Cinq ans après son élection, la maire écologiste de Montreuil (93) dresse le bilan de son mandat, sans vouloir se prononcer sur 2014. Elle n’oublie pas ses débuts, avec ceux qui l’ont sifflée, et elle fait face aux récentes affaires.

Dominique Voynet arrive dans un des grands couloirs de la mairie de Montreuil. Elle s’excuse du retard. Un retard qu’elle compensera avec une demi-heure supplémentaire d’entretien. Dans son bureau, sans colifichets, l’ancienne ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement du gouvernement Jospin gribouille une carte de la commune pour illustrer ses propos. Celle qui avait été accusée d’être parachutée lors des dernières municipales veut effacer ce doute, montrer qu’elle connaît ses dossiers comme les rues et qu’elle fait désormais partie de Montreuil, à un an des élections.

Montreuil la rouge a-t-elle changé de couleur ?

« Montreuil la rouge » c’était faux et « Montreuil la verte » serait tout aussi faux. La ville a été gérée pendant soixante-quinze ans par le parti communiste et il y en a des manifestations explicites : je pense par exemple aux dénominations des rues, au type d’organisation des maisons de quartier… Mais je pense que le changement vient de loin et qu’il avait peut-être cheminé sans que cela se voit. Mon hypothèse est que je n’ai pas été élue parce que les Montreuillois adhéraient au projet des écologistes, mais parce que les habitants souhaitaient une rupture avec la période passée et qu’ils étaient fatigués de l’ancienne équipe municipale. Ce n’est pas un jugement de valeur, mais une tentative d’explication. Car mon prédécesseur [ndlr : Jean-Pierre Brard] a fait quatre mandats. Peut-être qu’il a vu son énergie ou sa vitalité s’épuiser au fil du temps et son ancrage social se réduire sans qu’il le devine.

À mon arrivée j’ai été frappé que des équipements, des services, des politiques qui se sont déployés dans des villes de droite ou de gauche pour répondre aux attentes de la population concernant une meilleure qualité de vie et une plus grande responsabilité écologique ne se fassent pas à Montreuil alors que le discours était écolo-compatible. Je prends un deuxième exemple : mon prédécesseur, non seulement n’acceptait pas les enfants de chômeurs à la cantine, mais pour ce qui concerne la qualité des repas : 0% de bio, aucune attention particulière à la qualité des repas… Nous avons d’abord donné la priorité à la dimension sociale, nous voulons que tous les enfants puissent aller à la cantine. Puis, progressivement, nous avons renforcé la part du bio.

Vous avez dit avoir été « élue par les bobos et les prolos ». Le maintenez-vous  ?

Je suis arrivé en tête dans 48 des 52 bureaux de la ville, dans le haut comme dans le Bas Montreuil, dans les quartiers les plus pauvres comme dans les quartiers les plus à l’aise : c’est donc une sorte de révolte. Si la gauche traditionnelle avait été unie et cohérente, je n’y serais pas arrivée ! J’admets très bien que la situation de la gauche n’est pas confortable à Montreuil, je peux me reprocher de ne pas avoir réussi à réunir une gauche qui était déjà divisée, mais elle ne l’est pas plus après qu’avant.

Jean-Pierre Brard avait magnifiquement joué de la division de la gauche, tellement bien que lui non plus ne sait pas réunir sa famille ! Il y a deux projets de listes de la famille PC en ce moment qui nous donnent beaucoup de travail puisque les uns couvrent les affiches des autres. On est en campagne depuis Noël ! Quand je regarde ça, je suis effarée, car qui paie ? Et puis surtout je ne suis pas la cible. Je n’ai pas l’impression que ce soit plus facile au PS.

