À Noisy-le-Sec, dans le quartier du Londeau, il n’y a pas besoin de Pascal le grand frère. Les grands s’occupent des petits autour d’une association nommée : la Massia. Une alternative locale au centre de vacance.

Dans la vie on se pose beaucoup de questions ! « Suis-je le gardien de mon frère » ? Cette interrogation biblique on la retrouve un peu partout, dans le film : New Jack City, ainsi que dans le rap français avec le rappeur natif d’Aulnay-sous-Bois, Sefyu. Aujourd’hui c’est dans la rue qu’une réponse se fait la plus probante, à Noisy-le-Sec plus précisément dans le quartier du Londeau.

Le rendez-vous est à 11 heures précises, à peine arrivé j’aperçois un groupe d’enfant avec une adulte. Parmi les enfants je reconnais Céline une éducatrice de l’association Rues et Cité, rencontrée dans un autre périple. En attendant les retardataires, elle m’explique qu’elle est de passage. Soudain j’entends la voix aiguë d’une petite fille, Assia : « Pas vrai, tu passes à la télé ? ». La question aussi simple soit-elle m’a mis sens dessus dessous, comme s’il m’avait demandé de citer tous les présidents de la République. À 10 ans, elle regarde LCP ou France ô, il y a de l’espoir dans la jeunesse ! Elle revient au pas de charge : « Tu es journaliste » ? J’aurais pu répondre « oui », j’ai ma carte navigo…

Tout le monde est là, 5 garçons, 3 filles accompagnées de 2 animateurs. Ils sont tous munis d’un sac à dos, l’un d’eux a entre les mains une balle de basket. Cap vers un pique-nique, direction Laumière, dans le XIX° arrondissement parisien, même si le temps n’est pas au beau fixe. Les jeunes ne l’entendent pas de cette oreille et s’engouffrent dans l’épicerie. Jean-Baptiste l’un des animateurs les rappelle à l’ordre : « Oh, on va en sortie ou chez l’hindou en sortie ? » Ils se ravisent et font profil bas jusqu’à l’arrêt du bus. L’un d’eux sort une feuille pliée avec soin, tout le monde l’encercle c’est le planning des sorties pour le mois d’août.

Chacun en va de sa petite organisation, mais ils sont tous d’accord pour se rendre à la prochaine sortie, au camp des loges (centre d’entraînement du PSG). Enfin dans le bus, les enfants compostent leurs tickets et se précipitent vers les places du fond. Pendant le trajet je demande à Brahim l’un des animateurs quelques précisions. Pourquoi « La Massia », d’un club à l’autre, il me répond avec fierté : « c’est le nom du centre de formation du Barça qui a vu émerger des jeunes prometteurs, on veut porter nos jeunes avec autant d’entrain et de qualité que le club catalan ! »

La massia 2La massia 2On arrive au métro avec cette confidence. Les jeunes arborent leurs tickets fièrement comme le sésame d’une bonne sortie en perspective. Aussitôt assis, aussitôt arrivé à bon port. Ils ne savent plus où donner de la tête, tyrolienne, kayak, pédalo, voile, sphère, bi-cross. Il est midi, ils ne tiennent plus en place et veulent jouer oubliant même les cris de leurs propres estomacs. Le ton est donné : « on mange d’abord, on aura tout le temps de jouer après », scandent Brahim et Jean-Baptiste. Ça détale comme des fusées, ils ont déjà pris d’assaut une aire de jeux. Les animateurs capitulent ! Issa un jeune de 15 ans, profite pour nous faire une démonstration de street workout. Sa prestation fait l’unanimité et laisse tout le monde bouche bée.

Le groupe s’attable et déballe leurs casse-croûte à la vitesse de la lumière ! Des regards curieux s’échangent pour savoir qui a amené quoi. Une altercation s’ensuit : « Ton sandwich là, il n’est pas hallal ! », lance Assia. « Si c’est du blanc de dinde et tes chips sont hallal peut-être ? », réplique Serge du tac au tac. Les autres assistent à l’échange, sereins, sans perdre une seule miette. Le débat déclenche l’hilarité de l’assemblée et détend l’atmosphère. C’est parti pour une marche digestive direction les activités. On passe par un pont, les enfants stupéfaits disent qu’il bouge. Jean-Baptiste coupe court à toute interprétation : « C’est dans vos têtes, allez avancez ! ».

Un homme en bas des marches nous regarde, la mine grave : « Oui c’est vrai ça bouge, c’est le phénomène de résonance ». Il n’ y a pas mieux qu’un petit cours pour contrecarrer l’indigestion. Les files d’attente sont pleines à craquer, Brahim prend soin de se renseigner, ils nous répondent : « là, vous n’aurez pas de place avant 18 heures, les inscriptions ont démarré à 12 heures ! » nous dit-il sans prendre de gant. Il est déjà 13 heures, les réactions ne se font pas attendre : « C’est nul, c’est tout pourri. On aurait dû rester au quartier ! », lancent les enfants déçus. Brahim rattrape le coup : « Ne vous plaignez pas à la base la sortie c’était un juste un pique-nique, on a changé le lieu et le programme pour vous faire plaisir ! ».

Dépourvu d’activités, le groupe entame alors un grand match de basket dans un city stade. Les moues boudeuses, défaitistes, ont vite été remplacées par des sourires. L’horloge tourne, il est 16 heures c’est l’heure de rentrer ! Sur le chemin du retour, on passe à côté d’un scooter. Assia nous fait remarquer en rigolant : « Y’a marqué ‘pute’ sur le dos du scooter ! ». Un groupe passe au même moment et se fait contaminer par le fou rire de la jeune fille. Je ne peux pas m’empêcher d’intervenir : « c’est rien c’est de l’anglais ! C’est comme la marque Nike si on le prononce à la française ça fait ‘nique’ », lui dis-je sérieusement dissimulant mon envie de rire. Elle acquiesce, elle retourne à ses occupations et la journée se finit là ou elle a commencé, avec en prime un hilarant quiproquo.

Lansala Delcielo

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