EUROPÉENNES 2014. A Pouligny-Saint-Pierre, village de l’Indre, plus d’un électeur sur quatre a voté pour le Front national. Un bourg rural où plus de la moitié de la commune s’est déplacée aux urnes. Reportage.

Un grand arc-en-ciel barre le ciel nuageux berrichon. A Pouligny-Saint-Pierre, village de 1 100 habitants ancré en plein cœur du pays des mille étangs, votait comme l’ensemble de la France, pour les élections européennes. Et comme l’ensemble de la France, ce village rural a voté à majorité FN. Plus de 25% des scrutins ont été au parti « bleu marine ». Ce parti qui s’est présenté pour être élu au Parlement européen avec pour slogan « non à Bruxelles, oui à la France. »

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La journée a commencé sous le soleil. Les Cabouins (habitants de Pouligny-Saint-Pierre) sont venus nombreux à la petite mairie, installée depuis peu dans l’ancien presbytère, pour déposer leur bulletin dans l’urne. Quelques heures passées devant le bâtiment donnent une vision plutôt précise des habitants : moyenne d’âge plutôt élevée, très peu voire aucune personne issue de l’immigration, des milieux sociaux-culturels modestes.

L’ambiance devant la mairie qui arbore les drapeaux français est joviale et cordiale. On s’embrasse, on demande des nouvelles de la famille… Ici tout le monde se connaît. Nicole, comptable, est venue voter avec sa maman, retraitée agricole. Toutes deux ont déjà préparé leur bulletin. Si elles ont fait le déplacement, elles ne sont pas pour autant convaincues. « Je me sens éloignée de l’Europe, affirme la comptable. J’espère qu’en me déplaçant ça va faire changer un peu les choses. » Les sujets qui ont influencé leur choix : le montant des salaires et des retraites, le chômage et la politique industrielle. « Quand on voit que les Français n’ont pas de travail et que les étrangers ont le droit aux logements et aux aides, ça fout un peu les boules », résume-t-elle.

« J’ai un droit, il faut en profiter et le préserver »

Dans cette conversation Laurence, assistante sociale, a rejoint le petit groupe : « Je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi, tempère-t-elle doucement. C’est peut-être l’impression que l’on peut avoir dans les grandes villes mais ce n’est pas le cas dans nos villages ». « Les grandes villes ne sont pas forcément loin de chez nous », riposte Nicole. Tout le monde se sourit et se dirige finalement vers les isoloirs.

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Pour Arnaud, fonctionnaire, l’important était de se déplacer : « J’ai un droit, il faut en profiter et le préserver », affirme-t-il avec sérieux. Et d’ajouter avec humour : « Suivant le résultat, je pourrai me plaindre avec raison puisque j’aurai voté. » Malgré cette application, Arnaud ne croit pas en l’Europe, « en tout cas pas dans cette Europe », précise-t-il.

A Pouligny, bourg rural composé à majorité d’agriculteurs, d’éleveurs, d’artisans et d’employés dans les services, l’Europe paraît très éloignée. Célia, une jeune femme originaire de Pouligny, a du mal à définir ce qui la rapproche de l’Europe depuis son village. Son lien avec l’Europe, elle le trouve au travers de sa sensibilité écologiste. « Au niveau national je ne suis pas sûre de l’efficacité d’avoir un président écologiste, détaille-t-elle. Mais je pense que c’est important qu’il y ait cette vision au Parlement car beaucoup de lois françaises sur le sujet nous viennent de l’Europe. »

« Les résultats ne sont pas une surprise »

Dans cette zone rurale où la plupart des exploitations agricoles survivent grâce aux aides européennes de la politique agricole commune, EELV arrive loin derrière le FN, avec seulement 29 votes sur 361 voix exprimées. Un paradoxe que des agriculteurs justifient par le fait que le parti écologiste ne répond pas à leurs besoins privilégiant le biologique plutôt que l’agriculture raisonnée. « Ce sont les consommateurs qui votent pour les écologistes », s’exclame une agricultrice.

Roland Caillaud, le maire à la tête d’une liste DIV, relativise les résultats. « Les résultats ne sont pas une surprise puisqu’ils suivent les sondages annoncés, commente-t-il. Néanmoins, je ne suis pas satisfait car il n’y a pas assez de personnes qui se sont déplacées pour voter et plus personnellement je ne pense pas que les thèses du FN peuvent améliorer la vie des habitants. » Il tente d’avancer des explications pour justifier ce vote : « Les habitants font face à de grandes difficultés notamment pour trouver du travail. La campagne connaît de plus en plus de problèmes sécuritaires ». Enfin, le maire tente une nouvelle explication : « Il n’y a pas assez de différences entre le monde qui travaille et le monde assisté, justifie-t-il. Les gens se demandent si cela vaut le coup de se lever et c’est quelque chose qui est mal ressenti. »

Charlotte Cosset

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