qui avait une âme » un film universel sur le dialogue familial et le questionnement de ses origines.

Ensemble, ils répondent aux questions de l’assemblée : sur le lieu du décor (au Maroc et non en Algérie), sur les origines de Fatsah Bouyahmed (Béjaïa), sur la loi du silence qui pèse entre les parents et les enfants (« on a eu honte d’en parler, on a raté le coche »), sur le lien entre le scénario de Va, Vis et Deviens et celui de Né Quelque Part (« tous les deux sont des films de militant de l’amour de l’autre, du respect des parents, du pays d’origine »), sur les harragas qui mettent leur vie en péril pour gagner l’Europe (« nous qui sommes nés ici, nous ne nous rendons pas forcément compte de la chance qu’on a d’avoir le bénéfice de la culture française, de l’éducation française, de la bourse, du cinéma, des bibliothèques »), sur l’Algérie (« un pays confisqué à son peuple »), son développement (« donner les moyens à des gens qui ont des initiatives ») et sur le passage au cinéma de Mohamed Hamidi (« je crois que c’est ça le secret : j’ai demandé à personne, j’ai pris un ordinateur, j’ai écrit cette histoire et il se trouve que cette histoire, elle a intéressé des gens »).

Puis est arrivé sur scène l’invité-surprise de la soirée. « Debbouze ! Debbouze ! » crient les jeunes dans la salle. Tien. Justin Hamilton, Justin Hmidou. Star incontestable de Né Quelque Part, le mouton du film s’offre quelques pas de moonwalk sur scène ainsi qu’un petit pipi, manquant de peu de court-circuiter les fils électriques et l’intervention de la maire de Bondy.

Alors que les spectateurs se dirigent vers le pot de l’amitié qui les attend dans le hall du cinéma, les acteurs posent pour leurs fans et reçoivent de multiples compliments. La nuit est maintenant tombée. Il est 23 heures passées et le hall ne se désemplit pas. Dans la vie, on ne sait jamais vraiment où l’on va. Mais lorsqu’on n’oublie pas d’où l’on vient, on rend toujours très fiers les siens.

Claire Diao

Né Quelque Part sera à nouveau programmé au Cinéma André Malraux de Bondy du 3 au 9 juillet 2013.

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