Après, la violence politique est terrible. Elle n’est pas basée sur la bonne foi ! On entend : « elle est autoritaire Voynet, elle n’aime pas les gens »… Vous pensez vraiment qu’on gère une ville de 100 000 habitants si on n’a pas un tout petit peu de caractère ? Quels sont les rôles qui sont autorisés à une femme ? Soit vous assumez votre fonction et vous devenez autoritaire comme Martine Aubry à Lille lors de son premier mandat. Soit vous êtes la bonne maire qui se laisse marcher sur les pieds ! Moi j’ai besoin de savoir où je vais.

Domique VoynetDomique VoynetEn 2008 vous avez été accueillie sous les sifflets de l’opposition. Aujourd’hui, la majorité semble s’effriter et l’on parle de « climat délétère » lors des conseils municipaux. Pourquoi de telles tensions ?

Je me souviens bien du climat dans lequel s’est tenu le premier conseil municipal, c’est une blessure qui n’est pas que personnelle, mais démocratique. Les Montreuillois avaient participé massivement aux élections, ils se sont exprimés de façon nette. J’ai été accueillie par une salle hostile, des hurlements et des insultes devant ma mère, venue pour l’occasion. Je m’en souviens et cela ne s’est pas calmé, car ceux qui ont géré la ville depuis soixante-quinze ans n’ont jamais accepté l’alternance démocratique. Ils ont considéré que c’est leur ville, qu’on ne la connaît pas, c’est d’ailleurs l’argument qu’on nous ressort à chaque conseil municipal.

L’effritement de la majorité est relatif. J’ai toujours une majorité absolue au conseil municipal. Et puis l’effritement, il faut aussi le relativiser au regard de la réalité de l’opposition. C’est très compliqué d’accuser d’effritement quelqu’un qui a un groupe homogène de 30 personnes quand l’opposition est divisée entre un groupe communiste dans lequel ils sont quatre, un groupe socialiste dans lequel ils sont trois, un groupe Rassemblement de la gauche citoyenne dans laquelle ils sont trois, puis trois non-inscrits…

Vous aviez souligné à votre arrivée, avoir récupéré une ville endettée, près de 1200 euros par habitant. Un récent rapport de la chambre régionale des comptes souligne « un net redressement des finances », mais évoque aussi une mauvaise gestion. Où en est la ville ?

Il ne parle pas de mauvaise gestion ! Il souligne l’excellente gestion sur le travail municipal. Ce rapport couvre la période 2006-2011. De 2006 à 2008, c’était mon prédécesseur. La chambre régionale des comptes souligne une dégradation des comptes de la ville sur la première période. Elle note cependant le désendettement de la ville en fin période, plus de 40 millions d’euros de désendettement depuis que je suis là. Quand même ! J’ai trouvé particulièrement choquant qu’ils nous mettent sur le dos un certain nombre de choses qui sont le fait de mon prédécesseur et auxquelles nous avons remédié.

Pour ce qui est des choix de gestion coûteux en matière de ressources humaines, je n’y suis pas pour grand-chose. En 1982, lorsque la gauche au pouvoir a mis en place la cinquième semaine de congés payés et les 39 heures, la ville a conclu avec l’Etat un protocole qui permettait de demander à nos agents de faire moins d’heures que ce que demandait la loi. Cet accord est particulièrement avantageux pour les agents. Le surcoût, dit la chambre, s’élève à 2,59 millions pour le temps de travail et à 1 million d’euros par an pour les heures supplémentaires. Quand le rapport nous dit qu’il y a un gros « gisement d’économie », ce n’est pas une mauvaise gestion, c’est le respect d’un protocole ancien. Dans une ville qui a été communiste pendant soixante-quinze ans, où les syndicats pèsent le poids que vous savez, pensez-vous que cela aurait été raisonnable de le remettre en cause ? Aurait-on compris que je le fasse ? Pas sûr.

carte_quartiersPourquoi Montreuil reste-t-elle une ville fracturée entre un haut, plus populaire, et un bas, plus « bobo » ?

