EUROPEENNE 2014. Jeune écologiste et proeuropénne, à 26 ans, Clarisse Heusquin, originaire d’Issoire, est candidate aux élections européennes. Portrait d’une candidate pétillante qui n’a pas la langue dans sa poche.

Le rendez-vous est pris à 10h30 au 100 rue La Fayette, au local presque désert des jeunes Verts. La journée démarre en douceur, les bises pleuvent, les cafés noirs s’enchaînent sur fond de blagues et discussions écolo. Après 10 minutes d’attente, Clarisse, la jeune candidate au look tape à l’œil, débarque tout sourire. Veste bleue électrique, arborant un badge smiley jaune fluo, chaussures rouges et noires pointues, elle m’invite à la terrasse du café du coin.

Sur fond de brouhaha urbain, elle commande un thé vert avant de décliner son parcours avec un enthousiasme et une spontanéité bouillonnante. Au premier abord, une trajectoire cohérente sans embûches : après une prépa hypokhâgne, elle quitte Issoire pour étudier le droit et les sciences politiques à Lyon. En 2009, elle s’envole pour une année Erasmus en Norvège, puis s’oriente vers un Master en Affaires Européennes à Bruxelles.

Son éveil pour la politique, lui, est venu un peu par hasard et assez tard. D’ailleurs, elle le confie, au départ, la politique elle en était blasée : « mes parents sont de gauche, mon père achète le Canard Enchaîné toutes les semaines mais avant 2009, pour moi les Verts ne servaient à rien et l’Europe non plus« . En 2009, son intérêt pour la politique s’affirme sur les bancs de la fac :  un programme des  Verts lui tombe dans les mains et c’est le coup de cœur : « je me suis retrouvée dans leurs idées, je suis venue à l’écologie politique par les questions sociales, j’étais d’accord sur la transformation de notre société de consommation. J’ai compris que les Verts ce n’était pas que l’environnement et qu’ils proposaient un moyen de changer de modèle de société« . Puis, ensuite vient son engouement pour l’Europe, en cours de politiques européennes, « c’est la révélation, je me suis rendue compte que la politique de l’Union Européenne influençait notre vie quotidienne ».

En 2010, elle adhère à EELV mais le début de son aventure politique prend réellement racine chez les Jeunes Ecolo : « en 2011, j’ai représenté EELV à un gros événement européen, le Congrès du Parti Vert européen. Puis en 2013, je faisais campagne pour devenir porte-parole des Jeunes Verts Européens, c’était un pari un peu fou, que j’ai perdu ». Fervente optimiste, avec du recul, elle analyse sa défaite aux JVE, comme un mal pour un bien : « grâce à cet échec, je me suis présentée pour les Européennes en France, si j’avais été porte-parole je n’aurais jamais pu tout assumer » assure-t-elle.

Pour cette jeune profane en politique, sa candidature aux européennes est un véritable concours de circonstances. Un bref coup de fil de Matthieu, un pote écolo, l’a convaincue à se présenter : « il m’appelle et me dit qu’il n’y a pas de jeunes candidats pour les européennes  chez les Verts et me fait : « tu connais l’UE, présente toi ! ».

Conformément à la procédure démocratique du parti, Clarisse balance un CV « tout en couleurs » et une lettre de motivation. Peu connue, à la surprise générale, elle arrive en tête du vote de sa circonscription. En décembre 2013, elle est désignée grande favorite pour représenter sa région aux européennes. Quand elle a appris la nouvelle, les bras lui en sont tombés : « C’était un samedi soir en décembre et j’étais en Suède, mes potes m’appelaient en furie et me disaient « putain mais c’est trop ouf ce qu’il t’arrive », je me suis perdue dans la ville. Tu m’aurais dis que je  me présenterais et que je gagnerais dans ma circo il y a un an, je t’aurais ris au nez ». 

