Ce mercredi 11 septembre, le tribunal d’instance doit se prononcer sur l’expulsion des habitants du 2 rue de Valenciennes, occupé par des familles et des jeunes depuis l’hiver dernier. Une décision qui met à nouveau en avant les problèmes de logement dans la capitale et la non application de la loi Dalo.

Fin mai dernier, le documentaire Ainsi squattent-ils de Marie Maffre était diffusé en avant-première au sous-sol du 2 rue de Valenciennes (X° arrondissement parisien), un immeuble spacieux et confortable de cinq étages, avec patio intérieur, situé à quelques encablures de la Gare du Nord. Des habitants du squat telle cette étudiante sans logement côtoyait blogueurs et militants du collectif Jeudi Noir invités à commenter le film et débattre sur le mal logement en général, et les squats en particulier. Trois mois plus tard, le 2-rue-de -Valenciennes est l’objet d’un nouveau bras de fer, arbitré par la justice, entre des militants associatifs pour le droit au logement et des intérêts privés.

carreAinsSquattentIlsLeDebat (2)Bien acquis par la société SNC dirigée par deux promoteurs espagnols, au prix de 2 765 000 euros en 2003 mais inoccupé depuis plusieurs années, des jeunes et des familles sans-logis soutenus par le DAL (Droit au Logement) et le collectif Jeudi Noir décident d’investir le 2-rue-de-Valenciennes le 30 décembre 2012. L’objectif, le relogement à long terme de ses habitants, puis si possible, la transformation de ce bâtiment en logements sociaux, à l’exemple du 24-rue-de-la-Banque à Paris, squat militant emblématique devenu un immeuble HLM.

Mais depuis l’occupation du 2-rue-de-Valenciennes, les propriétaires ont décidé de vendre. La ville de Paris, dans le cadre de sa politique de réalisation de logements sociaux, a préempté et a proposé en mai 2013 de l’acquérir au prix de 4,3 millions d’euros (soit avec une plus-value de 56 %). Offre rejetée : les propriétaires en veulent 7,2 millions. Un juge de l’expropriation devra prochainement trancher le litige.

Entre temps, une décision du tribunal d’instance concernant la demande d’expulsion des habitants du 2-rue-de-Valenciennes sera rendue ce mercredi 11 septembre, en fin de matinée. Par ailleurs, le DAL et deux militants de Jeudi noir sont également poursuivis devant la justice civile, les propriétaires leur réclamant 1 million d’euros.

Ses occupants, le DAL, Jeudi noir, ainsi que des marcheurs de la plateforme espagnole des victimes de la spéculation immobilière et bancaire, (partis de Cordoue et arrivés à Paris pour quelques jours avant de repartir vers Bruxelles), tiendront, mercredi au cœur de cet immeuble, une conférence de presse à 11 heures. Ces espagnols qui composent le groupe de marcheurs sont de passage au 2-rue-de-Valenciennes en qualité de témoins de la bulle spéculative, puis, de l’effondrement du marché immobilier en Espagne. Depuis, des dizaines de milliers de familles ont été expulsées de leur logement avec pour conséquences nombre de suicides…

Et de se remémorer le quotidien des squatteurs du documentaire de Marie Maffre, Ainsi squattent-ils. La cinéaste avait filmé l’occupation de l’immeuble dit de « La Marquise », 1500 mètres carrés, Place des Vosges à Paris, inhabité depuis 1963 et laissé littéralement à l’abandon. Qu’ils soient mal-logés, militants du droit au logement, étudiants ou travailleurs précaires, son film montrait comment ses habitants en se ré appropriant cette jachère immobilière la réhabilitaient pour en faire un lieu de vie et de création. Et par leur squat, d’attirer le regard des riverains, des médias et des pouvoirs publics sur la grave crise du logement qui sévit en France, notamment sur des points de grande pénurie comme la capitale.

Ainsi squattent-ils permet aussi de mettre en lumière le travail des femmes et des hommes engagés au sein de Jeudi noir, et des risques qu’ils encourent parfois en squattant ces lieux emblématiques, souvent la propriété de puissantes transnationales ou de grandes fortunes françaises. Suite à plusieurs décisions de justice, une dette de 92000 euros solidaires entre 13 personnes, pour le cas l’immeuble de La Marquise, pèse encore sur le quotidien de certains. Et pour celui de la Rue-de-Sèvres, c’est une dette de 22000 euros à diviser entre 6  qu’il reste « à honorer ».

Mais si l’action de ces militants n’est pas sans risque, financier notamment, les coups de poing médiatiques qu’ils provoquent permettent aussi de braquer les projecteurs sur les chiffres de la crise du logement en France, à savoir :

– 1,7 millions de demandes de logements sociaux en attente.

– 3,6 millions de personnes mal logées selon la Fondation Abbé Pierre.

– 10 millions de personnes concernées par la crise du logement.

– 2,3 millions de logements vacants selon l’INSEE, soit environ 7% des habitations françaises. 53% de ces logements sont des appartements. 65% de ces habitations vides disposent d’au moins 3 pièces.

– 410 000 appartements et maisons vides pourraient être rapidement remis en location, n’étant pas considérés comme insalubres.

– 329 000 logements vacants sont comptabilisés en Île-de-France ; 70% sont situés à Paris ou petite couronne.

– 5 millions mètres carrés de bureaux sont également vacants en Ile-de-France.

Quant aux squatteurs du 2-rue-de-Valenciennes, tous ont déposé une demande de logement social, parfois depuis plusieurs années. Beaucoup sont reconnus prioritaires DALO mais n’ont jamais été relogés par l’État. Or si une décision d’expulsion était rendue mercredi 11 septembre, ses occupants n’auraient pas d’autre alternative que de se retrouver de nouveau… « à la rue ».

Sandrine Dionys

NB (12/09/2013) : Le Tribunal d’instance du 10ème arrondissement de Paris a, mercredi 11 septembre, ordonné l’expulsion mais accorde un délai. Pour les 13  familles (dont 27 enfants) éligibles au DALO, le délai est de 6 mois pour trouver une solution de relogement. Pour les autres (des jeunes précaires pour la plupart), le délai accordé est de 2 mois.

Ainsi squattent-ils : Bande annonce

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