Le french-bashing d’une journaliste américaine de Newsweek a fait tomber l’Hexagone de sa chaise. Le pays serait à la dérive à cause notamment d’une social démocratie sans limite qui, à force de trop chouchouter ses citoyens, se retrouve fauché. Sauf que…

Ce sont toujours les mêmes chiffres, toujours les même faits que l’on nous assène. La France, première en tout ce qui est nul, en consommation d’antidépresseurs, en immobilisme, en soupirs et ronchonnements. Point de place pour l’optimisme jusqu’à cet article dans Newsweek qui a fait vibrer la fibre patriotique de beaucoup d’entre nous. Certains parleront de chauvinisme, ce défaut tellement français quand d’autres diront ça suffit. Comme moi.

Inutile de revenir sur les inexactitudes dont cet article est truffé. Je me fais souvent avoir mais je n’ai jamais payé mon demi-litre de lait 3 euros, tout bio, entier ou au soja soit-il. Qu’il s’agisse du quartier latin ou j’ai erré en tant qu’étudiante qu’en banlieue ou j’habite. Les couches et les crèches gratuites, passons également. Cette présentation de l’Etat-providence et du modèle social français confine au ridicule lorsque l’on sait aujourd’hui à quel point le sacro-saint « service public à la française » est mis à mal par le droit de l’Union européenne qui pousse à coups de directives à davantage de libéralisation du marché. Mais pourquoi ne nous félicitons pas de ce que nous continuons à défendre ? Le prix dérisoire des universités, même les plus prestigieuses. Le système de bourses et d’allocations familiales qui a permis à la fille d’ouvrier que je suis et à mes sept frères et sœurs de suivre des études supérieures.

Aujourd’hui, ces aides sont rendues au centuple par le jeu des prélèvements fiscaux. Le ticket de métro dont le prix reste raisonnable comparé à ce que les transports coûtent dans une ville comme Londres. Certes la France compte beaucoup de fonctionnaires, cela coûte cher, mais ce sont eux qui ont permis, entre autres, de maintenir la croissance de la France au plus fort de la crise. Voyons le verre à moitié plein.

Au delà de cela, il est encore plus ridicule de parler de socialisme, comme si la France était devenue une dictature de l’est et que seules ces deux dernières années avaient ruiné le pays. Si nous vivions vraiment « en socialisme », la TVA n’aurait  sûrement pas augmenté au 1er janvier dernier. Cela parce que la TVA est cette sorte de taxe sournoise qui touche surtout les classes populaires dont la totalité du revenu passe dans la consommation et que cette taxe ne porte que sur la consommation. Lorsque l’on touche 1 000 euros, à la fin du mois, il reste rarement grand-chose, vous n’êtes peut-être pas imposable mais tout ce que vous avez dépensé a été taxé et ce sans que ne l’ayez senti. La TVA est l’impôt le plus « rentable » et le plus indolore qui soit, félicitions-nous au moins qu’il s’agisse d’une invention française.

Également, si le gouvernement était si socialiste que ça, il aurait sûrement remédié à l’écart gigantesque qui existe entre l’imposition à laquelle est soumise une PME et celle à laquelle est soumise une entreprise du CAC 40 ainsi qu’aux nombreux aménagements dont ces dernières peuvent bénéficier. Alors, bien sûr, il y a de la peur, parce que malgré tous les prélèvements fiscaux, les recettes fiscales sont insuffisantes. La France vit au-dessus de ses moyens. Il y a de quoi avoir peur quand je me dis qu’à la direction des URSSAF, on attend que les cotisations sociales tombent pour payer les retraites, pas avant parce qu’il n’y a plus d’argent.

Mais naïvement, je me dis qu’il y a aussi de l’espoir, parce que les Français se rendent aux urnes en masse tous les cinq ans, parfois sans trop y croire mais en espérant, mais surtout en croyant dans le potentiel de ce pays. Je me dis qu’il n’y a pas que de la médiocrité quand je vois combien les jeunes s’investissent, comment certaines associations se battent. Non, il n’y a pas tant de médiocrité que ça, il y a Daft Punk, Brodinski et Jean Dujardin. Il y a eu Molière, Hugo et Saint-Laurent. Et il y en aura d’autres, il s’agit seulement d’y croire.

Latifa Oulkhouir

Photo : Stéphane Chasseloup

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