Pendant une semaine, elle est sur un nuage et n’arrive pas à réaliser ce qui lui arrive. Mais elle est vite rattrapée par les responsabilités et les difficultés de son entrée en politique : « Le début a été un peu dur, on ne m’a pas dit « tout va bien se passer t’inquiète ». Tu es face à des mecs hyper expérimentés, moi je suis neuve en politique, j’arrive, je n’avais jamais fais une vraie campagne. Mais moi je fonce, on verra bien » lâche-t-elle, en se marrant.

« L’Europe, c’est notre ADN »

Derrière ses grands yeux verts et son sourire ultra bright, Clarisse ne dissimule pas son optimisme vis-à-vis de l’Europe. Elle assure que pour cicatriser les blessures de la société, l’Europe est l’unique solution : « L’Europe c’est notre ADN et c’est la seule porte de sortie pour régler les problèmes de la société. On a des différences culturelles mais on a tous les mêmes peurs, les mêmes envies, on veut tous fonder une famille et un travail épanouissant. Je crois qu’au-delà des partis, il y a une volonté commune de vivre bien. « 

« L’Union fait la force et si on la joue collective, on peut gagner ». Oui mais gagner contre quoi? « Contre le réchauffement climatique, le libéralisme à outrance et le mythe de la croissance qui n’est pas une fin en soi. La poursuite de la croissance c’est une illusion qu’on vend aux gens, il faut opter pour d’autres indicateurs que le PIB, comme le niveau d’éducation, de santé. Ce serait une véritable révolution culturelle. » affirme-t-elle.

Favorable à une alternative au modèle néolibéral, elle propose : « il faut changer les valeurs de la société, arrêter de consommer comme on le fait, C’est une quête de sens. Je ne veux pas me nourrir de baies sauvages et porter le même pull toute l’année mais il faut vivre autrement et dans une autre finalité ».

Fine pédagogue, elle est convaincue du poids de l’Union Européenne. Le regard franc, elle s’efforce de donner des exemples concrets : « L’Europe a une influence considérable dans notre vie quotidienne. Par exemple,  les fonds européens régionaux soutiennent nos régions en France notamment la fibre optique pour dynamiser les territoires ruraux. C’est le cas dans ma région en Auvergne! ».

Sur le projet politique européen des Verts, les priorités sont de deux ordres : l’Europe sociale et l’Europe de la transition énergétique. Elle assure non sans ironie : « L’écologie ce n’est pas le retour à la bougie. On souhaite d’abord une véritable harmonisation fiscale et sociale, une politique de relance et ensuite une Europe de la transition énergétique et de l’industrie verte ».

« C’est nous la jeune génération qui pouvons changer les choses »

Pour la jeune candidate, la jeunesse est l’avenir et la force de l’Europe : « J’ai grandi dans la crise, c’est nous la génération qui pouvons changer les choses, celle qui n’a pas grandi dans les frontières de l’Europe et celle qui galère ».

Mais, elle déplore le déficit démocratique et le manque d’intégration politique de l’Union. Elle jette la pierre à ces « hommes politiques qui ont manqué de courage et de vision politique ». Sans langue de bois, elle lâche : « j’ai remarqué une défiance de la classe politique et j’ai rencontré des jeunes qui m’ont mis dans le même panier, ça me touche. Je suis tellement différente de ceux avec qui je débat. Tu sais, j’écris mes discours parce que j’ai un problème de sincérité, il faut que ça vienne de mes tripes ».

Lassée des cumulards « déconnectés de la réalité« , elle souhaite « bousculer les pratiques politiques » : « faire de la politique ce n’est pas briguer tous les mandats possibles comme l’a fait Brice Hortefeux, je ne veux pas faire ça toute ma vie. Mais si je suis élue, ce sera un boulot à plein temps et je voterais toujours dans l’intérêt des citoyens ».

Fonceuse, Clarisse garde néanmoins les pieds sur terre : « Je prends beaucoup de recul par rapport à la politique parce que trop de gens deviennent complètement fous pour ça ».

Myriam Boukhobza

 

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