Depuis le début des années 1970, la sociologie de la ville a changé sous deux conjugaisons : tout d’abord, une prise de conscience du caractère extrêmement dégradé de l’habitat avec le Bas Montreuil en état d’insalubrité et une forte difficulté à aérer les maisons. C’est à la même époque qu’on a construit les cités afin de loger ces personnes qui vivaient dans des bâtiments insalubres. Mais la vraie différence avec d’autres villes de Seine-Saint-Denis à ce propos, c’est qu’à Montreuil, on a une mixité du bâti. Dans pratiquement chaque quartier, il y a des grands immeubles.

Le deuxième élément remonte à la crise des années 1980, beaucoup de bâtiments d’activité économique ont été mis en vente, car les usines fermaient. Nous avons assisté à une mutation assez rapide de ces hangars, de ces ateliers et de ces usines, qui ont en général été récupérés par des artistes ou transformés en lofts. Mais il est vrai qu’il existe une fracture territoriale due au fait qu’un tiers de la ville seulement est desservi par le métro. Cette fracture est accentuée par une autre coupure : l’autoroute [ndlr : l’A 186] qui coupe la ville en deux depuis les années 1960.

Mais il n’y a pas « le quartier des bourgeois » (Bas Montreuil), car c’est un quartier de mixité. Vous avez à la fois des foyers africains, des logements destinés aux Roms, des logements habités par des familles nombreuses, des squats, des collectifs de jeunes…

Si vous étiez ministre du Logement, quelle serait votre première mesure ?

Ce n’est pas une mesure qu’il faut, mais la cohérence des mesures. Je pense que le chantier numéro un c’est le foncier. Je considère notamment qu’à chaque fois qu’il y a une transaction sur un terrain, il faut un projet d’intérêt général, une école par exemple. Il faudrait qu’une partie du prix du foncier aille directement dans les caisses de la ville pour financer les équipements générés par cette transaction, car la taxe d’équipement est insuffisante.

Et si l’on vous propose de faire partie du gouvernement ?

Contrairement à d’autres, je sais ce que cela provoque en termes de bouleversement de vie. Mais cela dépend à quel poste et pour quoi faire. Par exemple, ministre du Commerce extérieur pour aller vendre des centrales nucléaires, des barrages et des Airbus à l’étranger, ça ne m’intéresserait pas du tout ! Je ne le ferais à aucun prix !

Vous l’a-t-on proposé ?

[Rires] Ce n’est pas comme cela que ça marche, et vous le savez. De toute façon, il faudrait que je sois folle pour vous le dire.

Plus globalement, est-ce que l’écologie a sa place à Montreuil et, plus généralement, en banlieue ?

J’en suis convaincue. Si l’écologie est juste un luxe réservé à ceux qui en ont les moyens, cela ne mérite pas d’être un projet politique auquel on consacre sa vie. Mais si on constate que la transition écologique est l’occasion de créer des emplois nouveaux, mais aussi une occasion pour réduire les factures de ceux qui peinent à payer le chauffage et les loyers dans un logement social, alors on démontre que l’écologie est populaire. Pour donner un exemple : dans la cité de l’Espoir, nous avons investi dans un programme de rénovation, et cela a eu pour impact de baisser les charges d’environ 10 %. D’un autre côté, c’était aussi moins de gaspillage des ressources naturelles.

N’est-ce pas un peu anecdotique sur un territoire où les problématiques de chômage, d’emploi, d’éducation sont importantes ?

Ce n’est pas anecdotique, car avec l’isolation, c’est tous les mois 10 % de charges en moins, cela vaut le coup ! Surtout pour des gens qui ont de faibles revenus. Un autre exemple : nous avons rénové la mairie, qui avait été construite à une période où l’on se moquait des économies d’énergie. On a investi pratiquement 500 000 euros dans l’isolation de ce bâtiment. Cela a permis d’améliorer les conditions de travail pour nos agents dans les bureaux, mais aussi de réduire les factures d’éclairage, de chauffage ou d’eau de ce bâtiment. Et c’est amorti sur à peine dix ans.

