C’est dans une cohue générale que s’est éveillée Noisy-le-Sec ce jeudi 15 mai, rythmée par l’écho des slogans contestataires d’une partie des fonctionnaires grévistes. Parmi eux, des enseignants de l’école élémentaire Boissière, mobilisés pour la cinquième fois depuis le début de la réforme des rythmes scolaires.

« Comment je vais faire, mon mari travaille, je travaille… Il n’y pas d’animateurs, de service de cantine, je n’ai pas de famille dans le coin, la nourrice est surchargée… Elle va se débrouiller avec un sandwich dans son sac, je n’ai pas le choix », lance dépitée une maman devant l’école maternelle Condorcet. Un peu plus loin, devant un centre d’impôt visiblement fermé, un homme énervé se plaint, « ils nous prennent de l’argent et se permettent de faire la grève… C’est le monde à l’envers ! »

Mais qu’en est-il des enseignants habitués à être au front, combattant en amont la réforme Peillon devenue récemment Hamon ? « Cela fait quatre ou cinq fois que les enseignants se mobilisent depuis le début de l’année. Sur notre école nous sommes deux sur vingt à la faire. J’en prends toujours part car cela permet de faire entendre les raisons de notre mécontentement. Les précédentes grèves étaient sur des sujets différents (des demandes professionnelles). Celle-ci, c’est pour l’ensemble des fonctionnaires, c’est pour la revalorisation de nos salaires et contre le gel du point d’indice… C’est-à-dire contre le gel de nos salaires pour la période des trois ans à venir » expose minutieusement Roxanne. « Le message qu’on aimerait lancer avec cette grève, c’est que soit pris en compte le fait que nos salaires ne suivent plus le cours du coût de la vie. Et par rapport aux augmentations, notre pouvoir d’achat baisse. Je pense que pour relancer l’économie, il faudrait doper la consommation en augmentant le SMIC, ça permettrait de dynamiser l’économie » ajoute l’institutrice, pleine d’espoir.

Les avis, tranchés, vont dans le même sens, mais les actes ne sont pas forcément les même au sein de la même école. « Je sais que ça fait cinq fois que les enseignants font la grève. Je ne prends pas part à ces mobilisations, car je n’ai pas les moyens financiers de faire la grève. Généralement dans cette école élémentaire, les gens font activement la grève, donc l’école est fermée Ceci dit, aujourd’hui, il y aura quand même des enseignants présents car tout le monde ne veut pas la faire, moi je suis solidaire de mes camarades… Lorsque tout le monde fait la grève je ne vais pas m’imposer pour ne pas la faire et je ne vais pas déranger le personnel éducatif donc je la fait aussi. Maintenant s’il y a une personne qu’il ne l’a fait pas je la suivrai » justifie Marion, la collègue de Roxanne.

« C’est toujours un problème de rythmes scolaires, de gel des salaires des enseignants et du statut de fonctionnaire qui a complètement régressé depuis des années en France. Pour pouvoir se faire entendre il faudrait qu’ils soient très nombreux à porter le même message : revaloriser notre statut, augmenter nos salaires, faire que les rythmes scolaires ne dégradent pas notre manière d’enseigner », conclut Marion.

Du côté des syndicats, Joël Couvé, membre du SNUipp-FSU affirme pour sa part que « cette grève est en marche pour faire entendre nos revendication salariales. Il faut savoir que le point d’indice est gelé et que le Premier ministre prévoit de le prolonger jusqu’en 2017. Ce n’est pas acceptable, sachant que nous sommes les enseignants les moins payé d’Europe. Il y a des signes avant coureurs de ce déficit, car le métier est de moins en moins attractif… Les étudiants ne vont pas faire un BAC+5 pour un salaire de 1 600 euros. Il n’y a plus assez de candidats au concours et on se retrouve avec davantage de places vacantes. Il n’y en a que pour les entreprises avec le pacte de 50 milliards, pendant que l’éducation fait grise mine. Avec cette grève, les enseignants grévistes de Noisy-le-Sec tirent une énième fois la sonnette d’alarme, dans le calme.

Lansala Delcielo

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