Selon un récent sondage, l’école peut nuire au moral des professeurs. Qu’en est-il des élèves, victimes collatérales, pour qui,  à l’instar de Hadjila, l’école a tué le plaisir d’apprendre ?

Selon « le Point », qui n’est pas final, « Les profs broient du noir ». Voilà. Laissez-moi vous rassurez, cher corps professoral, vous n’êtes pas les seuls. J’ai tellement broyé de noir durant toutes mes années scolaires que même le tableau s’est trouvé en miettes (clap clap).  Les veilles de rentrée étaient synonymes de fin de vacances, ce qui, dans un premier temps, ne me réjouissait pas des masses. Lorsque ma mère prenait le catalogue de La Redoute (qui n’a jamais aussi bien porté son nom) et nous disait de choisir un pull et un jean « deux tailles au-dessus pour qu’il dure et dans les pages vertes où il y a les réductions »,  je savais que l’heure fatidique approchait. Quand elle lavait nos trousses et cartables de l’année qui précédait la précédente (on n’a pas attendu d’être écolo pour recycler, « nous »), les gouttes qui s’en échappaient se mêlaient à mes larmes de désespoir.

Nul besoin de gaz sarin pour nous endormir, chers profs qui broyez du noir, vous y arriviez très bien. J’ai broyé du noir, je le jure sur la tête de mon Bescherelle, lorsque j’ai du apprendre des bases de conjugaison dans un livre dont la définition du titre m’échappe encore aujourd’hui. Je perdis le sens de la raison, chers professeurs, lorsqu’on me demanda d’acheter un Bled et qu’on m’expliqua que ce livre était une base de la langue française, moi qui considérait que le bled était tout sauf une base de la langue française. Si vous broyez du noir, chers professeurs, sachez que le Xanax, l’Adderall ou le Vicodin, ça aide. Non, chers professeurs, ce ne sont pas les noms de familles des nouveaux de 5e B, non non. Ce ne sont pas non plus les nouveaux manuels de conjugaison qui sentent bon le renouveau et l’espoir d’une éducation nationale qui tend à espérer que ses professeurs ressembleront à Laura Ingalls, fantastique maîtresse de Walnut Grove dans « La petite maison dans la prairie », qui a bénéficié d’une superbe conseillère d’orientation, pour une fois, parce que c’était mal barré pour elle, à la base.

Disons que ce sont des petits remontants qui aident à voir la vie en rose (lâchez cet ecstasy tout suite Madame Lejeune, ce n’est pas ce dont je parlais) et à ne pas vouloir égorger cette connasse de Marie-Capucine Decrombecquet, dont le nom est aussi long que le bras de sa mère, qui fait partie du conseil des parents d’élèves et qui trouve inadmissible que le latin et le grec ne sois pas proposés en LV1, je compatis, chers professeurs. M’enfin. J’ai appris à lire avec un rat qui s’appelait « Ratus », comme quoi tout est possible. Il avait une sacre tête, il ressemblait un peu à Splinter, le rat des « Tortues Ninja ». Mais force est de constater que la méthode marchait bien. La bestiole était tellement effrayante que nous étions obligés de nous concentrer par peur de représailles de Ratus et son crew (parce qu’il avait une bande, qu’on se le dise). Chers professeurs, si vous êtes au bout du rouleau, sachez que vous n’êtes pas les seuls. Imaginez les affres que nous avons du subir en primaire lorsqu’Edouard Balladur est apparu au milieu de la cour de récré, ce jour de fête de l’école, à serrer des mains et graver son image de sa longue taille et de sa glotte proéminente. Il y a des traumatismes dont on ne se remet pas.

Chers professeurs qui broyez du noir, je compatis mais pas trop quand même. Je compatis parce que ça doit être super relou d’avoir des Sylvain en puissance qui vous posent des questions sans réponses, du style : « Madaaaame, pensez-vous que l’imparfait du subjonctif de verbe « ahaner » donne « ananas », et si toutefois c’était le cas, comment le traduire en latin en respectant la règle des cinq fruits et légumes par jour ? » Et des Jordan à queue de cheval avec une boucle d’oreille qui vous demandent : « M’dame, c’est qui qui goûte la nourriture pour chats à part les chats, tsé ? » En terme d’ascenseur émotionnel, ça doit être les montagnes russes, pire qu’un épisode de « Plus belle la vie » diffusé en prime time par Morandini. Et puis, vous connaissez la psy du collège qui a monté une cellule anti-crise spécialement pour vous. Vous sursautez et votre psoriasis refait brutalement surface dès qu’un élève lit l’énoncé d’un exercice avec le mot « analyse ». Oui, ce texte s’adresse bien à vous.

Du coup, plein de bonnes résolutions, vous avez fait un pèlerinage cet été à Aix-la-Chapelle et vous vous êtes recueillis sur la tombe de Charlemagne (c’était remboursé par la sécu dans le cadre de votre analyse) en le maudissant parce que la psy a dit qu’il fallait « faire un transfert de votre haine sur un sujet physique ». Et c’était soit lui, sois Vincent Peillon. C’était moins risqué pour Vincent. Si votre bonne résolution n’est plus qu’un vieux souvenir lorsque, dix minutes après le début du cours, vous vous retrouvez le chemisier maculé d’encre (du verbe « se faire victimiser »), debout sur la table en hurlant « vous polluez mon environnement ! », et qu’en guise de réponse, on vous envoie un « projectile » (les bouts de gomme sous les pieds des chaises), n’hésitez pas à faire un pèlerinage à Porte de la Chapelle, cette fois, (cf. le Vicodin).

La famille, si vous broyez du noir, sachez que vous nous en avez fait voir de toutes les couleurs (second clap clap). Sachez aussi que j’aurais aimé avoir les mêmes profs que le mec qui peut nous apprendre à gagner 1 845,97 euros en 20 secondes sur Internet, j’aurais aimé avoir Walter White, le prof de chimie dans « Breaking Bad » et accessoirement, j’aurais aimé que Morsay et certains membres du gouvernement bénéficient d’une meilleure conseillère d’orientation (toujours elle).

J’aurais aimé que l’accès aux études supérieures ne relève pas du parcours du combattant, (on n’est pas tous Super Conquérant, vous l’avez ?), et ne pas avoir à payer une école pour entendre des gens payés nous dire de ne pas espérer être payé plus tard, même si on a payé pour, logiquement, être mieux payé.

La messe est dite, chers profs qui broyez du noir, prenez une pilule, fermez les yeux et suivez la lumière blanche, ça vous évitera de sombrer dans les ténèbres.

Hadjila Moualek

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