Si nous réalisons cela sur les 48 écoles de la ville, les gymnases, les centres sociaux… Si nous le faisons partout, à l’arrivée, ce sont des centaines de milliers d’euros économisés chaque année.

Comment jugez-vous l’action du gouvernement sur la question des banlieues ?

Les caisses sont vides et le gouvernement est à la fois confronté à la nécessité de tenir les engagements pris par le passé et la nécessité de conduire une réforme. Pour citer un exemple concret : les opérations de rénovation urbaine. On sait tous qu’il manque 7 milliards d’euros pour finir le programme. Donc quand on nous dit qu’on se réunit pour monter un deuxième programme : on veut bien réfléchir, mais il n’y a déjà pas assez d’argent pour finir le premier !

Par contre on constate une évolution assez saine du regard porté sur les banlieues. On fait plus attention aux stratégies de peuplement : ne pas trop concentrer de population en difficulté au même endroit, garder de la mixité dans les choix d’attribution, mettre le paquet sur les questions scolaires ou de vie commune. On a incontestablement plus d’écoute maintenant. Je fais partie de ces gens qui considèrent que la question première est sociale. Car vous pouvez bien refaire les halls d’immeubles et construire une maison de quartier, vous n’aurez pas résolu grand-chose. Ce qui se passe dans les quartiers depuis trente ans, c’est qu’au motif qu’on bénéficie des crédits de la politique de la ville, au motif qu’on est dans des opérations de rénovation urbaine, on peine plus que d’autres à bénéficier des crédits de droit commun.

Est-ce que la péréquation financière pourrait aider une ville comme Montreuil et un département comme la Seine-Saint-Denis ?

C’est le cas. Avec le nombre de Roms et de familles en grande précarité qu’on prend en charge… c’est évident que nous sommes en difficulté. Mais ce qui compte le plus pour moi, c’est que nous avons fait des efforts pour rétablir les comptes de la ville. Pas avec l’idée stupide que ce serait pour respecter je ne sais quel critère financier pour faire plaisir aux banques. C’est avec l’idée que c’était idiot de consacrer une telle partie de la richesse de la commune à payer des frais au lieu de l’investir dans des dépenses subtiles. Nous avons par ailleurs réorganisé nos services pour augmenter notre efficacité, ce qui est salué par la chambre des comptes. Nous avons aussi remunicipalisé des services auparavant extériorisés qu’on payait beaucoup trop cher sans qu’ils soient très efficaces ou correspondent à nos ambitions de service public.

Mais ce qui serait juste, c’est que l’Etat arrête de nous transférer des responsabilités. Ce qui nous coûte cher en ce moment c’est cela. Un exemple concret avec la sécurité publique, pour laquelle l’État est aux abonnés absents dans nombre de situations. Si c’est un trafic organisé, avec toute l’économie parallèle générée par le deal dans un hall d’immeuble, où les gens se sentent menacés, eh bien cela relève de la police nationale et non de la ville. Idem pour les hébergements d’urgence : normalement c’est l’Etat, pas la ville. On rend service bien volontiers quand il y a le plan grand froid, on loue des gymnases ! Il n’y a que deux communes qui le font dans le département, vous le saviez ? Rosny-Sous-Bois et Montreuil. Donc on reçoit tous les SDF du département, mais quel est le soutien de l’État quand nous sommes débordés par les arrivées ?

Pour revenir à la sécurité publique, de récentes agressions commises par les agents de sécurité municipaux ont été mises au jour et dénoncées ? Avez-vous donné des consignes aux agents ?

Cela c’est passé il y a un plus d’un mois, et c’est vrai que j’y suis plus attentive qu’avant. Et je remarque que le droit n’est pas clair sur certains sujets. La police nationale peine à intervenir dans certains domaines. Alors, qui intervient où ? Il y a la théorie, mais aussi la pratique. Quand on dit à nos agents de surveillance de la voie publique qu’il y a un problème, on les envoie d’abord voir. Ils ne sont pas censés intervenir.

