Concilier les études et la parentalité relève bien souvent du défi, d’autant plus que le statut ‘étudiant-parent’ n’existe pas, pas plus que les aménagements. Sonia a rencontré de jeunes mères qui partagent leur temps ente les bancs et leurs enfants.

Un matin, alors que Linda était affalée sur la table, dans la salle de classe, je lui demande pourquoi elle était constamment ailleurs… Elle répond, encore groggy, : « J’ai deux petits monstres à la maison… Ils m’en font voir de toutes les couleurs, alors ici, dès qu’il y a une pause, j’en profite pour me reposer ». J’ai alors réalisé la chance que j’avais de pouvoir rentrer chez moi, enlever mes bottes et m’allonger sur le canapé, tranquillement. Et je me suis intéressée à la vie de ces mamans-étudiantes.

Linda, Laura, Melody et Sabbah sont quatre femmes, quatre parcours différents, ayant un point commun : elles sont mamans et étudiantes. Laura, 23 ans est en troisième année de licence intervention sociale à l’Université Paris XIII. Elle est mère de deux filles, Anaïs 2 ans et Shana 4 ans. Enceinte à 18 ans, elle a dû interrompre ses études après l’obtention de son baccalauréat pour se consacrer à sa grossesse. Un an après, avec l’aide de sa mère, elle réussit à trouver un compromis entre sa vie de mère et la construction de son futur.

Elle reprend donc les cours après une année de césure. « Sans ma mère je n’en serais pas là aujourd’hui, je suis tombée enceinte par insouciance, j’étais jeune et irresponsable. J’ai failli foutre ma vie en l’air ! », avant de continuer : « J’en paye le prix aujourd’hui, je suis très contente d’avoir eu mes filles jeunes, j’espère qu’on aura une belle complicité plus tard. Mais en cours, il m’arrive d’être en retard, d’avoir sommeil à cause des nuits blanches quand Anaïs ou Shana est malade… Le père, quant à lui n’apprécie pas le fait que je lui accorde peu de temps, bref c’est vraiment un casse-tête au quotidien ! »

Laura tente d’avoir plusieurs vies et n’arrive pas toujours à maitriser ces priorités. Même avec toute l’aide de sa mère c’est très difficile. Mais c’est incomparable avec la situation de Mélody, 35 ans. Mère de trois enfants, elle a fait des études de géographie où elle s’est épanouie, avant de devenir paysagiste. Elle décide de tout quitter pour devenir assistante sociale. Elle a intégré l’Institut de formation en travail social il y a quelques années à la Pitié-Salpêtrière où elle prépare le diplôme d’État.

« Le matin j’essaye de déposer mes enfants à l’école rapidement en voiture avant de prendre le train pour Paris. J’habite dans la grande couronne parisienne, tous les jours je fais un chemin de deux heures environ en train pour arriver à Place d’Italie afin d’étudier. Quand je rentre vers 18 heures, la journée est loin d’être finie. Je prépare le repas du soir, je range un peu, car mes enfants sont bordéliques, mon mari, je m’occupe de lui que le week-end, en même temps que les machines à laver !»

Elle m’explique qu’en cours elle se place au premier rang et qu’elle est très attentive, car elle ne sait pas si elle aura le temps de revoir ce qu’elle note. Pourtant, elle s’organise avec un planning qu’elle fait chaque semaine selon les révisions qu’elle a ou les activités de ces enfants. Son mari l’aide dans les tâches ménagères bien que ce soit elle qui fait la majeure partie de celles-ci. Il s’occupe des devoirs des enfants ainsi que des tâches administratives. « Mon mari est compréhensible, il essaye de m’aider à m’organiser, s’il peut m’enlever une charge il n’hésite pas. Mais il est comptable, il a énormément de travail, je ne peux pas lui imposer mon choix de reprendre les bancs de l’école. Il doit faire avec, mais j’essaye de m’organiser sans trop le solliciter, mais c’est dur…. »

Elle a réalisé qu’elle ne pouvait pas se permettre de sacrifier ses aspirations professionnelles pour sa vie familiale. « C’était une sorte de déclic, ou je continuais dans mon métier, je me taisais et j’étais malheureuse. Ou je prenais mon courage à deux mains et je reprenais les cours. J’ai opté pour la seconde solution. » Revers de la médaille, l’aspect financier, elle reconnaît que sa situation était très confortable lorsqu’elle a décidé de repartir à zéro.

Sabbah a 29 ans. Elle vit seule avec son fils de 5 ans, Malik. Après avoir multiplié les petits boulots, elle décide de reprendre sa vie en main. Pour ce faire, elle intègre une licence de lettres en première année à Paris X avec l’objectif de passer le Capes. « Je sais que c’est un engagement très sérieux, j’aurais fini mes études a 34 ans. Mais, j’ai envie d’être professeur de français. Il y a un âge limite pour accomplir ses rêves ? Autant continuer à travailler à temps partiel, les petits boulots précaires ça me connait. Je préfère travailler à temps partiel et reprendre mes études plutôt que broyer du noir, être malheureuse et le faire ressentir à mon fils. » D’ailleurs ce dernier trouve des avantages à cette situation « Maman, maintenant elle a des cahiers comme moi, on fait nos devoirs ensemble, c’est rigolo ! ».

Elle se dit beaucoup plus épanouie depuis qu’elle a repris les cours. Aussi, elle a gagné confiance en elle et en ses capacités. « Je dois avouer une chose : c’est très difficile quand on a arrêté depuis plus de dix ans d’étudier, de revenir. Mais ça vaut le coup ! Vraiment ! »

 Sonia Bektou

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