Dans un des états le plus riches du monde, le quotidien des jeunes parents n’est pas le même que dans le reste de l’Europe. A commencer par les congés parentaux, 49 semaines de congés parental dont 14 semaines pour les hommes : l’état norvégien offre à ses concitoyens le temps d’accueillir leur enfant et de profiter de sa première année de vie avant la reprise du travail.

La France ne souffre pas la comparaison. Avec 2 semaines pour les pères et 16 pour les mères (6 en prénatal et 10 en postnatal), le retour à l’emploi n’est pas toujours aisé d’autant que le manque de places en crèche ajoute une difficulté supplémentaire pour les nouveaux parents. Qui va garder leur nourrisson de quelques mois ? Car confier son nouveau-né à une assistante maternelle, aussi compétente soit-elle, n’est pas une mince affaire, parfois même une période angoissante.

En Norvège, le problème ne se pose pas. Le bébé sera gardé 49 semaines par l’un des deux parents à 100% d’un montant de référence qui peut être complété par l’entreprise. Il existe même la possibilité de prolonger le congé parental de 10 semaines compensé par l’état à 80% du salaire, les 20% restant à la charge de l’employeur. Un système presque idéal où se décèle toutefois une inégalité entre les salariés de grandes entreprises (qui complètent le salaire) et des petites entreprises qui n’ont pas les moyens de le faire. Néanmoins, ce système reste l’un des plus généreux du monde avec celui de la Suède, d’autant que l’État norvégien s’engage à trouver une place en crèche à tous les enfants à partir de 1 an. Et si aucune place en crèche n’est proposée, l’État versera à la famille 5000 couronnes (610 euros environ) par mois pour un bambin de 13 à 18 mois, puis 3300 couronnes (402 euros environ) pour un enfant âgé de 19 à 23 mois jusqu’au moment de lui trouver une place.

La générosité de ce dispositif surprend les ressortissants français quand ils s’installent en Norvège pour des raisons professionnelles, essentiellement. C’est le cas de Philippe*, 38 ans, déjà père de deux garçonnets de 4 et 2 ans et dont une petite fille est prévue à naître en décembre. Ingénieur dans le secteur pétrolier, résidant en Norvège depuis 5 ans, il apprécie le dispositif. Il bénéficiera au total de 42 semaines de congé parental avec trois enfants, sans parler des 135 semaines pour sa femme.

Philippe voit un gros avantage au « Pappapermisjon » de 14 semaines sur les 49 semaines du congé parental d’un couple. « Il permet à une famille de profiter et participer pleinement à la première année de vie de ses petits. Elle est cruciale, et voir grandir ses enfants sans être pénalisé professionnellement puisque tous les salariés sont logés à la même enseigne est très rassurant. Cela permet de ne pas sacrifier sa vie familiale pour sauvegarder son emploi ou booster sa carrière professionnelle…»

Pourquoi une telle divergence entre les systèmes français et norvégien ? Parce qu’en Norvège s’est ancré très profondément le likestilling. « En France, la mentalité est tellement différente. J’imagine mal un collaborateur homme d’une grande entreprise comme celle dans laquelle je travaillais à Paris, annoncer qu’il quitte son poste trois mois pour s’occuper de son bébé. Or ici c’est entré dans les mœurs parce que c’est la loi et que la notion du likestilling, l’égalité entre les hommes et les femmes, est très forte. Pour les Norvégiens, c’est l’équivalent pour nous Français de la devise ‘Liberté-Egalité-Fraternité’ ».

Une notion d’égalité homme-femme qui a aussi correspondu avec une prise de conscience pour Philippe. « Quand je m’occupe de mes deux fils en journée, je n’ai le temps de rien faire d’autre… Et pendant les moments de tranquillité quand ils dorment ou regardent un dessin animé, j’en profite pour avancer les tâches ménagères qui s’accumulent. Je comprends ce que ressentent les femmes qui restent au foyer pendant que le conjoint passe la journée à travailler à l’extérieur… Je compatis tellement avec elles ! » sourit Philippe, bientôt père de famille nombreuse.

En Norvège, le likestilling qui promeut l’égalité des chances et des droits pour les femmes et les hommes traite aussi le champ du handicap, de l’orientation sexuelle, de l’âge, de l’origine ethnique… Concrètement dans le domaine de l’égalité femme-homme, neuf mères norvégiennes de jeunes enfants sur dix restaient à la maison en 1965. Aujourd’hui, huit sur dix travaillent avec quasiment autant de femmes que d’hommes sur le marché du travail. La représentation féminine dans la vie politique norvégienne est également très élevée comparée à la France.

Le likestilling ne s’arrête donc pas à la sphère privée puisque 40 % des députés sont des femmes et la même proportion se retrouve au niveau local. Ce résultat fut obtenu notamment à la suite de campagnes nationales systématiques, précédant les principales élections, puis de quotas volontairement mis en place par les partis politiques soumis à la pression du vote féminin mobilisé par les campagnes financées par l’état, ou menées par les associations féministes et dirigées vers ses mêmes partis politiques. En 2003, la Norvège fût le premier état à imposer des quotas dans les conseils d’administration des entreprises et en juin 2013, il est devenu le premier pays européen et le premier membre de l’OTAN à rendre le service militaire obligatoire pour les hommes comme pour les femmes, loi qui s’appliquera dès 2015.

Dans les rues d’Oslo, voir de nombreux hommes promener des poussettes, faire goûter leur enfant à 4 heures un jour de semaine, aux heures de bureau, n’a rien de surprenant. Mais un phénomène encore invisible en France où le likestilling, l’égalité entre les hommes et les femmes dans de nombreux domaines (professionnel, représentation politique, salarial) est loin d’être la norme.

Sandrine Dionys

*prénom modifié

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