Mais il se trouve que, dans les faits, il y a eu plusieurs cas où vos agents sont intervenus et violemment, comme lors de l’expulsion du squat de la Tourelle.

J’allais justement vous en parler. Ils interviennent sur dix ou quinze situations par jour et, en cinq ans, il y a eu trois ou quatre situations inacceptables. L’histoire de la Tourelle est simple : j’apprends que nos agents tentent d’expulser des gens qui s’introduisent dans un bâtiment qui n’appartient pas à la ville. Tout de suite j’appelle le directeur de la tranquillité publique [ndlrDenis Hochard, mis à pied depuis l’affaire du journaliste agressé] pour lui dire « Denis, sauve-toi de là, ce bâtiment n’est pas à nous ! » Il a fallu rappeler la règle. Ils étaient censés intervenir uniquement dans la « protection et la sécurité des bâtiments » comme la mairie.

Mais aucune de ces situations n’a été traitée à la légère. Dans un cas, nous avons été au courant du comportement totalement inadéquat d’un agent, il a été muté, une autre fois, quelqu’un a fait l’objet d’un sérieux recadrage et, une troisième fois, nous avons fait un rappel à la règle : nous n’intervenons pas quand ce n’est pas chez nous, et vous n’avez pas à vous munir d’une arme.

Pourtant, Franck Boissier (militant du Parti de gauche brutalisé par les agents au début du mois de mai) dénonce le fait que vos agents municipaux sont armés de gaz lacrymogènes. Est-ce vous qui avez donné cette directive ?

Je viens de dire le contraire. Mais les agents municipaux sont dans leur rôle lorsqu’ils empêchent Franck Boissier et les Roms de rentrer dans ce bâtiment. La salle municipale n’a pas à être squattée. Mais quand je découvre que des agents portent des bombes lacrymogènes, j’engage une enquête administrative tout de suite, car non seulement je ne l’ai pas autorisé, mais elles n’ont pas été achetées avec l’argent de la ville. Donc, il est probable que le directeur se soit procuré des bombes lacrymogènes. Si Franck Boissier avait porté plainte, cela nous aurait surement évité l’affaire qui s’est déroulée avec le journaliste quinze jours plus tard lors de la soirée électro ! J’aurais agi tout de suite.

Concernant l’épisode du cinéma municipal, le Méliès, vous avez affirmé que c’était un événement difficile sur « le plan humain et sur le plan politique ». Pourquoi cet entêtement, impopulaire, à un an des élections municipales ?

Si je résume ma position, c’est l’un des plus beaux cinémas d’art et essai. Il a été géré très longtemps par une équipe qui a continué à fonctionner sur les bases d’une gestion associative. Elle n’avait pas pris conscience du fait qu’étant un équipement municipal, bénéficiant de finances de la ville, le cinéma avait à rendre des comptes sur la gestion de l’argent public.

Moi je trouve que les choses ne se passaient pas aussi bien qu’elles auraient pu se passer au Méliès. Notamment sur un point. Que l’on fasse des tarifs à 4 euros pour la famille, c’est magnifique, mais il y a une partie très importante de la population qui n’est jamais allée au cinéma. Et je pense que dans une ville comme la nôtre, nous devons faire des efforts de médiation culturelle et aller à la rencontre de ce nouveau public. L’équipe objectait avec raison que, dans trois salles, « c’était dur de proposer des films pour tous, et puis [ils n’avaient] pas la capacité d’organiser de grands débats »… Nous avons donc dit que nous ferions cela au nouveau Méliès [ndlr : prévu sur la place face à la mairie], avec 6 salles.

Montreuil compte environ 10 000 Franco-Maliens, pourquoi le cinéma ne programme-t-il pas, ne serait-ce qu’une fois par mois, un beau film du continent africain, en faisant un effort particulier d’information ou de préparation auprès de la population africaine ? Ce serait juste. Il faut prendre en compte la particularité locale. Je trouve ça révoltant qu’on puisse insinuer que je veuille privatiser le cinéma ou que j’avais un deal secret pour le vendre.

