MUNICIPALES 2014. A Lyon, à quelques encablures de la gare historique de Lyon-Perrache, le centre commercial Confluence flambant neuf a remplacé l’ex-quartier malfamé, ancienne halte aux prostituées. Reportage.

Situé au Sud de la presqu’île lyonnaise, le quartier Confluence suscite une controverse politique. Pour Gérard Collomb, le Maire de Lyon, Confluence c‘est la vitrine de « Lyon Capitale européenne ». Tandis que Michel Havard, candidat de l’alliance UMP/UDI, pointe  « les embouteillages et les difficultés commerciales du quartier de la Confluence ». Mais les véritables enjeux de ce quartier sont ailleurs. Le principal défi de l’équipe municipale, c’est de rendre un ancien quartier malfamé (Perrache), rebaptisé Confluence, fréquentable.

Perrache garde les stigmates d’un passé industriel (industries polluantes), avec une population d’origine ouvrière. Le quartier sud de la presqu’île est tristement connu pour la prostitution, la criminalité avec les prisons Saint-Paul et Saint-Joseph construites au XIXe siècle. Passer de Perrache à Confluence c’est l’étrangeté incarnée. Entre  histoire sulfureuse et avenir incertain. Nous sillonnons « l’vieux Perrache », ses immeubles décatis et délabrés, pour rejoindre le luxueux Pôle de Commerces et de Loisirs Confluence par le court Charlemagne, à l’angle du quai Arlès-Dufour. Des Navettes fluviales permettent d’accéder au complexe commercial d’un quartier construit ex nihilo. A partir du néant. Le quartier à l’image du terrassement de l’esplanade François Mitterrand proche de l’hôtel de région, murmure ses premières notes depuis trois années. Avant, de vieux entrepôts dominaient ce secteur abandonné par la vie de presqu’île. Avec des logements typés art contemporain, le quartier affirme une identité moderne et dynamique.

IMG-20140215-00484IMG-20140215-00484En ce samedi ensoleillé, les passants étaient aux abonnés absents dans le centre commercial, les quais étaient déserts. Dans le même temps, sa grande sœur historique, la Part-Dieu était une zone de non-droit pour les agoraphobes. Une habitante de Confluence nous parle d’un nouveau cadre agréable où il fait bon vivre. Elle déplore « l’absence de commerce de proximité » qui rend compliqué le développement d’une vie de quartier et donc d’une identité. Plus loin, quatre ados font du skate, séduits par le nouveau « spot » qu’ils ont trouvé pour « rider ». Ils se disent satisfaits du chantier du second mandat de Collomb et estiment que Confluence n’appartient pas aux Lyonnais.

Nous entrons dans l’enceinte commerciale, un retraité examine le toit de l’édifice en sirotant son milk-shake, nous l’abordons. Il nous répond : « Je suis de Rillieux-la-Pape. C’est un travail difficile, ce toit a dû mobiliser énormément de monde » dit-il, admiratif. « Mais quand même avec ce vent qui passe… en hiver c’est dommage d’avoir toutes ces ouvertures vers l’extérieur ». Il adresse une doléance à Monsieur le Maire : « Je lui dirais bien qu’il y a trop de courant d’air ici » dit-il en riant.

Au dernier étage, c’est un peu l’espace détente, les clients peuvent décompresser sur des sofas lounges. Deux adolescentes viennoises affalées sur les canapés ne boudent pas leur plaisir. Elles sont à 45 minutes du centre commercial. « Ça change de ce qu’on peut voir à la Part-Dieu. Ce quartier est plus aéré. Il y a plus de luminosité. Ici c’est plus simple pour ceux qui ne sont pas dans l’agglomération. On voit beaucoup de gens de Vienne ». Un jeune homme est assis à côté, il nous regarde discuter avec les demoiselles avec amusement. « Moi je viens d’ici. Avant, il n’y avait rien. C’était vide, on disait que c’était le quartier des putes et c’est tout quoi. Maintenant je ne dis même plus Perrache, j’dis que j’habite à Confluence ».

Le quartier est à la croisée des chemins. Plusieurs scenarii s’offrent à Confluence et Perrache. Le projet pourrait friser la correctionnelle, à cause d’une greffe avec les Lyonnais qui n’aurait pas prise et qui la jetterait comme l’ancienne prison de Saint-Paul aux oubliettes. Néanmoins, son salut pourrait passer par le prolongement imminent du Tramway T1 qui reliera le métro Debourg à Confluence, via le musée éponyme grâce au nouveau pont Raymond Barre.

Confluence devait désengorger le centre et la Part-Dieu. Au contraire, le quartier devient un nouveau centre-ville pour les communes voisines et périphériques du Grand Lyon. Dans l’esprit des électeurs lyonnais Confluence-Perrache sonne toujours comme un oxymore. Nous revisitons Docteur Jekyll et Mister Hyde. Mister Perrache est le vieillard dont on tait le nom, en se disant que le Docteur Confluence gagnera en influence et apaisera les intempérances d’un vieux patient du second arrondissement.

On ne balaie pas l’histoire d’un quartier d’un simple revers de la main, à coup de chantiers pharaoniques. L’Europe ne pourra pas s’approprier Confluence tant que les Lyonnais le bouderont. Monsieur Collomb l’apprend à ses dépens.

Balla Fofana et Saïd Harbaoui

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