Déjà, avant cette histoire, nous avions eu affaire à l’équipe du cinéma, ce qui m’avait laissé penser qu’il y avait besoin d’une direction à temps plein pour assurer à la fois les questions de ressources humaines, de gestion financière… L’ancienne équipe ne le souhaitait pas. L’ancien directeur du cinéma [ndlr : Stéphane Goudet] est en fait maître de conférence à l’université, il avait donc un poste accessoire au Méliès. J’ai recruté une directrice administrative et financière pour épauler l’équipe existante et pour permettre à l’ancien directeur de se recentrer sur la programmation. C’est cette directrice qui a mis le nez sur des dysfonctionnements du cinéma. J’ai signalé le cas au procureur, une affaire est en cours et valide les constatations de la nouvelle directrice.

Le trésor public a fait une enquête et il a établi qu’il manque des comptes en ordre et pas mal d’argent. Le rapport du CNC (Centre national du cinéma) est arrivé récemment. Ils ont fait une enquête sur les trois dernières années et ont identifié 46 séances litigieuses. Et puis, le trésor public, le CNC, la police judiciaire, ce n’est pas « Voynet et ses copains » !

Et politiquement ?

À un an des élections municipales, je pouvais m’épargner cela ! Vous pensez que c’est bon pour mon image d’avoir une partie des gens de mon électorat naturel qui se mobilisent pour défendre le directeur du cinéma ? Même ma fille, qui suit cette affaire, me dit : « Maman il est là depuis dix ans ! » Mais quand on nomme un directeur de théâtre, on lui donne un contrat de trois ans, puis si ça convient, un autre contrat de trois ans. Mais après c’est fini, il bouge. Comme au théâtre de la Commune à Aubervilliers ! Le directeur bouge, et il n’y a pas des manifestations pour dire que c’est dégueulasse. La mobilité culturelle n’est pas un scandale ! Le Méliès continue et  Stéphane Goudet a eu la chance de diriger un beau cinéma durant dix ans ! Je ne regrette rien. Il y a des élus qui s’intéressent au cinéma et qui pensent que des dizaines de milliers d’euros qui échappent à la comptabilité, ce n’est pas la meilleure façon de sauver le cinéma.

Vous avez créé, malgré l’opposition de certains riverains, deux villages d’insertion pour les Roms. L’existence de ces structures, ne creuse-t-elle pas encore un peu plus le fossé entre les Montreuillois et les Roms ?

village insertionJe n’ai eu aucune lettre, aucun coup de fil de protestation ! Le premier stade a été des squats pourris, puis des caravanes avec des villages d’insertion qui restaient très précaires. Puis nous avons créé les petits modules, variables selon le nombre de personnes dans la famille. Ce sont des logements décents. Quand vous êtes à l’intérieur, c’est presque comme une maison. Et puis on envoie aussi le message aux autres habitants : les Roms ne vous passent pas devant, car on ne veut pas nourrir le racisme en donnant l’impression qu’ils coupent la file d’attente des logements sociaux. Car, après avoir rempli leurs dossiers convenablement, les Roms auront le droit d’accéder aux logements sociaux. Le deuxième message adressé aux Montreuillois, c’est qu’on ne met pas les logements de Roms uniquement dans les quartiers populaires, mais aussi dans le Bas Montreuil. Le deuxième village d’insertion, c’est chez les « bobos » !

Etes-vous en course pour un deuxième mandat ?

Un an avant l’élection c’est trop tôt. Moi, les gens que je croise se posent plutôt des questions du type : « Est-ce que mon gamin va réussir son bac ? » « Est-ce que ma fille va trouver un stage en entreprise ? » « Est-ce que je vais retrouver du boulot ? »…

Propos recueillis par Tom Lanneau, Hugo Nazarenko-Sas et Adrien Chauvin

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